Pharaonique et polémique Horseland

C’est un rêve démesuré qui semble faire pschitt… Le projet de centre équestre de luxe Horseland, à Prémesques, n’est toujours pas ouvert et la polémique enfle, jusqu’aux politiques.

BÉRANGÈRE BARRET ET JUSTINE FAIDERBE > region@nordeclair.fr
Un ancien champ, en lisière d’un bois, à la sortie du village de 2 300 âmes de Prémesques. Une large grille noire, des murs hauts, des structures bétonnées. Et cette inscription : « Horseland, resort&spa ». Bienvenue dans l’univers du cheval de luxe, rêvé par Gérard Defrance.

 Ce qu’a prévu sur ce site de onze hectares ce Nordiste qui a fait fortune dans l’immobilier : carrières de 2 000 et 8 000 m², manèges, piste de trot de 800 m, centre vétérinaire, 105 boxes pour les chevaux ; restaurant, centre de remise en forme, spa, salles de conférence, piscines et hôtellerie cinq étoiles (230 euros la chambre) pour leurs propriétaires. Tout en standing. Possibilité d’accueil : autant que le nombre de villageois (plus de 2 000 personnes). Ce qui fonctionne pour l’instant : rien. Gérard Defrance avait prévu l’ouverture du centre en fanfare début 2010. La date ne cesse d’être reportée. Horseland n’est encore qu’un vaste centre fantôme, avec des structures vides. Une idée mégalo d’un homme d’affaires influent.

Pas d’agrément sans parking
Le projet d’Horseland est né dans l’imaginaire de Defrance dans les années 2000, « alors qu’il rachète une partie du bois », explique Christophe Bisquert. Ce voisin d’Horseland mène le collectif pour la sauvegarde de Prémesques, qu’il a créé en décembre 2010. Quatre mois pile après être « tombé de haut » : « En été 2009, on s’est rendu compte que des travaux se préparaient dans le champ juste derrière chez nous, raconte-t-il. La mairie nous a expliqué à l’époque qu’il s’agissait d’un projet de centre équestre. Il allait y avoir des chevaux dans le champ, pour mes gamins, j’étais plutôt content. » Sauf qu’« un an plus tard, alors qu’on rentrait de vacances, on s’est rendu compte avec les voisins du lotissement qu’une structure en béton était sortie de terre. La mairie n’a pas voulu répondre à nos sollicitations. On a compris que c’était bien plus qu’un simple centre équestre ». Christophe Bisquert prend contact avec l’exploitant du champ, qui lui affirme que Gérard Defrance, après avoir loué une partie de la parcelle agricole, l’a achetée. « Il a tenté d’obtenir l’autre moitié, mais il n’a pas réussi », explique Christophe, qui ajoute que « d’autres agriculteurs ont été approchés, mais ont refusé de vendre ». Ce qui a notamment mis l’homme d’affaires dans l’embarras pour construire ses 800 places de parking. Or, pour la commission de sécurité, pas de parking, pas d’agrément pour l’ouverture du centre.
Depuis se sont enchaînées selon Christophe Bisquert « réunions folkloriques » en mairie et « plaintes, auprès du collectif, d’entreprises oeuvrant sur le chantier et non payées ». Puis, en janvier dernier, une famille d’agriculteurs expulsée de la ferme louée depuis des générations, passée dans le giron de Gérard Defrance. Ce que craint aujourd’hui le collectif, c’est que « Defrance acquiert des terres supplémentaires pour pouvoir faire modifier le plan d’urbanisme local ». « Il a trouvé le biais du centre équestre pour passer ces terres agricoles en terrains constructibles et donc y faire de l’immobilier », avance Christophe Bisquert. Reste qu’à l’heure actuelle le projet est toujours au point mort. Et malgré les réservations ouvertes sur Internet pour l’hôtellerie et la persévérance inaltérable de Defrance, les bâtiments vides hantent les abords de Prémesques

Les Verts se mobilisent et en appellent à la loi

Europe Écologie-Les Verts (EE-LV) tient conférence aujourd’hui à Prémesques. « Sur site », comme on dit. Avec pour objectif de « prendre la mesure du projet pharaonique » et expliquer pourquoi « il est important de modifier la législation ». C’est Lise Daleux, actuelle adjointe au maire de Lille à la petite enfance, mais surtout candidate aux législatives pour EE-LV dans la 11e circonscription du Nord (celle de Prémesques), qui organise la conférence. Une mobilisation contre le « pharaonique Horseland », qui tombe donc à point nommé à quelques semaines des élections. Mais la candidate se justifie : « C’est encore possible aujourd’hui de marquer les choses de façon à ce qu’elles n’empirent pas. » « Ce centre équestre de luxe est installé sur des terres agricoles protégées. Le promoteur a joué avec un vide administratif », dit-elle. Plutôt qu’un vide, Gérard Defrance a profité d’un flou qui compte les centres équestres parmi les terres agricoles. « Ce n’est pas possible, rétorque Lise Daleux, quand on voit le béton que ça représente ! Ces terres ne reviendront jamais à la culture. » Elle propose donc de lancer, à l’Assemblée nationale, une proposition de loi « plus contraignante pour faire face au défi du développement durable ». Elle ajoute : « On vient dire ça et aussi rappeler que nous restons vigilants. Certaines terres autour du centre pourraient intéresser M. Defrance pour finir son projet. Il est important donc d’en parler pour éviter que des tractations se fassent pour modifier le plan local d’urbanisme (PLU). » Elle regrette qu’aucune assurance n’ait été donnée par René Vandierendonck (que nous ne sommes pas parvenus à joindre hier), en charge du PLU à la communauté urbaine de Lille, sur le maintien des terres non constructibles autour de l’actuel Horseland. Et rappelle que « des villes s’engagent en ce moment pour développer le bio et le local dans les cantines. Pour cela, nous avons besoin de ces terres, surtout en zone périurbaine comme la nôtre ».B.B.

http://www.nordeclair.fr/Actualite/2012/04/07/pharaonique-et-polemique-horseland.shtml