Marine Le Pen et la pédagogie : le vrai clivage…

Marine Le Pen et la pédagogie : le vrai clivage…

 

Marine Le Pen, décidément, manque d’imagination et son discours de Marseille en apporte une nouvelle preuve. On savait que son idéologie nauséabonde se nourrissait aux lieux communs les plus éculés de la haine ordinaire : la vieille technique du bouc émissaire, l’opposition entre les « élus », forgés aux traditions de la « pureté » occidentale, et les « exclus », mâtinés de métissages interlopes et porteurs de toutes les infections biologiques et culturelles… Rien de très nouveau sous le soleil noir de la violence régressive et mortifère : repli identitaire contre toutes les formes de solidarité créatrice, éradication des symptômes de tous nos maux contre toute politique de prévention, exaspération des concurrences entre les êtres et les groupes humains contre tout effort pour définir et construire notre « bien commun ». Marine Le Pen se pare des oripeaux de la modernité pour mettre le monde à feu et à sang au nom de la « civilisation » !

Et voilà que, plagiant une vieille antienne de Nicolas Sarkozy, elle s’adonne maintenant à la chasse aux « soixante-huitards », forcément attardés, qui auraient détruit l’éducation et la culture, aboli l’autorité et promu l’enfant-roi, sacrifié l’exigence pour livrer notre école à la tyrannie de la « racaille », maghrébine évidemment. Sans doute parce qu’elle ne dispose pas, contrairement à Nicolas Sarkozy, de « philosophes éclairés » dans son entourage, son discours en est encore plus pitoyable : un conglomérat de lieux communs de la très « politiquement correcte » chasse au pédagogue.

C’est, évidemment, un honneur pour moi d’être identifié par Marine Le Pen comme un de ceux qui ont « contribué » à ce qui nourrit sa hargne. Comme c’est un honneur pour moi d’être systématiquement injurié par le Front National chaque fois que je présente une délibération sur la formation dans l’hémicycle du Conseil Régional Rhône-Alpes.

Je ne me permettrais pas de conseiller à Madame Le Pen et à son entourage de lire mon dernier ouvrage, Un pédagogue dans la cité (entretien avec Luc Cédelle, éditions DDB) : je sais qu’ « ils ont d’autres chats à fouetter ». D’autant plus que « fouetter » est, aujourd’hui, leur principale activité ! Mais soyons clair : la haine de la démocratie, de l’éducation, de la solidarité, de tout effort pour relier les humains entre eux au lieu de les diviser… ne doit trouver aucun allié chez les démocrates et, a fortiori, chez ceux et celles qui se veulent « de gauche ». La ligne de clivage est claire entre ceux qui militent pour l’éducabilité de toutes et tous et ceux qui font de l’exclusion, sous toutes ses formes, la seule solution aux angoisses du temps. On ne saurait trop le rappeler.

 

Philippe Meirieu