Bon d’accord, le titre de cet article est un jeu de mots assez éculé, utilisé par pas mal d’auteurs avant moi. Vous ne m’en voudrez pas d’y recourir quand même, n’est-ce pas ? Car je le crois susceptible d’attirer plus efficacement l’attention des passants virtuels.
Pas question ici d’entrer dans les arcanes extrêmement complexes d’une taxe imaginée il y a une quarantaine d’années par James Tobin, prix Nobel d’économie en 1981. Je propose de ne retenir que l’intention louable d’une mesure dont pourtant l’auteur lui-même n’aura jamais admis le potentiel subversif. Peu avant son décès en 2002, Tobin tenait à se démarquer clairement de toute interprétation altermondialiste de ce qui, pour lui, ne devait constituer qu’un « grain de sable » dans les rouages effroyablement compliqués des transactions financières internationales. Tobin resta libre-échangiste jusqu’à son ultime respiration. Que peut-être, je m’amuse à le penser, il aura échangée, dans le secret de son dialogue avec l’Eternel, contre une place de premier choix au paradis du libéralisme !
L’intention était et reste édifiante, puisqu’elle permet, sans décourager les indispensables échanges d’une économie de marché, de récolter des fonds susceptibles d’être redistribués prioritairement aux pays les moins avancés.
En réaffirmant hier à Mulhouse que la France « fera » la taxe sur les transactions financières, de préférence à l’échelle européenne, mais seule si les partenaires de l’Union s’y refusent, en tenant ce discours d’apparence altruiste, Sarkozy chasse évidemment sur les terres de gauche. Sans la moindre vergogne, moins de deux mois après l’opposition, exprimée par son ministre du Commerce extérieur, Pierre Lellouche, à l’idée de renouer avec le principe d’une taxe adoptée par le parlement en 2001 et qui figure dans le code général des impôts de notre pays. La loi qu’avait alors fait voter Jean-Marc Ayrault, président socialiste de l’Assemblée Nationale, prévoyait que le décret d’application ne prendrait pas effet avant que l’ensemble des Etats membres de l’UE n’eussent eux-mêmes intégré cette taxe dans leur législation, ce qui, à l’heure actuelle, n’est pas advenu.
Pour faire croire aux Français qu’il se préoccupe de moraliser les échanges financiers, Sarkozy tente un coup de bluff et fanfaronne sur l’air de « si la France attend que les autres se décident pour taxer la finance, la finance ne sera jamais taxée ».
Non seulement cette formulation est méprisante pour tous les partenaires européens, mais elle relève en outre d’une forme assez caricaturale de don quichottisme franchouillard.
Je vous laisse juges de la sincérité du petit Nicolas en vous invitant à visionner la courte vidéo que l’on trouve ci-dessous. Le ridicule suprême est atteint lorsque le futur président de la France, qui s’adresse à Robert Hue et François Hollande (tout le monde est beaucoup plus jeune à ce moment-là !), livre la succulente métaphore que voici : « …à force d’accumuler comme des cathédrales des réglementations, des impôts et des taxes… » On ne voit vraiment pas en quoi les cathédrales sont concernées par les notions fiscale.
Bien sûr que je voterai d’abord pour Eva Joly, qui s’y entend, elle, dans le domaine de la finance mondiale et des paradis fiscaux.
Mais si au second tour, ce que je souhaite ardemment, l’espoir d’être à jamais débarrassé d’un luxueux valet des puissances d’argent devait reposer sur les épaules de François Hollande, alors, malgré mon insatisfaction relative à son endroit, parce que la stature morale de ce socialiste correspond beaucoup mieux à l’idée que je me fais d’un président qui ne serait pas seulement celui des riches, alors, oui, et vous tous avec moi, n’est-ce pas, nous créerons les conditions d’un retour d’une gauche généreuse, d’une gauche fortement préoccupée par l’avenir de la planète, plus décidée que jamais à changer de paradigme, pour que nos enfants, dans dix ans, dans vingt ans, aient moins, beaucoup moins de choses à nous reprocher.