Qui est Christine Ratzel-Togo ? Quelles sont ses domaines de compétences ? Quelle est sa vision de l’écologie ? De l’école ? Nous lui avons posé 4 questions.
Quel a été votre parcours politique ?
J’étais jeune quand j’ai vu René Dumont faire sa campagne présidentielle. A l’époque j’ai été très frappée par le coté visionnaire du projet de l’écologie politique. Il mettait l’Homme en face de ses responsabilités et parlait de l’équilibre du monde de manière globale. J’entendais pour la première fois parler des relations entre le nord et le sud, c’était très marquant pour moi. Je faisais campagne pour Dumont chez moi, invitant les uns et les autres à voter pour lui.
Cela m’a influencé jusque dans mes études. Je voulais désormais travailler dans un domaine en relation avec la protection de l’environnement, le développement. Je me suis ainsi spécialisée en droit de l’environnement, abandonnant définitivement le droit des entreprises.
Je me suis engagée sérieusement sur la question des sans papiers après une année passée au Canada. En revenant en 1991, j’ai décidé de travailler dans ce secteur et j’ai répondu à une petite annonce dans Libé pour une association (« accueil et promotion ») qui recherchait des bénévoles pour des permanences juridiques de droit des étrangers. Là j’ai rencontré beaucoup de personnes très politisées, des réfugiés politiques, et j’ai pris conscience que c’est en s’impliquant en politique qu’on pouvait justement un jour changer des lois, faire évoluer son environnement !
Puis est arrivé Aubervilliers. En travaillant à l’accompagnement des jeunes au sein de la mission locale, je travaille au changement depuis 1994, pour l’accès aux droits et la lutte contre les discriminations.
J’ai adhéré en 1999 aux Verts à Paris, pendant la campagne des européennes menée par Dany Cohn Bendit. J’ai ensuite emménagé à Aubervilliers, où les Verts, et Sylvain Ros, responsable du groupe local, que je remercie, m’ont fait une place sur la liste aux élections municipales de 2001. Voilà comment cela a démarré !
Être élue locale a été une étape formatrice. J’y ai défendu l’idée que la politique est l’affaire de tout le monde, qu’on peut réellement améliorer la vie quotidienne des personnes.
Avez vous des domaines de prédilection ?
Je suis une militante de la parité : l’égalité homme-femme est loin d’être acquise, dans nos quartiers, à l’Assemblée nationale, dans les partis, y compris le mien ! Je n’ai jamais milité spécifiquement dans une association féministe mais j’ai toujours senti que rien n’allait de soi pour les femmes. Lorsque la loi sur la parité a été votée je me souviens encore des débats sur le « pour » ou « contre » légiférer.
Avec le recul on comprend bien malheureusement que sans une loi on en serait toujours au même point. Dès que cela est possible, les partis remettent les candidats masculins en avant. Je trouve qu’il y aussi une très grande brutalité dans les relations en politique. On a l’impression d’être dans un ring de boxe sans gant où le ton peut vite monter et les menaces sont à peine voilées lorsque l’on a affaire à des adversaires qui ne supportent pas qu’on pointe leurs contradictions !
Il y a aussi encore fort à faire sur la question de la prise en compte de la vie de famille en politique, que ce soit pour les femmes ou les hommes, qui élèvent des enfants en bas âge, les réunions tardives, qui durent !
Je m’intéresse enfin aussi particulièrement aux manières dont les lobbies prennent le contrôle de la nature et du vivant : l’eau, mais aussi les semences. Je suis particulièrement sensible au combat de la confédération paysanne contre les OGM ou de Kokoppelli pour la liberté de produire, d’échanger des semences « anciennes ».
Que répondez-vous à celles et ceux qui disent que l’écologie est une préoccupation de bobo ?
Je leur dis : et vous trouvez ça normal ? Moi non. D’où l’intérêt d’envoyer des écologistes à l’assemblée nationale : pour que ça change ! Crise économique et crise écologique sont imbriquées, et dans les deux cas, ce sont les pauvres qui trinquent, qui subissent les écarts du prix de l’essence, la malbouffe, les factures de chauffage qui gonflent, la pollution et les conséquences sanitaires qui vont avec. Tant que l’écologie restera un supplément d’âme des politiques de gauche, cette situation ne changera pas. Il nous faut « Penser le changement plutôt que changer de pansement » comme dit l’adage… Il nous faut des écologistes à l’assemblée pour faire des propositions de lois qui rendent accessibles ce qui ne l’est aujourd’hui qu’à ceux qui en ont les moyens. C’est pour cette écologie populaire que je me bats : les produits « bio », les médecines douces, les logements bien isolés et de qualité, tout le monde doit y avoir droit.
Oui, l’électorat écologiste est très divers, mais souvent plus issu de catégories supérieures que du monde ouvrier. C’est une réalité du moment, mais pas une fatalité. C’est à nous de mener une révolution culturelle, de convaincre et de mieux partager nos valeurs (priorité au temps libre, consommer mieux). Que celles et ceux qui considèrent que la qualité de vie est une priorité pour tous viennent lutter à nos côtés.
Vous avez fait de l’éducation un des premiers axe de votre campagne, vous pourriez nous en dire plus ?
150000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans diplôme. On ne peux pas rester les bras croisés. Conçu pour sélectionner des élites, notre enseignement secondaire s’accommode de la mise à l’écart, chaque année, d’un nombre considérable de jeunes. Conçus pour mettre en contact des chômeurs ayant déjà travaillé et des employeurs, les services de l’emploi ne savent pas prendre en charge les jeunes sans qualification.
Travaillant à la Mission Locale d’Aubervilliers, je vois tous les jours les conséquences de cette situation. Nombre d’entre eux à Aubervilliers ont de faible niveaux d’études, n’ont pas de diplôme. Orientés par défaut vers des filières qui ne les intéressent pas, ils viennent à la mission locale, découragés. Il faut du temps pour leur redonner confiance, travailler sur les choix professionnels, les mobiliser autour d’un projet, apporter des solutions à des problèmes sociaux et travailler avec eux à leur autonomie.
Les missions locales sont malheureusement des outils trop négligés par l’état et n’ont pas les moyens à la hauteur des enjeux, l’avenir des jeunes !
Les écologistes portent des propositions concrètes :
- Allonger de deux années de la période d’instruction obligatoire garantira à tous les jeunes de plus de 16 ans une place en lycée
- Travailler sur des méthodes pédagogiques plus concrètes, tenir compte des parcours individuels, permettre aux enseignants de se former régulièrement, les former à lutter contre les discriminations, etc.
- Donner la possibilité de suivre ces deux années de formation générale ou professionnelle jusqu’à 25 ans donnera la possibilité à ceux qui le souhaitent de prendre du recul en vivant une expérience personnelle ou un engagement qui peut être un service civique, au cours d’une période qui doit être investie par les mouvements d’éducation populaire.
- Après ce temps de formation, permettre à chacun de bénéficier d’un crédit de huit années de formation à suivre tout au long de la vie, avec garantie d’un revenu. Ce revenu sera garanti d’emblée aux 16-‐25 ans, à travers un revenu universel d’autonomie, mis en place en cinq ans.