Mon discours en qualité de Présidente de la Commission des Affaires Européennes, le 4 juillet 2012

Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

Mes chers collègues,

A mon tour, je veux saluer les étapes franchies avec succès par ce Conseil européen, étapes qui vont permettre de remettre en marche , à petits pas peut-être, une Europe en panne. Somme toute la semaine dernière à Bruxelles, le pire a été évité. Ce sommet nous fait progresser dans la direction du meilleur.

Ce premier pas, c’est l’efficacité de l’Europe lorsqu’elle s’unit pour écouter enfin les peuples asphyxiés par les difficultés économiques et leur donner la respiration dont ils ont besoin.

Ainsi la France souhaite insuffler un espoir collectif à travers le  pacte de croissance, qui  montre la voie d’une politique européenne porteuse d’une réelle relance économique pour tous.

Le montant des moyens sur la table, 120 milliards d’euros, est un premier pas, modeste peut-être, mais un premier pas quand même

Mais surtout la qualité des instruments utilisés par le Conseil apparaît prometteuse.

Certes, deux d’entre eux sont traditionnels. cependant leur mobilisation montre combien l’Europe dispose d’outils pour agir, dès lors qu’existe la volonté politique de s’en saisir !

La réaffectation des fonds structurels vers l’innovation, les PME et l’emploi des jeunes, nous rappelle que nous ne sommes pas seuls pour lutter contre les effets de la crise, et que la solidarité européenne peut ne  pas être un vain mot.

Le renforcement des actions de la Banque européenne d’investissement va dans la même direction, en identifiant la menace que fait peser une austérité trop brutale sur nos économies en asséchant les investissements.

La réelle innovation découle des project bonds, ces obligations de projet, qui préfigurent une politique d’investissement intégrée. De leur rapide concrétisation, de leur affectation aux projets qui engagent l’avenir de nos sociétés – je pense en particulier aux exigences de la transition écologique – dépendent la capacité de l’Union à apporter des réponses concrètes aux défis de sa prospérité future.

Soyez sûr que votre Commission des affaires européennes regardera cela de très près. Elle s’attachera à formuler rapidement des propositions concrètes et ambitieuses pour que cette expérience soit une réussite

Mais pour concrétiser ces premières avancées  il faudra trouver, très vite, des relais sur le grand dossier des moyens donnés à l’Europe avec la négociation des perspectives financières 2014-2020.

En effet, est-il cohérent de promouvoir le rôle de l’Union dans le financement des politiques de croissance, tout en rechignant à lui en donner les moyens?

Doit-on figer à 1% du revenu brut le budget européen lorsque de nouvelles ressources sont possibles ?

Ces ressources  pourraient permettre à l’Europe de contribuer efficacement à l’effort commun pour le redressement, comme les investissements nécessaires pour l’efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables.  Bref, ne devons-nous pas nous interroger sur la rigidité de certaines règles européennes et sur ses effets délétères ?

Par ailleurs, et c’est un bonheur pour moi qui étais  aux côtés d’Harlem Désir à la manoeuvre pour promouvoir la taxe Tobin au Parlement Européen, de voir enfin votée et lancée la taxe sur les transactions financières. Son affectation est une des questions que nous pourrons débattre ici, chers collègues, car elle peut peser positivement.

Cela me paraît un sujet important, au lendemain de Rio + 20 et des risques encourus tant sur le plan du changement climatique que de la biodiversité et des ressources en commençant par l’eau.

Le second pas effectué  la semaine dernière est une avancée dans la guerre qui épuise aujourd’hui nos Etats face à la spéculation.

Le Sommet de la zone euro a doté les instruments de stabilité, FESF et MES, d’une souplesse  mieux à même de répondre au rythme effréné des marchés. En dotant le fonds de secours de la possibilité de recapitaliser les banques et d’assouplir les conditions d’achat de la dette souveraine, les chefs d’État et de gouvernement ont franchi une étape importante. L’Union a ainsi montré là sa vitalité, avec la participation décisive de l’Italie et de l’Espagne, grâce au coin enfoncé par la France.

Là encore, il nous faut concrétiser rapidement ces pistes. Or les déclarations inquiétantes venues de Finlande ou des Pays-Bas nous montrent que ce travail exige encore des efforts.

Ce combat contre la spéculation exclut de tergiverser.

 

Les précisions que vous pourrez apporter, Messieurs les Ministres, sur cette question nous seront très utiles.

Bien que consciente des  avancées qu’a obtenu le Président de la République, en particulier de nos partenaires allemands, je ne peux m’empêcher de penser que pour tourner définitivement cette page, le rôle de supervision de la Banque centrale européenne doit être  clairement et durablement défini, tout comme son contrôle démocratique.

*

J’en viens enfin à la perspective raisonnable donnée par le  Conseil, vers le long chemin de l’Union politique.

En prenant acte des importantes propositions du président Herman Van Rompuy, le Conseil européen a su se saisir de l’essentiel en engageant les débats sur notre vision de l’avenir de l’Europe.

La constitution avant la fin de l’année d’une Union bancaire sera un progrès important. En effet, la tempête financière commencée à l’automne 2008 a montré que les  régulateurs ont failli, et je ne suis pas sûre, en tout état de cause, que le niveau national suffise à imposer aux banques l’incontournable moralisation de leurs activités.

Cette exigence doit être servie au niveau européen, y compris dans la lutte contre les paradis fiscaux.  Il faut se féliciter que les dirigeants en prennent acte.

Mais, une nouvelle fois, cette perspective  appelle de notre part une vigilance de chaque instant.

De manière plus générale, nous voyons bien, dans la lassitude que nourrissent ces quelques trente « sommets de la dernière chance », que l’on ne peut contourner plus longtemps la question centrale : quelle Europe voulons-nous, non pas dans dix ans, échéance bien lointaine posée par le rapport de M. Van Rompuy, mais pour demain ?

C’est, je crois, tout le mérite de notre majorité que d’avoir imposé cet enjeu au cours des élections présidentielles et législatives.

Lors de ces débats européens, le Président de la République s’est attaché à  promouvoir le concept de « l’intégration solidaire », qui veut que chaque pas vers une union plus ambitieuse soit précédé d’un pas en direction d’une solidarité plus étroite. Voilà un autre pas à franchir vers l’Europe sociale.

 

Cette marche, déterminée, suppose de trancher rapidement sur les questions en suspens, notamment  les euro-obligations sans lesquelles nos Etats demeureront enfermés dans le piège de la dette.

Mais le chemin vers l’intégration économique, budgétaire,  financière et fiscale ne peut se faire avec succès que s’il nous engage sur le terrain, trop négligé, de la démocratie européenne.

Toutes les pistes explorées exigent autant de progrès en direction d’une Union plus proche de ses peuples, d’une Union plus solidaire.

Certes, en prévoyant la mise en place d’une conférence budgétaire rassemblant parlements nationaux et Parlement européen, le traité de stabilité apporte une – timide – avancée. Nous aurons bien sûr l’occasion d’en débattre ici dès la rentrée .

Car le vaste chantier de la démocratie européenne doit mobiliser tous nos efforts.

Face à la crise économique, financière, sociale, écologique et démocratique que nous traversons, nous avons le devoir d’engager des mesures fortes.

Si nous en restons aux décisions de la semaine dernière à Bruxelles, la situation de l’Europe continuera de se dégrader, et les avancées qui viennent d’être obtenues ne seront pas suivies d’effet. Soyez certains, Messieurs les ministres, que vous trouverez ici, en notre Assemblée, une alliée convaincue et exigeante dans cette belle entreprise de court et de long terme.

L’espoir en l’avenir européen est avec nous, mais il est fragile.

Nous avons tous la volonté et le devoir de le faire vivre.

Je vous remercie de votre attention.

 

Barbara Pompili, co-présidente d’EELV, est intervenue au nom du groupe écologiste de l’Assemblée Nationale