Le 2 juin, Europe Ecologie les Verts a organisé une convention au titre évocateur : « Le Périph, et si on arrêtait de tourner en rond ? » dans le 2 ème arrondissement de Paris, avec le maire EELV Jacques Boutault, sur la question des enjeux du périphérique. Plusieurs associations, des experts, des élus de Paris et du conseil régional, des candidats aux législatives étaient présents.
L’historien Mathieu Flonneau a rappelé le contexte de la construction du « Périph » : c’était les années 70, à l’époque la voiture était reine et le « Périph » avait pour objet de désengorger Paris. A l’époque les décideurs étaient peu sensibilisés sur les dangers potentiels des gaz émis par les déplacements en voiture. C’était aussi la période de la construction des grandes barres de logements en banlieue.
Les différentes associations ont expliqué le but de leur mobilisation : agir contre la pollution de l’air liée à la combustion des carburants nécessaires aux déplacements des véhicules. En effet, le « Périph », c’est 35 km de bitume, 1.100.000 véhicules par jour, 800.000 litres d’essence consommées par jour ( !) mais seulement 11 % d’espaces verts. La politique du tout diesel, soit 60% du carburant utilisé, a conduit les pouvoirs publics à promouvoir un combustible dont les méfaits sont reconnus, notamment en raison des particules fines que sa combustion dégage dans l’atmosphère, particules qui pénètrent dans les poumons et sont des « cancérigènes probables ». Selon Bruno Gibeaud, d’Europe Qualité Expertise, cité par le Parisien du 5 juin et repris par le Nouvel Observateur, « le Diesel représente pour la santé une gigantesque bombe à retardement ».
Les pouvoirs publics ont fixé des seuils à partir desquels une pollution n’est pas dangereuse ; or la pollution aux particules fines (diesel) augmente régulièrement. Ainsi l’autoroute A1 a connu pour les deux premiers mois de l’année 2012, déjà 34 jours de dépassements des seuils de pollution.
Seule élue et candidate d’une ville de banlieue parisienne à intervenir, cette initiative a été pour moi l’occasion de m’informer de plus près sur les conséquences du périphérique sur nos vies et celles des habitants qui vivent à côté.
De mon coté, j’ai dressé, lors de mon intervention, un constat objectif sur les fractures physiques et symboliques dont Aubervilliers et Pantin sont l’objet. Trois portes : Aubervilliers, La Villette, Pantin, l’entrée de l’A86, la proximité de l’A1, la RN2 , la RN3, deux canaux (Ourcq et Saint Denis). Les trois échangeurs du périphérique marquent une rupture entre Paris et nos villes, leur traversée à pied ou en vélo est difficile, voire dangereuse.
Pour appuyer mon intervention, heureuse coïncidence, j’avais entre les mains le contrat local de santé d’Aubervilliers, véritable état des lieux de la Santé Publique dans notre ville, établi en partenariat avec l’Agence Régionale de Santé. Il signale notamment que la pollution de l’air due à la proximité du périphérique, des axes routier (A86, A1) et à la circulation des poids lourds dans la ville, les activités industrielles et artisanales à proximité des équipements publics et des habitations sont des facteurs de surmortalité pour les personnes souffrant de maladies cardio-vasculaires et respiratoires. Aubervilliers en effet est une plateforme importante du commerce de gros, ce qui aggrave la circulation des poids lourds.
Parmi les actions menées, la ville a mis en place des « ateliers du souffle » pour accompagner 950 personnes souffrant d’une ALD (affection longue durée) liée à une insuffisance respiratoire et leur permettre de garder une meilleure qualité de vie.
Le rapport constate que 20% de la population est exposée en permanence à un niveau sonore avoisinant les 80 dBA, ce qui est très inquiétant.
La convention visait à définir des axes de travail d’ici à 2030. A ce titre, Leïla AÏCHI, sénatrice, avocate et membre d’Ecologie Sans Frontière, a tracé des pistes d’action : améliorer la protection juridique des lanceurs d’alerte, poursuivre l’Etat pour non respect des directives européennes fixant des seuils admissibles de polluants, se prémunir contre les conflits d’intérêts….
Paul Lecroart, urbaniste, nous a montré que des alternatives aux voies rapides étaient possibles comme à San Francisco, New York ou Séoul. Dans cette dernière ville, exemple le plus spectaculaire, l’autoroute était construite sur le lit d’une rivière, le maire a relevé le défi et maintenant les habitants se promènent à nouveau au bord de la rivière.
L’association « Périféerique » a présenté son projet d’ouvrir le « Périph » une fois par an aux circulations douces : piétons, vélo, rollers, fauteuil roulant, etc.
D’autres propositions ont émergé :
- Réduire la vitesse sur le périph, d’abord à 70 km /heure, la limiter le soir à 50 km/heure ;
- Changer les types révêtements du bitume pour des procédés nouveaux qui permettent de diminuer le bruit ;
- Aménager les « portes du Périph » pour favoriser les circulations douces ;
- Demander dans nos villes plus de zones 30 (vitesse limitée à 30 km/heure), des voies piétonnes, plus d’arbres, plus de pistes cyclables, dont des pistes qui relient les banlieues entre elles.
- Interdire le passage des camions de fort tonnage dans nos villes et remplacer les camions par le transport fluvial, le ferroutage.
- Aller vers la transformation des voies rapides comme à Séoul, San Francisco, New York, etc.
Je remercie Manuel Domergue et Frédéric Guerrien de leur invitation à cette convention : elle a permis d’engager des coopérations et des mobilisations nouvelles entre habitants, associations, élus des deux côtés du « Périph », pour répondre à des enjeux majeurs de santé et d’aménagement.
La Régie de Quartier d’Aubervilliers devrait prochainement participer à une ballade parisienne sur la « coulée verte » et je me suis engagée à inviter des élus de Paris à découvrir le périph, côté banlieue.