La tragédie personnelle que le suicide récent de son épouse fait vivre actuellement au ministre de l’Education Nationale, Luc Chatel, ce deuil probablement douloureux et qui doit être respecté, bien évidemment, ne m’incline absolument pas pour autant, ce serait idiot, à lui pardonner son projet d’une énième et très vulgaire réforme des programmes du lycée, applicable à la rentrée de septembre 2012.
Car cette « réforme », qui apparaît une fois encore comme une nouvelle régression, envisage que l’apprentissage de l’histoire ne soit plus qu’une option en terminale S. Les « scientifiques » vont donc pouvoir se débarrasser d’une matière encombrante et ringarde (si le projet ne le dit pas en ces termes, je suis enclin à penser qu’il le pense, au moins entre les lignes !) pour se concentrer sur le seul enseignement vraiment rentable dans un cursus scolaire, celui qui fera de cervelles exclusivement scientifiques des auxiliaires plus ou moins dociles d’un système d’exploitation de toutes les ressources, qu’elles soient humaines ou naturelles. D’un système dont la terre se meurt.
Jaurès soutenait que la France de demain ne saurait être « inventée » par la jeunesse de ce pays si celle-ci n’a pas pu, pas su ou pas voulu en connaître « l’âme et le corps ». Il voyait dans l’histoire un moyen de corriger le présent et de construire l’avenir. Il avait évidemment et totalement raison. Les idéologues qui inspirent à Chatel une réforme aussi dévastatrice veulent imposer dans les modestes limites de la France gauloise une conception froidement utilitariste, alors qu’à l’échelle de la planète la mondialisation libérale s’en occupe déjà , et de manière bien plus efficace. Sarkozy est décidément un très petit homme.
Alors, bien sûr, cette façon de réduire l’histoire à une peau de chagrin, de la condenser, d’en éliminer les dates, de la soumettre à une approche plus thématique que chronologique, tout cela risque fort de plaire à une large majorité de potaches, plus soucieux de compétition et de futur rang social que des mouvements solidaires du passé.
J’appelle ça de la démagogie et du charcutage mental
Avec cette réforme, que Hollande devra absolument annuler, le sarkozysme imbécile s’apprête une fois encore à « contracter le temps » (l’expression est d’Olivier Picard, dans les DNA de ce jour) et s’adonne à son vice favori : la précipitation. Alors que c’est par la lenteur que le temps se répare, puis se dilate, enfin se livre à l’examen des consciences.
Je souhaite plein succès à l’Association des Professeurs d’Histoire et Géographie qui tient ce samedi et ce dimanche 28 et 29 janvier 2012 des « états généraux nationaux ». Tous les professeurs d’histoire devraient en France se sentir concernés par les piteuses et ultimes manoeuvres d’un gouvernement en partance. Par leur unanimisme, ces enseignants indignés rendraient encore plus flagrante, et donc inadmissible, l’inculture des dirigeants actuels.