(manifestation en janvier 2009 contre le circuit F1 à Flins)
(source aedd.fr)
La première légumerie bio d’Île-de-France est inaugurée, mercredi 14 mars 2012, aux Mureaux (Yvelines) à la ferme de la Haye, site sur lequel un projet de circuit de Formule 1 abandonné en 2009 fut un temps envisagé. « Cette inauguration est le symbole d’une victoire foncière », affirme Pierre Missioux, directeur de la Safer (société d’aménagement foncier et d’établissement rural) d’Île-de-France. 1 500 hectares de terres agricoles sont consommés chaque année dans la région. Exploitée par la Cuma (coopérative d’utilisation du matériel agricole) Bio Val de Seine, la légumerie est pour l’instant alimentée par les trois agriculteurs installés sur les 158 hectares de la ferme. La production de 200 tonnes par an de cette légumerie de quatrième classe – c’est-à-dire permettant l’épluchage, le lavage, l’éboutage et le conditionnement des légumes – est destinée aux cuisines centrales des collectivités, dont les légumeries disparaissent.
« Cette installation est tout à fait importante pour le développement de la bio en Île-de-France », explique à AEDD Vincent Perrot, de Vivrao, à qui revient l’initiative du projet. Cette agence promeut l’introduction de produits bio locaux en restauration collective.
« Un tel atelier de transformation permet des débouchés » au secteur « et de faire coïncider l’offre et la demande ». Les 200 000 euros nécessaires à la construction de la légumerie ont été financés par l’Union européenne, le conseil régional, l’agence de l’eau Seine-Normandie et le fonds d’investissement solidaire Isomir (1). Amorcée en janvier 2011, l ‘édification du hangar et de la légumerie aura duré un an.
L’UN DES PLUS GRANDS CHAMPS CAPTANT D’ÎLE-DE-FRANCE
La ferme de la Haye est située sur « l’un des plus grands champs captant d’eau potable d’Île-de-France », rappelle Olivier Blottis, chef du service des investissement de l’agence de l’eau. Des Yvelines aux Hauts-de-Seine, 750 000 habitants sont en partie alimentés par les 100 000 mètres cubes que fournissent quotidiennement les 40 captages de ce champ, géré par la Lyonnaise des Eaux. Neuf se situent sur l’exploitation elle-même.
Avant de passer au bio, le site était une exploitation agricole conventionnelle dont la ville de Paris était propriétaire. Il est acquis en octobre 2008 par la Safer d’Île-de-France en vue d’y installer trois agriculteurs, avant d’être préempté en décembre de la même année par l’établissement public foncier du département pour y installer un circuit de F1. Les deux arrêtés préfectoraux permettant cette préemption ont été attaqués par le conseil régional et l’AEV (agence des espaces verts). Le projet a été définitivement abandonné début décembre 2009. « Cette bataille juridique n’aurait pas pu aboutir s’il n’y avait pas eu une forte mobilisation des élus et acteurs associatifs », souligne Thierry Missioux. Même sans être mis sur pied, le projet de circuit aura coûté neuf millions d’euros au département des Yvelines, a récemment évalué la chambre régionale des comptes (AEDD n°12269). Le site a été acquis un an plus tard par l’AEV avec l’aide (40 %) de l’agence de l’eau pour un montant de 1,62 million d’euros. Il appartient désormais au conseil régional.
« PLUS CHER QUE DU CONVENTIONNEL »
Ancien certificateur en agriculture biologique, le président de la Cuma Bio Val de Seine,
Xavier Dupuis, s’installe en décembre 2010 à la ferme de la Haye comme agriculteur bio. Laissée en friche pendant deux ans, l’exploitation doit seulement attendre un an pour être certifiée. À terme, les trois agriculteurs de la ferme alimenteront la légumerie en carottes, pommes de terre, céleris, betteraves rouges, choux rouges et blancs, ainsi qu’en salades.
La capacité de production de la légumerie « n’est pas énorme », précise Vincent Perrot. À titre d’exemple, 200 tonnes de carottes râpées permettent de préparer 2,5 millions de portions de 80 grammes . Les légumes bio conditionnés pour être directement livrés aux cantines centrales « coûtent plus cher que du conventionnel », ajoute-t-il. « C’est acceptable, car le collectivités locales ont besoin de revitaliser leurs territoires. »
« L’AGRICULTURE RAISONNÉE N’ENGAGE QUE CEUX QUI Y CROIENT »
Pour Olivier Blottis, de l’agence de l’eau, il s’agit « de faire de cette légumerie une installation pilote ». En effet, « la qualité des eaux dépend de ce qui se passe au-dessus. L’agriculture bio est la seule à même d’assurer cette qualité, car elle dispose d’un strict cahier des charges, contrairement à l’agriculture raisonnée, qui n’engage que ceux qui y croient. » « Plutôt que d’investir dans du traitement de pesticides, nous préférons soutenir la bio. C’est moins cher et plus moral » (AEDD n°12887 ). L’installation para-agricole est la première du genre cofinancée par l’agence de l’eau Seine-Normandie.
« On a fait un grand pas mais ce n’est pas du tout gagné », estime de son côté Damien Bignon, président du GAB (groupement des agriculteurs biologiques) d’Île-de-France. « La filière bio est en croissance mais elle est fragile », précise-t-il. Si de 2008 à 2011, le nombre d’agriculteurs bio a doublé dans la région, passant de 88 à 174, et la surface exploitée selon ces critères de 4 500 à 7 556 hectares , « la bio ne représente que 1,3 % de la surface agricole utile francilienne ». « Un maraîcher sur cinq est en bio, mais il y a des secteurs fragiles, comme l’élevage », précise-t-il.
« AUX AGRICULTEURS DE PRÉSENTER DES PROJETS »
En matière d’œufs, de viande ou de poissons, « il n’y a rien », déplore par exemple Sylvie Amestoy, adjointe au maire de la ville de Courdimanche (Val-d’Oise), engagée dans un plan 100 % bio pour l’alimentation de ses crèches. « Les agents doivent s’approvisionner chez Picard » pour ces produits.
De telles initiatives sont reconductibles en Île-de-France, assurent plusieurs acteurs du secteur. « Nous avons toujours répondu à l’appel, mais c’est aux agriculteurs de nous présenter des projets », insiste Hélène Gassin , vice-présidente (EELV) du conseil régional en charge de l’agriculture.