L’école ne va pas bien, vous en doutiez ?
- 10 ans de non remplacement d’un enseignant sur deux partant à la retraite, autant d’adultes en moins devant nos enfants pour un ministère qui recrute des enseignants remplaçants sur contrat précaire de vacataire à Pôle Emploi : que penser de cette gestion à la « petite semaine » ?
- des dispositifs d’aide et de soutien comme les Réseaux d’Aides Spécialisées aux Enfants en Difficultés (RASED) et les Classes d’Intégration Scolaire (CLIS) sans cesse remis en cause par les suppressions de postes et de moyens : comment prendre en charge la grande difficulté scolaire ?
- des Auxiliaires de Vie Scolaire chargées de l’accompagnement Individualisé (AVS-I) en nombre insuffisant et qui ne couvrent pas le temps de présence scolaire d’un enfant en situation de handicap : où est la prise en compte du handicap prévue par la loi de 2005 ?
- des enseignants qui ont vu leur métier évoluer très (trop ?) vite avec des tâches de plus en plus lourdes et des temps de présence de plus en plus importants : quelles doivent être les missions prioritaires des enseignants pour leur permettre de travailler plus sereinement ?
- des jeunes enseignants qui réussissent leur concours et qui, depuis la rentrée 2011, débutent leur carrière sans formation pédagogique puisque les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM) ont été supprimés. Cette situation se reproduira en septembre 2012 : quel avenir pour ces jeunes enseignants en difficultés dès leurs premières heures devant des classes ?
Je pourrai comme enseignante multiplier les exemples de ce ministère de l’Education Nationale qui dysfonctionne depuis tant d’années. Pourtant je ne me suis jamais sentie autant impliquée dans la vie de mon établissement et dans les tâches éducatives que je dois accomplir chaque jour.
Carole Plassiard-Brunet
en compagnie de Philippe Meirieu, pédagogue et vice-président écologiste de la Région Rhône-Alpes à la formation tout au long de la vie
Mes propositions pour l’école
- Une allocation de rentrée scolaire pour le pouvoir d’achat ou pour la grande distribution : pourquoi pas pour nos emplois en France ?
Le Président Hollande se propose de relancer la croissance par la consommation individuelle en accordant, par exemple, une augmentation de 25 % de l’Allocation de Rentrée Scolaire. Cette aide est versée aux familles, sous conditions de ressources, tous les ans pour la rentrée. Dans les faits, cette hausse bénéficie surtout à la grande distribution qui fait fabriquer la plupart de ses produits bon marché hors de France ou d’Europe. C’est donc une aide pour le pouvoir d’achat des familles mais sans effet positif pour nos emplois en France.
Si une partie de cette allocation de rentrée est reversée directement à des coopératives scolaires, dans le primaire comme dans les collèges et les lycées, pour l’achat de fournitures scolaires avec mise à disposition gratuite dans les établissements, c’est alors un marché public soumis à un appel d’offre. Si ces coopératives sont tenues d’intégrer des critères environnementaux et sociaux favorables à une fabrication de proximité, ce sont des emplois en France.
Députée, je me propose de porter cette nouvelle manière d’aider les familles tout en oeuvrant vers une économie solidaire plus créatrice d’emplois.
- De la « pollution électronique » dans les classes : pourquoi une loi devient-elle nécessaire ?
Nous avons su résister à la pression des cigarettiers et interdire, après bien des tergiversations, l’usage de la cigarette dans les établissements scolaires. Nous devrions agir plus rapidement en ce qui concerne l’usage du téléphone portable.
Le téléphone portable n’est pas un simple téléphone. Il devient à tour de rôle un appareil photo (happy slapping), une mémoire électronique pour des « anti-sèches », une plate-forme de jeux (comme passe-temps pendant le cours parfois) et un lecteur de musiques dans les inter-cours (si possible avec un gros casque où le volume est souvent trop fort et engage la dégradation de l’audition). En aucun cas le téléphone portable améliore la capacité d’écoute de nos jeunes à l’école, il gène même la concentration des élèves tout en surchargeant d’ondes l’espace scolaire. Par ailleurs, les adultes, des professeurs aux personnels de direction, sont souvent en difficultés face à ces jeunes qui peuvent être vindicatifs quand leur portable est confisqué. C’est devenu pour certains d’entre eux une addiction au même titre que l’alcool et la consommation de cannabis.
Certains établissements scolaires commencent à interdire l’usage des téléphones. Il serait courageux que nos députés réfléchissent à cette pollution électronique dans tous les établissements scolaires.
Députée écologiste je porterai cette réflexion.
- Rendre obligatoire l’école dès 3 ans : les questions à se poser
Une offre éducative de service public est possible et elle est à proposer dès 3 ans en particulier dans les quartiers défavorisés. Mais cette offre doit être progressive et souple pour les familles et adaptée à chaque enfant. Tous ne sont pas forcément prêts à rentrer à l’école dès l’âge de 3 ans. Or à cet âge, c’est le bien-être et le rythme de vie de l’enfant qui priment. Cette offre éducative est alors complémentaire des haltes-garderies, des Centres de Loisirs Associés à l’Ecole (CLAE), de la garde à domicile, des nourrices agrées et des crèches familiales.
Garder cette diversité d’offres de services c’est aussi ne pas imposer un service éducatif unique qui remettrait en cause des emplois qui ont été créés dans les métiers de la petite enfance. Les nourrices agrées fournissent des emplois utiles. Il conviendrait plutôt au législateur d’améliorer le statut des métiers de la petite enfance, y compris celui des nourrices agrées, leur formation continue et la validation de leurs acquis pour leur permettre d’accéder plus tard à d’autres emplois plus qualifiés.
Enfin, en cette période de crise financière sans précédent en Europe depuis les années 1930, il faut s’interroger sur les capacités du budget national à assumer financièrement une école obligatoire avant 6 ans. Commençons par reconstruire ce qui a été détruit depuis 10 ans.
- L’éducation pour la réussite de toutes et tous, le défi de ces 5 prochaines années de la présidence Hollande et du Parlement
Prévenir le décrochage
Dans la région Rhône-Alpes, plus de 100 000 jeunes de 16 à 25 ans seraient sortis du système scolaire sans formation et sans emploi. 100 000 jeunes à l’échelle de notre région c’est considérable et notre système scolaire laisse sur le bord de la route des filles et des garçons sans avenir possible. Et sans avenir comment eut-on se construire à 16, 18 ou 20 ans ? Ces décrocheurs de la fin de la scolarité obligatoire n’arrivent pas à cette situation d’échec dans leur dernière année d’école : prévenir l’échec est à faire dès le plus jeune âge en lien avec les familles mais aussi les services sociaux et les structures qui portent des projets éducatifs et culturels. Nous luttons ainsi contre la délinquance juvénile.
L’école, le défi des 5 prochaines années
Quelles ambitions ? Quels objectifs ? Quels programmes ? Quels moyens ? Quels rythmes scolaires ? Et finalement pour quels emplois pour nos jeunes quand ils deviendront adultes dans une économie qui évolue très vite et qu’il faudra réinventer avec la nécessaire transition écologique ? Vincent Peillon a devant lui un vaste chantier sur l’école et plus largement sur la formation tout au long de la vie. Seule une concertation de tous pourra permettre d’établir un nouveau contrat éducatif national entre l’Etat, les enseignants et tous les partenaires de l’éducation (les syndicats, les fédérations de parents d’élèves, les associations d’éducation populaire) et les habitants de notre pays.
Carole Plassiard-Brunet, professeur d’histoire-géographie et d’éducation civique, candidate pour Europe Ecologie les Verts sur la 4ème circonscription de la Savoie
Post Scriptum : retrouvez dans Libération du lundi 28 mai la chronique de Gabriel Cohn-Bendit « Monsieur le Ministre de l’Education… » : http://www.liberation.fr/societe/2012/05/27/monsieur-le-ministre-de-l-education_821767