Lettre ouverte à Rama Yade.
Par votre ouvrage, Lettre à la Jeunesse, et par vos multiples interventions publiques depuis sa parution, vous avez souvent évoqué une société qui ne se préoccupe pas de sa jeunesse. Votre constat, alarmant, s’avère souvent juste. Pour la grande majorité des jeunes, l’avenir rime avec précarité (selon l’OCDE, les jeunes vivent une période de précarité de presque dix ans entre le moment de leur entrée dans la vie active et leur premier emploi stable) ou avec hôpital pour certains d’entre eux (en effet, le taux de cancer chez les jeunes augmente de 1 % par an, en raison notamment de la dégradation de l’environnement). De plus, toutes les politiques menées depuis trente ans pour la jeunesse se sont avérées inefficaces, accroissant souvent davantage les difficultés d’accès des jeunes à l’emploi, au logement ou encore à la santé…
Madame, si vous souhaitez réellement répondre aux problèmes dont est victime notre classe d’âge, il est impératif d’œuvrer à l’autonomie et l’émancipation de la jeunesse : il s’agit là d’un investissement prioritaire pour un développement durable ainsi que d’une source nécessaire de diversité et de pluralité.
Cette émancipation de la jeunesse débute par l’autonomie financière. Face au défi de la dignité et de la survie de chacun, notre société a opté pour un revenu minimum dont les critères excluent un grand nombre de jeunes (2,5 % des jeunes sont concernés par le revenu de solidarité active). Aujourd’hui chaque jeune doit pouvoir bénéficier sans conditions d’un revenu minimum garanti et universel permettant de répondre aux attentes des 20 % de jeunes qui vivent au-dessous du seuil de pauvreté comme à tous ceux qui ont besoin de la garantie d’une base non négociable à partir de laquelle l’individu pourra déterminer son projet d’existence. Une telle mesure constituerait une avancée considérable en direction d’une nouvelle politique familiale et sociale. Toute amélioration de la situation économique et sociale de la jeunesse scolarisée doit s’accompagner d’une amélioration des conditions de vie de l’ensemble de la jeunesse. Il ne s’agit pas uniquement de répondre aux revendications des organisations étudiantes, mais de mener à bien la seule réforme fiscale qui permette d’aller vers plus d’égalité : la suppression du rattachement des étudiants au foyer fiscal de leurs parents.
Améliorer les conditions de vie des étudiants et surtout permettre à tous l’accès à une formation qualifiante et épanouissante reste un défi à relever. L’origine sociale demeure un facteur discriminant pour la réussite des études, alors que 50 % des étudiants travaillent en parallèle de leurs études, diminuant ainsi leurs chances de réussite par deux. Outre le revenu minimum, il faut également reconnaître l’engagement sportif, les activités bénévoles ainsi que les savoirs acquis dans les associations ou syndicats étudiants. Renouons avec l’objectif d’équité dans l’enseignement supérieur : les universités locales doivent être revalorisées, développer l’orientation par potentiel, améliorer les conditions d’enseignement dans les universités et le suivi des étudiants de première et deuxième année.
Enfin, il nous faut de toute urgence réguler les stages et les fusionner avec l’apprentissage, solidement encadré. Limiter le nombre de stagiaires par entreprise, atteindre un niveau de rémunération d’une moitié de Smic pour les stagiaires et entrer dans un idéal de formation de ses employés par l’entreprise en son sein sont plus que nécessaires pour rompre avec une vision qui transforme l’université en usine à créer des travailleurs. C’est le développement des qualités, l’émancipation et l’épanouissement de chacun qui nous rendra plus apte à nous insérer dans le monde du travail. De même, les 33 % des jeunes souhaitant devenir travailleur indépendant ou entrepreneur ne sont mués uniquement par la volonté de s’enrichir financièrement : leur désirs d’entreprenariat s’accompagne bien souvent d’une volonté de solidarité qu’il faut soutenir.
UN VRAI « GRENELLE DE LA JEUNESSE »
Les Jeunes Verts n’oublient pas l’enseignement primaire et secondaire, essentiels à la réussite en niveau supérieur : 150 000 jeunes sortent de l’école sans qualification. Madame Yade, nous ne construirons pas l’éducation de demain en réduisant le nombre d’enseignants, d’accompagnants à la vie sociale, d’éducateurs et d’animateurs comme le fait votre gouvernement. Toute société doit se donner les moyens de sa réussite : réinvestissons en masse dans notre éducation et reprenons l’enseignement pédagogique aux nouveaux professeurs des écoles! Nous sommes en faveur d’un collège unique, mais non uniforme.
Réduisons le choc que constitue le passage de l’école primaire au collège en mettant en place des équipes pédagogiques restreintes pour les classes de 6e et de 5e. Elargissons les possibilités de choix pour les collégiens dans tout ce qui concerne leur vie quotidienne (cours, repas, projets collectifs). Des incitations aux activités associatives doivent être mises en place. Enfin, améliorons l’orientation en valorisant les savoirs et les compétences acquises, au collège comme au lycée, et ouvrons les établissements aux intervenants et activités extérieures.
L’autonomie ne s’arrête pas là : l’accès au logement et à la santé sont autant d’enjeux cruciaux pour la jeunesse. La spéculation et le manque de ressources immobilières ne datent pas de la crise, mais il est plus que temps d’y attacher de l’importance : un gel des loyers, une augmentation drastique des chambres universitaires disponibles un plan massif d’investissement dans l’habitat inter-générationnel sont plus que jamais nécessaires. Bien plus, c’est l’organisation globale de notre territoire qu’il faut repenser : ce n’est pas en créant de gros noeuds d’excellence que nous parviendrons à désengorger l’habitat…
Quant à la question de la santé, elle est fondamentale concernant les jeunes. La grande mobilité des jeunes étudiants rend par exemple le choix du médecin traitant extrêmement contraignant. Mettre en place une couverture maladie universelle (CMU) jeune peut ainsi s’avérer être une bonne solution… mais seulement dans le cadre d’une véritable politique de prévention des risques ! Par exemple, promouvoir l’alimentation issue de l’agriculture biologique et réduire la malbouffe et les pollutions partout constituent une politique préventive en matière de santé pour la jeunesse.
Madame la secrétaire d’Etat chargée des sports, vous paraissez souhaiter de tout cœur dialoguer avec la jeunesse de France. Or une partie de plus en plus grande de celle-ci crie chaque jour dans la rue son envie de participer aux décisions qui concernent son avenir. Il est peut-être donc nécessaire de commencer par écouter ses revendications si vous avez l’intention d’organiser un vrai « Grenelle de la jeunesse » qui ne consiste pas en un simple instrument de manipulation d’une partie de la population en vue des prochaines échéances électorales.
Veuillez agréer, madame la secrétaire d’Etat, l’expression de notre profond respect.
Cyrielle Châtelain, militante, Fanny Dubot, coordinatrice fédérale des Jeunes Verts, Marie Toussaint, secrétaire fédérale des Jeunes Verts