Marseille 2013: la culture pour métamorphoser la Cité

 

Marseille, ville portuaire et populaire, dont le brassage et la solidarité firent l’histoire et la richesse, est en passe de redevenir «la ville sans nom» de l’époque de la Terreur. Marseille est gangrenée par le clientélisme et l’enlisement des dirigeants dans une co-gouvernance sans vision ni projet. Marseille, où explose une guerre pour le contrôle de l’économie parallèle, sert aujourd’hui de laboratoire pour les apprentis sorciers du «tout sécuritaire» et du dressage des uns contre les autres, de la stigmatisation des Comoriens par Claude Guéant, à l’arrêté anti-mendicité en centre ville en passant par la chasse aux Roms…
Pourtant, la ville a deux occasions de redorer son blason ces prochaines années, et d’esquisser un virage vers un éco-développement: la création du Parc national des Calanques et la candidature comme capitale européenne de la culture en 2013.
Suite à la présentation, ce jeudi 19 janvier, de la programmation de Marseille Provence 2013 capitale européenne de la culture, nous tenons à rappeler nos espoirs concernant les perspectives qu’offrent ce label européen et la vigilance qui est la notre quant au portage politique du projet.
Espoir de bâtir une véritable politique culturelle sur l’aire marseillaise en sortant l’action culturelle de sa fonction de guichet, et du saupoudrage qui fait trop souvent office de politique publique. C’est peut-être l’occasion de renouer avec la courte movida culturelle qui a secoué Marseille au début des années 90 avec le tandem Poitevin–Wallon aux affaires culturelles, d’où émergèrent «les nouveaux territoires de l’art» avec la friche La Belle de Mai par exemple.
Espoir aussi lié au périmètre de la candidature, qui va d’Arles à Toulon et d’Aix à Marseille. Ce vaste territoire peut permettre une irrigation de la création et de la diffusion artistique et culturelle, et donner l’occasion à des barons locaux qui s’ignorent et se méprisent d’enfin travailler ensemble sur des projets de coopération culturelles, mais aussi de développement des transports collectifs, du logement social et étudiant…
Vigilance concernant la gouvernance du projet. Marseille a été retenue sur le fondement d’une triple exigence: l’unité du projet, du budget et de la direction.

Si nous faisons toute confiance à l’équipe de Jean-François Chougnet pour être garante de ces exigences, nous sommes inquiets face aux tentations d’instrumentalisation de la candidature à des fins politiciennes par certains édiles locaux. Marseille capitale de la culture 2013 ne peut être otage de dérives localistes remettant en cause l’unité du projet, sa vision. Le risque d’atomisation existe si chacun rentre dans le projet avec une vision court termiste et étriquée de retour sur investissement, sur l’air thatchérien du «I want my money back», à l’instar de la maire d’Aix-en-Provence, Maryse Joissains.
Vigilance aussi autour de deux effets d’aubaine à prévoir, qui font redouter une «gentryfication» du centre ville:
- l’émergence de grands équipements culturels sur le périmètre d’Euroméditerranée (grande opération d’intérêt national de requalification urbaine de l’arrière port): Mucem, Frac, Panorama, Grand Longchamp… alors que la ville a aussi besoin d’équipements culturels dans les quartiers Nord et Est (avec les projets portés par des collectifs citoyens de médiathèques Rivoire et Carret et Saint-Antoine)
- l’attractivité touristique que garantit la labellisation. La quête touristique fait souvent figure de Graal à Marseille, où les collectivités locales donnent plusieurs millions d’euros pour l’organisation par exemple du Forum mondial de l’Eau (grande foire commerciale à la gloire des multinationales en quête de marchés dans les pays du Sud). L’argent public servant à payer des nuits d’hôtels…
Marseille a été retenue pour l’ambition de ses orientations programmatiques: garantir l’excellence artistique, la dimension populaire des manifestations, et l’ancrage méditerranéen du projet. Le projet est séduisant et prometteur mais le plus dur reste à réaliser pour que prenne l’alchimie d’une métamorphose de notre Cité par la culture: l’appropriation citoyenne du projet et l’adhésion populaire.
Transversalité, durabilité, équité et lutte contre l’exclusion doivent être les maîtres mots des pilotes du projet.

Durabilité car comme cela a été assez bien pensé avec Lille 2004, nous devons penser à l’après 2013. Que va-t-il rester et au bénéfice de qui? Il faut penser aux «usagers» directs de la culture, penser à favoriser son accès à tous notamment par le soutien à des lieux de proximité favorisant l’émergence et la poursuite des pratiques amateurs.

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