Usine Eiffage de Bonneuil : NON ! OUI à des filières de production et des industries durables, et écologiquement acceptables

L'usine Eiffage en constructionPar arrêté du 27 juin 2011, le Préfet du Val-de-Marne autorisait la société Eiffage Travaux Publics à exploiter une centrale d’enrobage au bitume à chaud, dans le port de Bonneuil, rue du Moulin Bateau. Une telle autorisation préfectorale est nécessaire s’agissant d’une installation classée pour la protection de l’environnement  (ICPE), comprenant divers dépôts (houille, lignite, goudron, asphalte…), et  des activités de concassage et de pulvérisation de  matériaux.Or, cette autorisation a été donnée malgré l’avis défavorable des communes de  Saint-Maur et Ormesson et la demande d’expertise de Sucy-en-Brie; la centrale est donc construite et les premiers essais de fonctionnement viennent de se dérouler  …en plein pic de pollution atmosphérique.

1000 habitants vivent à moins de 500 mètres de cette installation, plus de 9000 à moins d’un km, …52 000 à moins de 2 kilomètres!

Une technique polluante et coûteuse

Un enrobé à chaud est un mélange de graviers, granulats, sable et bitume qui nécessite de sécher les matériaux en les chauffant entre 150 et 200 degrés. La fabrication d’enrobé à chaud est coûteuse en énergie, elle dégage des fumées, des poussières, des gaz à effet de serre (GES).

La source d’énergie prévue à Bonneuil est le lignite, moins cher que le gaz naturel, mais beaucoup plus polluant puisque sa combustion libère deux fois plus de CO2 mais aussi du NO2, du SO2 ainsi que des poussières. Pourtant la société Eiffage a choisi un équipement de marque allemande, Benninghoven, qui produit aussi des centrales équipées de brûleurs acceptant d’autres types de combustibles. Pourquoi avoir choisi le lignite pour une centrale installée en pleine agglomération? D’où viendra-t-il ?

Ces émissions liées à la source d’énergie, et ajoutées à la technique d’enrobage elle-même,  ne sont pas sans conséquences tant en termes de production de GES que d’incidence sur la santé des populations vivant à proximité et sur celle des travailleurs produisant ou utilisant le matériau. A tout le moins,  nous devrions déjà nous mobiliser pour le choix d’une énergie moins polluante.  Mais est-ce suffisant?

Des alternatives?

Des solutions alternatives, dites enrobé à froid (moins de 40 degrés), existent et présentent de nombreux avantages : économie d’énergie, dont le coût ne peut qu’augmenter, suppression des GES, absence d’odeurs et de fumées, mise en œuvre facilitée par tous les temps. D’ailleurs la société Eiffage elle-même a inauguré en 2009, en Indre-et-Loire, en présence d’élus locaux,  une installation dite de « développement durable » qui produit des enrobés à température moyenne et permet de recycler à 50% les anciens enrobés.

Actuellement les enrobés à froid sont surtout utilisés pour l’entretien et les petites surfaces qui représentent déjà un marché considérable, mais la technique permet aussi la réalisation d’ouvrages importants. Des matériaux innovants utilisant un liant végétal, donc renouvelable, sont également développés. Certains enrobés à froid sont perméables, d’autres de couleur claire permettent de lutter contre les îlots de chaleur en ville.

Le Port de Bonneuil : une opportunité pour le développement durable

Nous défendons l’idée que la présence du  port de Bonneuil est une opportunité pour orienter le bassin d’emploi vers des filières de production et des industries durables, ancrées localement et écologiquement acceptables. Le transport des matériaux de construction peut se faire par le fleuve ou le rail, il pourrait donc paraitre logique que des  installations qui traitent ou produisent des matériaux pour le bâtiment et les travaux publics s’installent dans les ports, à proximité des chantiers, des fournisseurs et des clients. Mais c’est l’ensemble des procédés de production qui doit être repensé pour promouvoir les matériaux compatibles avec un environnement préservé.

Ainsi ce sont les collectivités locales, à tous les niveaux, mais aussi les citoyens et les acteurs de la filière qui doivent se mobiliser pour développer les emplois de production qui répondent réellement aux attentes et aux besoins des habitants.

Existe-t-il un meilleur bitume ?

La centrale de Bonneuil aura une capacité maximum de 200 000 tonnes par an ; si les matériaux entrant dans la fabrication pourraient arriver par voie fluviale, l’enrobé à chaud est ensuite transporté par camion sur les chantiers ; en tablant sur 1000 tonnes par jour de fonctionnement, on pourrait voir ces jours là, 50 camions partir puis revenir à la centrale.

Bref, au delà du bruit, de la pollution et de la circulation engendrée, autant de camions qui seront à l’origine des « nids de poules » que l’enrobé qu’ils transportent est censé aller boucher plus loin…

Si la réparation des « nids de poules » répond parfois à de réels risques sur la stabilité de la voirie et à la sécurité des véhicules qui y circulent, il répond aussi hélas à une facilité électoraliste de certains élus locaux. Des élus qui tiennent aujourd’hui un discours schizophrène entre le refus de centrales d’enrobage bitumineux sur ou à proximité de leurs territoires et leur manie permanente de bitumer le moindre espace de leur ville comme les trottoirs par exemple.

Est-il nécessaire lors de la réfection de certaines rues, comme à Saint-Maur, de supprimer les arbres d’alignement pour élargir les trottoirs, les recouvrir de bitume, avec un coût de plusieurs milliers d’€uros au mètre linaire, pour au final y faire stationner les voitures…? Pendant que dans le même temps, les mêmes élus  insisteront sur la nécessité de réparer la perte de biodiversité et qu’à grand renfort de communication on rendra quelques petites centaines de mètres de trottoirs aux herbes et plantes sauvages…

Les sols artificiels – en d’autres termes urbanisés – représentaient en 2004 8,4% du territoire métropolitain avec une progression de 15% par an depuis 1994, alors que dans la même période l’augmentation de la population française n’était que de 5% par an. Cette croissance des surfaces artificielles urbaines se traduit par une augmentation progressive et irréversible de  l’imperméabilisation du sol qui elle même est à l’origine des phénomènes de ruissellement des eaux, dont la teneur en polluants de toutes natures se trouve augmentée, particulièrement en milieu urbain, et qui sont parfois à l’origine de crues catastrophiques. Le meilleur bitume est donc celui que l’on peut éviter…

Notre refus de l’installation de l’usine Eiffage sur le port de Bonneuil, et notre refus de la voir construire ailleurs, se fondent donc tout autant sur des considérations de défense des populations riveraines, et en particulier de leur santé, que sur la nécessité de repenser un modèle de développement de notre tissu industriel local qui soit respectueux de l’environnement et des ressources naturelles.