M. Sarkozy place la question des « frontières » comme sujet central (meeting de Toulouse, 29 avril). Mais sa conception des frontières est une conception de fermeture, une conception binaire, simpliste et moralisatrice. Revenons donc, nous propose-t-il, à une France bien fermée sur elle-même, louons et défendons la grandeur de notre Nation, sauvons notre identité et protégeons-nous de la menace du différent… Ce qui fait dire à l’éditorialiste Béatrice Delvaux du « Soir » (qui n’est pas un journal de gauche), « Sarkozy ne court plus derrière le FN : il l’a rattrapé… »…

A ce discours, réducteur et simpliste, je préfère une ouverture à la diversité du monde…

Je préfère une notion de frontière conçue comme une porte ouverte à l’autre différent, un autre, source de richesse de par ses différences, un autre avec qui échanger et faire société. Il ne s’agit pas d’abolir les frontières ou d’abandonner tout repère. Il s’agit de concevoir les frontières comme lieu d’accueil, comme opportunité de partage. Il s’agit aussi de proposer des échanges et du dialogue sur les frontières : sur les limites, valeurs et les repères, ce qui est acceptable ou pas, et non imposer un retour à un ordre moral autoritaire. Je préfère, pour ne reprendre que ce qui concerne les frontières culturelles et morales, d’autres discours, plus humanistes, plus tolérants, plus confiants en l’humain, plus fraternels :

• Celui de l’UNESCO : « source d’échanges, d’innovation et de créativité, la  diversité culturelle est, pour le genre humain, aussi nécessaire qu’est la biodiversité dans l’ordre du vivant » (Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, article 1).
• Celui de l’agenda 21 des cultures du territoire d’Angers(1) : « Les échanges culturels sont toujours sources de richesses, à la fois au niveau collectif et individuel. En ce sens, il faut oser provoquer les rencontres entre les cultures, dans un esprit d’ouverture, de curiosité et d’envie de comprendre. (…) A titre individuel, la rencontre de cultures différentes constitue pour chacun la possibilité de construire son identité à partir de sa culture d’origine et en s’enrichissant de différentes formes de métissage. Elle offre à la fois la possibilité d’un épanouissement personnel, d’une ouverture, d’une émancipation et d’un enrichissement mutuel. »

Certes les mutations de notre société ont bouleversé les frontières traditionnelles : économiques, culturelles, politiques… de façon considérable au cours du XXème siècle… Et on peut comprendre comme l’écrit Patrick VIVERET(2) que « les générations qui vivent une telle simultanéité de mutations tendent à « perdre la boule » et cherchent désespérément à retrouver des racines dans les miroirs dangereux que leur tendent tous les intégrismes, qu’ils soient du sens (intégrisme religieux), du territoire (nationalisme), du groupe (tribalisme, clanisme mais aussi corporatisme), ou de la nature (écologie fondamentaliste). » Il semble que notre actuel président soit à pieds joints dans cette recherche désespérée d’un retour à un ordre moral, nationaliste, claniste… Que ce soit purement électoraliste ou profondément sincère, cela n’en est pas moins, pour le coup, inacceptable…

Plus que jamais changeons d’ère !!!!

Nous avons besoin de penser notre avenir avec d’autres conceptions :

• un humanisme qui rassemble,
• une ouverture au différent, susceptible de participer à une richesse humaine, relationnelle, culturelle,
• la possibilité d’un dialogue et d’un débat démocratique sur ce qui est juste, bien, bon pour chacun et pour tous et non un ordre moral édicté d’en haut… « Faute de le faire nous serons impuissants à faire face aux fanatismes et aux intégrismes qui se nourriront de ce vide spirituel des sociétés développées »(2).

(1)     L’Agenda 21 des Cultures du territoire d’Angers est un texte collaboratif construit par des citoyens, des représentants du monde artistique, des élus… pour penser ensemble les politiques culturelles au 21ème siècle, sur la base de l’Agenda 2& de la Culture signé à Barcelone en 2004.

(2)    P. Viveret , « Démocratie, passions et frontières », 1995