Réponses au courrier du collectif « Ecole Publique en danger »
Scolarisation des enfants, temps scolaires et dispositifs de lutte contre l’échec scolaire:
1°a) Pour ou contre un moratoire sur les fermetures proposés par le gouvernement précédent ?
Je suis favorable à un moratoire.
D’ailleurs, lors d’une action initiée par les parents d’élèves et les enseignants d’une école de Quimper ( Penanguer ) à la suite d’une menace de fermeture de classe en janvier dernier, j’ai rencontré la Directrice des services académiques de l’Education nationale d’une part et répondu à son courrier dans un second temps : vous trouverez en annexe la copie de nos échanges à partir desquels je développe largement tous mes arguments et demande déjà le moratoire en question (cf lettre du
9/03/2012)
1°b) Pour ou contre la scolarisation possible des enfants de 2 ans dès septembre 2012 ?
L’Ecole Publique française a su construire une école maternelle qui fait référence dans toute l’Europe. Il faut absolument la défendre et l’améliorer encore.
La scolarisation des enfants de 2 ans doit être possible pour les parents qui le souhaitent et favorisée dans certaines conditions de territoires ou/et sociales. Il faut néanmoins établir un lien entre les
classes maternelles et les structures de la Petite Enfance pour organiser un passage harmonieux, progressif et individualisé des petits vers la scolarisation. A ce titre, l’exemple des « classes
passerelles » expérimentées dans certaines villes est à encourager.
1°c) Quels dispositif(s) d’aide aux enfants en difficultés ? Devenir des RASED ?
L’égalité des chances qui consiste à doter chaque enfant des « compensation nécessaires » pour les mettre tous sur la même ligne de départ dans la perspective d’une grande compétition est une ineptie. L’école, si elle veut aider tous les élèves, ne doit pas être l’école de la sélection. Elle doit rompre avec la culture de la performance, du résultat et du contrôle généralisé qui visent à mettre ne concurrence les établissements.
Dans cette perspective, les RASED ne doivent pas s’organiser comme une clinique de l’échec scolaire….
Des aides individualisées, ciblées, ponctuelles sont nécessaires pour les élèves les plus en difficultés, et les personnels des RASED ont la formation pour établir le diagnostic précis des causes de ses difficultés. C’est cependant DANS la classe, avec les autres enfants, que ces élèves doivent pouvoir combler leurs difficultés. Il faut donc que les conditions d’enseignement soient réunies : effectif raisonnable, formation pédagogique de haut niveau des professeurs, constitution de véritables équipes pédagogiques se dotant d’un projet d’école pertinent, possibilité de bénéficier d’un
enseignant surnuméraire, culture de la coopération prédominante, fonctionnement institutionnel de l’école où tous les acteurs de la communauté éducative se voient reconnus une place réelle.
1°d) Quels compléments à la loi de 2005 sur l’application de la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire ?
La Loi de 2005 est une avancée décisive dans l’histoire de l’école car elle constitue une ouverture considérable de l’institution sur la société avec toutes ses disparités. Elle a permis de bousculer des méthodes pédagogiques, de construire pour tous, un autre rapport à l’altérité, à la différence…
Elle a donné aux parents d’élèves handicapés une place essentielle dans les décisions concernant leurs enfants. Il sera très difficile de revenir en arrière et c’est tant mieux.
Il faut néanmoins noter que cette ouverture ne s’est pas accompagnée de moyens supplémentaires. C’est même au contraire que l’on a pu assister, notammant par l’augmentation des
effectifs des classes…
Cependant, cette loi ne doit pas se transformer en vecteur de la toute puissance de prétentions individuelles sur la logique institutionnelle de l’Ecole : certaines intégrations restent très
difficiles. Sans doute pas pour les troubles sensoriels, moteurs ou physiologiques mais certains troubles cognitifs et comportementaux peuvent parfois constituer des obstacles encore très importants. Un dialogue sincère reposant sur un diagnostic partagé est indispensable pour une intégration réussie. Le « passage en force » est souvent la promesse d’un échec rapide…
Là encore, l’organisation efficace et pertinente de la coopération entre toutes les composantes de la communauté éducative et la MDPH (établissements médico-sociaux, sessad etc…) est un préalable obligatoire. La logique du partenariat intelligent doit l’emporter sur une logique qui ne se réfèrerait qu’à des considérations juridiques… Elles exige que ces partenaires ayant des cultures professionnelles différentes aient appris à collaborer…
Proposeriez-vous des adaptations des temps scolaires et péri-scolaires ? Pour ou contre la semaine de 4 jours et avec quels aménagements ?
Les expertises scientifiques affirment que la journée scolaire d’un élève français est trop dense. Si l’on veut remettre l’élève au centre des préoccupations éducatives, ces conclusions sont à prendre en compte, bien davantage que les considérations touristico-économiques… La semaine de semaine de
4 jours est donc à proscrire…
Aussi, de la même manière qu’un service public de la Petite enfance doit s’articuler avec l’Ecole, un service public socio-éducatif doit s’organiser… Les mouvements d’éducation populaire (Cemea, Fol etc…), les municipalités et les établissements scolaires devraient réflechir à des collaborations permettant de réduire le temps scolaire quotidien sans laisser les enfants à la charge des familles voire livrés à eux-mêmes…
Formation des enseignants et encadrement à l’école:
2°a) La formation et le recrutement des enseignants/ statut quo ? Retour du stage encadré en responsabilité ? Nouvelle propositions ?
Etre professeur, dans le 1er ou le 2 ème degré, exige une formation de haut niveau. Placer le recrutement des enseignants au niveau du master atteste de cette exigence.
Actuellement, l’absence de formation pédagogique des nouveaux enseignants est une calamité que ces derniers et les élèves vont payer très cher…
Non seulement il est urgent de réintroduire des stages encadrés des futurs enseignants sur le terrain pédagogique mais il faut aussi réabiliter les IUFM en tant qu’école de formation supérieure
aux métiers de l’éducation. L’enjeu n’est pas de préparer des transmetteurs de savoirs désireux de se cantonner à ce seul compartiment mais des professionnels performants dans bien d’autres domaines…
Le recrutement des futurs professeurs devrait ainsi prendre en compte les qualités indispensables pour s’engager dans ce métier :connaître et être prêt être à composer avec les
dimensions psycho-affectives de son exercice, être capable de prendre en compte d’autres cultures professionnelles (partenaires sociaux, éducatifs, artistiques…), de travailler en équipe, de défendre les valeurs républicaines…
2°b) Manques actuels dans les missions de la MDPH ? Statut et formation des avs ?
La générosité de la loi de 2005 n’a pas été toujours assortie des moyens à mettre en oeuvre pour son application. Par exemple, en Finistère, des élèves présentant des troubles graves de la conduite et du comportement ne peuvent être admis en ITEP, faute de place. Il sont donc scolarisés en milieu ordinaire et bien sûr, génèrent des difficultés insurmontables par les équipes pédagogiques. La présence ou non d’une AVS n’est pas toujours l’enjeu (d’autant plus que leur formation n’est pas au
niveau des exigences requises). C’est davantage dans des partenariats SEGPA/ ITEP ou Collège / ITEP que des formules de scolarisation progressive, contractualisées entre les établissements, l’élève et ses responsables légaux ont déjà donné leur preuve.
2°c) Les rôles et moyens des parents délégués, dans et autour de l’école ?
La place des parents dans la communauté est une évidence. Elle doit être reconnue et valorisée. Trop souvent des procès d’intention leur sont faits par les professionnels de l’institution
scolaire parce qu’ils seraient à l’origine de conflits personnalisés référés à la promotion d’un consumérisme pédagogique. Ce face à face est toujours stérile et il incombe aux formateurs des
enseignants de les préparer à faire preuve d’empathie et de congruence pour désarmorcer de telles situations…
La réhabiliation et la reconstruction, avec les parents et tous les autres partenaires de l’école, d’une institution républicaine ouverte aux réalités du monde contemporain doit constituer un
xsupport à partir duquel les échanges s’organisent et les décisions se prennent collectivement. Les instances de décisions que sont les Conseils d’école et les Conseils d’administrations des collèges
doivent être redynamisées pour devenir de véritables assemblées de délibérations et ne pas être réduites à des chambres d’enregistrement de décisions prises ailleurs…
Certaines expériences montrent qu’une collaboration étroite et authentique avec les parents d’élèves permet de lever des moyens et des énergies très efficaces…
L’école, ses objectifs, la laïcité.
3°a) Atteintes à la laïcité: où en sommes-nous ? Quelles mesures à prendre ?
La laïcité est une composante essentielle de l’école républicaine et de son service public. Elle doit être une laïcité incluante et non excluante. Ses principes doivent être expliqués pour être partagés, et ne pas être pointés comme une arme contre certaines communautés… l’école ne peut plus se vivre
comme un sanctuaire dégagé des débats sociétaux. Elle doit être au contraire le moyen de les comprendre dans l’espace scolaire de manière rationnelle et pacifiée.
3°b) Encore aujourd’hui, des communes sans école publique en Bretagne: quelles mesures ?
La désertification rurale et son corollaire, le retrait des services publics, ne doivent pas être considérés comme une fatalité. Dans un monde où la réorganisation économique et écologique
devra privilégier la relocalisation des échanges et les activtés, la consolidation des écoles en zone rurale est indispensable.
De plus, l’école rurale est très souvent au centre de la vie sociale, un espace de convivialité à partir duquel une citoyenneté concrète se développe (développement d’une association de parents d’élèves, animation culturelle, échanges transgénérationnels etc…)
Les regroupements pédagogiques entre petites communes permettent de garder une classe dans chaque village en rationalisant et mutualisant des moyens publics que seule, une petite commune, ne pourrait plus assumer.
Les SCOT sont des outils pour les collectivités d’orientations stratégiques en termes d’habitat, d’organisation économique et de services : la densification des bourgs et l’aide à l’installation de services de proximité doivent permettre une redynamisation de l ‘école rurale.
3°c) Zéro dérogation pour le périmètre scolaire ? Autre solutions pour les mixités sociales ?
Loin de favoriser la mixité sociale, l’ouverture des dérogations à la carte scolaire a renforcé la ségrégation en exacerbant la compétiton entre les établissements. Il faut réintroduire une carte
scolaire et imaginer des solutions particulières lorsque la mixité reste encore trop réduite malgré la définition d’un périmètre scolaire. Le « busing », expérience américaine qui consiste à organiser un système de transport scolaire pour permettre à des élèves d’un quartier défavorisé d’être scolarisés dans un quartier mieux loti, peut constituer un exemple intéressant.
La maîtrise du foncier, l’encadrement des loyers, un plus fort taux ( 30 % ) de logements sociaux sur tout le territoire sont également des leviers dont les collectivités doivent pouvoir user
pour une plus grande mixité
3°d) Réserver à l’école publique les financements publics ? Si non, quelle clef de répartition ?
L’école est déjà largement fragilisée par la logique libérale et il n’est sans doute pas nécessaire de rouvrir la guerre scolaire.
Cependant, dans le respect des régles en vigueur, la priorité doit clairement être donnée à l’école publique pour ce qui concerne le financement public de l’enseignement d’une manière générale. Les
écoles privées sous contrat doivent être assujetties aux mêmes régles que l’école publique