Rencontre avec Zebda

Les radios associatives comme Radio Dio et radio Ondaine, témoins privilégiées de cette rencontre

 

Lors du dernier festival Paroles & Musiques de Saint-Étienne, Léla a rencontré à nouveau le groupe Zebda. C’est avec Mouss qu’elle s’est entretenue sur le travail de mémoire qu’ils ont mené tous deux parallèlement.

L’engagement des Zebda, tout comme celui de Léla débute dans les années 80. En 1983 avec la « Marche des Beurs » puis pour Léla dès 1989 et sa candidature comme tête de liste des élections municipales à St-Étienne pour le collectif « le Grain ». « Notre vote vous intéresse » était un des slogan de cette liste bigarrée, multiculturelle et de tous âges. C’était le début d’une dynamique d’autonomie politique. Dans les « cahiers de doléance » de l’époque figurait déjà ce nécessaire travail de mémoire à mener pour les immigrés et leurs enfants. C’est aussi le  sens de la démarche « origine contrôlée » que mènent Zebda et les frères Mouss et Hakim.

Hélas aujourd’hui Nicolas Sarkozy a tué dans l’œuf le travail de mémoire avec ce qu’il a fait de la Cité Nationale de l’Histoire de l’Immigration (CNHI).

 “Quand on connaît son histoire, on ne la fantasme pas.”

Pour Mouss, il y a l’histoire des parents et l’histoire des enfants qui sont distinctes et se confondent à la fois. Dans l’idée figée de l’identité nationale et les pseudo-débats qui ont eu lieu sur le sujet, personne n’a dit que tous les citoyens français sont les héritiers de l’immigration post-coloniale. Les jeunes issus de cette immigration ne veulent pas d’excuses, mais souhaitent comprendre ce qui s’est passé. C’est une histoire pleine de non-dits qui engendre des traumatismes. Et puis quand on connaît son histoire, on ne la fantasme pas, contrairement à Guéant, Zeymour etc. qui sont dans le fantasme d’une identité française qui n’a jamais existé telle qu’ils la rêvent.

D’autre part, le vieillissement des populations immigrées pose des problèmes auxquels la France ne s’est pas préparée. D’une part dans les foyers SONACOTRA on voit des vieux qui, contrôlés par la CRAM, la MSA, se retrouvent avec des dettes incroyables ! Ils n’ont pas le droit de quitter le territoire plus de 3 mois pour conserver des acquis qu’ils ont eu en construisant la France, il ne faut pas l’oublier. Contre ces abus il y a le collectif   »Justice et solidarité pour les Chibanis » qui fait du bon travail. D’autre part,  les maisons de retraite et les hôpitaux sont inadaptés aux personnes de culture différente.

“Pour les vieux migrants, des solutions politiques existent”

Léla renchérit : il y a une question sociale à traiter, qui concerne la pauvreté et la précarité et aussi une question politique. Les pouvoirs publics ont ethnicisé la question et si demain, parce que celle existantes sont aujourd’hui inadaptées, des maisons de retraites construites par l’Arabie Saoudite fleurissent en France on criera au scandale. La réponse peut être politique : nous avons les moyens d’abroger cette condition de résidence d’une part et de mieux former les personnels soignant. Il nous faut une approche ethnologique et non culturelle.

Pour Léla, l’identité nationale est toujours en mouvement. Et aujourd’hui, elle ne se considère pas comme une candidate de la diversité, mais comme une candidate issue du monde associatif, candidate de la gauche, socialiste et écologiste.

“Pourquoi la culture est absente ?”

Mouss aussi pense que le concept de « diversité » est un scandale. Avec le retour de la gauche au pouvoir, qu’il faut confirmer aux législatives, on peut pousser un « ouf » de soulagement. Parce que les dix dernières années ont été pire que tout, encore pire que le pire que l’on avait imaginé. L’État a abandonné les quartiers populaires. Pourquoi les seuls aménagements des quartiers sont des stades de foot ? Pourquoi la culture est absente ? Par exemple il y a de moins en moins de jeunes qui font de la musique aujourd’hui.

Si on laisse faire, on ira au clash, non pas vers une « insurrection citoyenne » mais une insurrection civile. Pour Léla, c’est une  question de courage et de volonté politique. On peut, par exemple, comme elle l’a fait à la Région Rhône-Alpes, augmenter d’1 million d’euros le budget d’aide aux associations.

“Pendant 15 ans on a dit « il faut aller voter » et maintenant on passe au niveau supérieur : il faut y aller ! J’espère que tu seras élue.”