« Le besoin de conflits pour exister »

Une analyse très juste du Président sortant…………………..
Jeudi 3 mai 2012 11h19
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TRIBUNE

Olivier Rouquan

Chercheur associé au CERSA et enseigne le droit constitutionnel et la gouvernance démocratique à ISMaPP.

01/05/2012 à 15h33

La présidence de Nicolas Sarkozy, une rupture d’incarnation
Le quinquennat de Nicolas Sarkozy aura été marqué par une rupture d’avec l’image traditionnelle de la fonction présidentielle sous la Ve République. Il a semblé agir en chef de gouvernement autant qu’en chef d’Etat et toujours dans l’urgence, son marqueur identitaire, veillant continuellement à organiser et à contrôler la majorité. Or, la fonction présidentielle ne procède pas d’un tel registre.
Rapidement, Nicolas Sarkozy a considéré son premier ministre François Fillon comme un simple « collaborateur ». Revers de la médaille de cette « hyper-présidence » : l’opinion peut créditer le chef de l’Etat de ses succès mais ne manque pas de le débiter de ses échecs. Nicolas Sarkozy apparaît « fort » aux yeux des Français lorsqu’il gère une crise, particulièrement internationale ; mais dès lors qu’il se préoccupe du sort de son peuple, il transforme vite son énergie en autoritarisme et en agressivité. Ainsi, est-il perçu par nombre de concitoyens comme trop clivant, opposant les Français entre eux, peu apte à la concertation. Or, un chef d’Etat a aussi pour mission constitutionnelle d’être un arbitre, au nom de la continuité de l’Etat et du fonctionnement régulier des pouvoirs.
A force de manipulations d’images, Nicolas Sarkozy est tombé dans le piège de moins contrôler la sienne, qui devient caricaturale. Lorsqu’en 2011, il fait savoir qu’il prend de la hauteur, qu’il se concentre sur l’essentiel de la fonction – et notamment la politique internationale –, il ne peut gommer la dimension négative de son profil.
Avec l’affrontement électoral qui s’est engagé en 2012, il devient plus candidat que Président, brouillant encore son identité de chef d’Etat sortant – en dehors de la gestion de la tragédie de Toulouse. Nicolas Sarkozy ne résiste pas, avant comme après le premier tour, à prendre à partie des groupes de Français pour les opposer à d’autres – l’identité nationale contre ce qui est censé la menacer, la France qui travaille et les prétendus assistés, les individus contre les corps intermédiaires, etc.
Plus Chirac que Mitterrand
Ainsi, en comparant toutes proportions gardées, cette élection à celle de 1988, il apparaît nettement que Nicolas Sarkozy ressemble plus au Jacques Chirac d’alors – Premier ministre sortant –, à l’époque jugé trop agressif, qu’à François Mitterrand – Président sortant –, ouvertement rassembleur, relativement modéré, parvenant à incarner une France qu’il veut « unie ».
Durant les cinq ans passés, le titulaire n’aura jamais vraiment occupé la plénitude du socle constitutif de la légitimité présidentielle. Il y a en effet une tradition plaçant le chef de l’Etat au dessus des partis, afin qu’il soit capable de donner l’envie de vivre ensemble en de rassembler des forces, plutôt que de jouer trop souvent d’une symbolique de l’affrontement.
Jugé efficace dans l’urgence, Nicolas Sarkozy ne passe pas pour un Président qui travaille à la cohésion sociale à moyen terme et résorbe les inégalités pour rendre le dialogue plus aisé.
Le besoin de conflits pour exister
Si échec d’image il y a, il tient à l’incapacité durable à allier dynamisme et tempérance. Nicolas Sarkozy a toujours besoin d’un conflit pour exister. Il incarne désormais jusqu’à l’extrême l’éruption constante des passions françaises si promptes à éclore.
Les Français pourraient donc souhaiter une autorité présidentielle apaisante, si elle sait se montrer ferme. D’abord en retrouvant une image de chef d’Etat plus coutumière, davantage capable d’incarner les « souffrants ». Ensuite, en donnant au Premier ministre la responsabilité de certaines politiques et la conduite effective de la majorité, le Président garderait la liberté de changer l’occupant de Matignon ; ce que n’a pu faire Nicolas Sarkozy lors de l’épisode singulier du remaniement de 2011.
Enfin, en ne promettant pas de se servir du référendum sur des enjeux polémiques et à la limite de la constitutionnalité, option serait préservée d’en organiser effectivement un…

Il s’agit aujourd’hui pour résumer, d’adopter une pratique exécutive plus conforme à la coutume institutionnelle.