Grand Contournement Ouest – un crime contre l’Alsace

Grand Contournement Ouest – un crime contre l’Alsace

 

Andrée Buchmann : interpellation de Philippe Richert, ministre et président du Conseil régional.

 

Nous sommes à quelques semaines de l’élection présidentielle. Élection redoutée, visiblement, par la majorité alsacienne et la droite. Par vous-même, monsieur le Ministre-Président.

Il faut faire vite, faire prendre des décisions que vous escomptez irréversibles ! Quoi qu’il se passe politiquement. Passer en force !

 

Pourtant ce projet mérite mieux. Ce projet mérite d’être débattu dans notre Assemblée, d’être débattu publiquement.

 

C’est ce que vous m’aviez garanti sur un plateau de télévision, Monsieur le Président, à la veille de votre élection en 2010. En quels lieux et place ce débat public a-t-il été mené ? Avons-nous jamais entendu des experts autres que les promoteurs du projet ? Avez-vous jamais auditionné, même, les rédacteurs du rapport TKK, commandité par l’Etat, et qui prouve que le GCO est une infrastructure qui ne  répond à aucun des problèmes de transport déplacements qui se posent à Strasbourg et en Alsace ? Ce rapport montre qu’avec le GCO, ou sans le GCO les mêmes points noirs subsistent.

 

Vous avez encore déclaré tout récemment à Griesheim/souffel en parlant du réchauffement climatique que « quand les experts se prononcent, il faut prendre leur avis en compte ». Alors, pourquoi avoir en 2005, vous et d’autres, ignoré puis finalement enterré l’expertise indépendante TTK, pourtant acceptée et financée par l’Etat ?

 

Vous avez enterré le rapport TKK alors qu’il fallait enterrer le projet GCO !

 

Vous avez fait adopter le projet après un  débat express au Conseil rgional. Parce que vous n’avez pas le choix, parce que la délibération du Conseil régional est indispensable pour la signature du Décret. Tout comme  celle du Conseil général. L’une et l’autre s’engageant dans le financement. Comme le prévoit la loi sur les concessions : il faut que figurent dans la Convention la clé de répartition du financement et de la contribution à un éventuel déficit d’exploitation.

 

Pourtant vous avez été péremptoire, le  30 octobre 2007 lorsque, Président du Conseil Général du Bas-Rhin, vous affirmiez que « le GCO est un projet porté par l’Etat et le budget du Département n’est pas destiné à financer le GCO » ?

 

Ou Adrien Zeller, président du Conseil régional, déclarant dans un article de l’Express en octobre 2008: « Le GCO ne coûtera pas un centime à la Région ».

 

Est-ce à dire que vous avez délibérément tenu des propos fallacieux ? Pour obtenir la neutralité de la population, puis au fur et à mesure que les choses avancent, dire que finalement il faut contribuer à l’investissement parce que c’est la loi, et puis ensuite, lorsqu’on sera face au déficit, et qu’on ne pourra plus faire autrement, avec l’infrastructure construite, les paysages dégradés,  la disparition des terres, le bruit, la pollution…l’Etat reviendra vers le contribuable parce qu’il n’y a pas le choix. Il faudra boire le calice jusqu’à la lie !

 

Les écologistes ont mis dans l’accord de mandature avec les socialistes le refus du GCO. Et, en cas d’alternance aux prochaines élections, ce projet sera remis en cause, parce que rien n’est jamais irréversible. Un contrat, cela se casse, et si vous avez négocié un gros dédit, c’est l’UMP  qui portera la responsabilité de la gabegie de l’argent public.

 

D’ailleurs il  manquait aux élus des éléments importants concernant le choix du concessionnaire : ceux de l’engagement de Vinci en  réponse au cahier de charge. En clair vous avez  demandé d’engager les finances de la Région pour des années sans même que les élus aient eu accès à toutes les informations utiles…..

 

Pourquoi avoir choisi Vinci ?

  • Parce que c’est le mieux disant du point de vue environnemental ? ( l’autoroute permettra de réaliser un corridor écologique, avez-vous déclaré récemment dans la presse.Vous aller saccager le poumon vert à l’ouest de Strasbourg pour réaliser une autoroute qui, dites-vous, permettra la réalisation d’un  corridor écologique. Je crois qu’il y a là un problème de perception du réel. Là, c’est grave !
  •  Donc avez-vous choisi Vinci parce que c’est le mieux disant environnemental ? Non, Sanef était mieux disant. Avez-vous choisi Vinci parce qu’il propose l’emprise la plus faible ? Non, Sanef prélevait 270ha alors que Vinci en prélève 350 !
  •  Avez-vous choisi Vinci parce que c’est le moins disant en demande de contribution de financement public ? Non, Sanef demandait 19Millions d’€ alors que Vinci en demande 33 !
  • Avez vous choisi Vinci parce qu’il est bien avancé dans sa négociation de la compensation Hamster avec la Chambre d’Agriculture ? Non, c’est Sanef qui avait préparé le terrain alors que Vinci est dans l’impréparation complète, ce qui conduira la France à devoir payer de très fortes amendes à l’Europe pour insuffisance dans les actions de sauvegarde d’une espèce menacée.
  • Avez-vous choisi Vinci parce qu’il a été le plus raisonnable en prévision de trafic ? Non, au contraire, Vinci a délibérément doublé les prévisions de trafic du dossier d’enquête publique, prévisions déjà très optimistes, et ce pour faire apparaître un bilan financier artificiellement équilibré.

 

Ou bien avez-vous choisi Vinci parce qu’il peut mobiliser rapidement des fonds propres et obtenir rapidement le closing financier, quitte à partir de fausses prévisions de trafic, donc de rentabilité. De toute façon, les collectivités paieront les déficits, n’est ce pas !

 

Car on ne peut qu’être inquiet, ne serait-ce que déjà au regard des dérives actuelles. Lors de l’enquête publique, le projet était estimé à 370 millions d’euros. Aujourd’hui on avance 750 millions, soit le double. Quel sera le coût final ? Par ailleurs, la concession est prolongée à 55 ans, ce qui est autant de manque à gagner pour les caisses publiques.

 

Concernant le trafic, j’aimerais faire plusieurs remarques :

 

  • Les comptages sur la A35 montrent depuis plusieurs années une stagnation voire une légère baisse du trafic poids lourds et du trafic VL. Pour les véhicules légers, cela est notamment dû au transfert modal vers les transports publics,  soit pour des déplacements nord-sud, soit des déplacements pendulaires est-ouest, soit des déplacements infra CUS. N’oublions pas que cette autoroute est aussi utilisée pour la desserte inter-quartiers. De plus l’engorgement ne concerne que quelques heures par jour. Le mercredi, pendant les vacances et le week end c’est fluide. Plus l’offre de transport public va se développer, moins l’autoroute sera chargée. Les problèmes se situent plus vers Brumath, et ce n’est pas le GCO qui règlera la situation. Alors que l’on sent peut-être le début de l’indispensable changement de mentalité des usagers, quel incroyable signal négatif de construire une nouvelle autoroute, inefficace de surcroît, et aspiratrice de trafic supplémentaire ?
  •  La problématique du transit qui ne doit plus passer par Strasbourg ?   3/4 des 17 000 PL/j qui passent sur l’A35 chargent ou déchargent dans l’agglomération et n’ont donc aucun intérêt à la contourner. Sinon, 2000 PL se reportent côté alsacien depuis la LKW Maut. Le GCO en attirera encore davantage. Bref, on veut faire un GCO pour attirer des PL en transit qu’on ne veut pas. C’est au contraire une redevance côté alsacien qu’il nous faut ! (celle prévue pour 2013 n’est pas vraiment à la hauteur de l’enjeu et encore, se fera t-elle un jour ? Ca fait 7 ans qu’on l’attend). Quant aux camions qui évitent le massif vosgien, ils sont sur des tracés qui n’ont pas vocation à passer par le secteur de Strasbourg, ni sur l’A35, ni sur le GCO (on ne pourra jamais forcer un PL qui vient du sud de l’Alsace par exemple et qui veut traverser les Vosges à Saverne par l’A4 à faire un détour de plus de 20 km, avec 2 péages – le GCO et la section Hochfelden-Saverne de l’A4 – plus les bouchons aux heures de pointe du côté de Brumath. Il empruntera quoi qu’on fasse la liaison directe Molsheim-Saverne). Pour le transit PL, une redevance à la hauteur de l’enjeu est la seule solution pour limiter le transit en Alsace et ne pas transférer vers les  autres les nuisances qu’on ne veut plus. Après tout, quelle morale y a t-il à envoyer vers le Kochersberg des camions qu’on ne veut pas chez soi ?.

Concernant la problématique de la qualité de l’air et des 80 000 riverains de l’A35 exposés aux pics de pollution, et notamment des particules fines, j’aimerais apporter les précisions suivantes

 

  • Avec moins de 5% de soulagement du trafic de l’A35 du fait du GCO, il n’y aura pratiquement pas de diminution de la pollution sur l’A35. Pour Strasbourg, le GCO risque de surcroît non pas de diminuer la pollution des riverains d’autoroute mais de l’augmenter, puisqu’un boulevard urbain risque de défluidifier le trafic  actuel et que de plus le GCO devrait favoriser un accroissement de circulation de 14 000 véhicules / jour sur « l’autoroute de Hautepierre » (A351) ; Pour lutter efficacement contre les engorgements pendulaires, de flux radial, le rapport TTK préconise quant à lui la séparation des flux sur l’A35, et une solution mixte qui concile transports collectifs et routiers ;
  • Vendenheim est une des communes plus plus polluées du Bas-Rhin, la pollution due au trafic (Nox, particules) dans les rues principales de villages comme Pfettisheim est identique à celle du centre de Strasbourg (état des lieux de l’Aspa). Est-il concevable de polluer davantage ces communes pour une diminution hypothétique de la pollution sur l’A35 ?
  • Par ailleurs, et comme le GCO attirera davantage de trafic en Alsace, la pollution globale augmentera.
  • Et sur le point précis de particules fines, qui sont le problème majeur actuellement, on peut quand-même rappeler que 80% de ces particules sont importées… Parmi les 20% produites sur place, une part significative (env la moitié) vient du chauffage, d’où la corrélation avec les vagues de froid. Bref, la diminution des particules du fait d’un GCO est un leurre.

 

Concernant la consommation de terre, n’y a-t-il une nouvelle fois pas contradiction entre le propos de posture : «  il faut diminuer la consommation d’espace » et la réalité des décisions ?

 

  • N’est-il pas irresponsable de détruire un espace naturel de qualité, sans pollution, sans bruit, accessible à bicyclette, notamment via la piste le long du canal ou par transport en commun, ou en voiture. C’est actuellement une zone de promenade et de détente proche d’une agglomération dense très fréquentée par une population familiale et modeste.
  •  N’est il pas inacceptable de spolier un site classé et de détruire un jardin remarquable qui appartient au patrimoine culturel de la Région ?
  • Sacrifier à une infrastructure inutile 350 hectares de terre principalement agricole, sans compter les consommations d’espace qui s’induiront mécaniquement du fait de la présence de la route est inacceptable alors que la question de la crise alimentaire devient centrale et que l’agriculture de proximité représente une des solutions ?
  • Sans compter qu’il s’agit d’un morcellement supplémentaire de l’espace, dans la zone principale du grand hamster. Même si les mesures compensatoires de 100 hectares étaient prises, ce que Vinci n’est pas en état de négocier, elles sont à cette date jugées insuffisantes par la Commission européenne concernant cette espèce classée « d’intérêt communautaire qui nécessite une protection stricte », selon l’arrêté du 9 juin 2011, postérieur à la DUP du 17 mars 2010 considérée d’autorité ; Remettons dans le jeu les 350 hectares de l’autoroute pour répondre globalement et de manière satisfaisante à Bruxelles. Parions que le dédit de Vinci coûtera moins cher à la France que les pénalités européennes pour la disparition du grand hamster.

 
 Comment un élu qui a approuvé cette convention pourrait-il affirmer qu’il l’a fait en connaissance de cause ?

 

Par ce vote, non seulement les élus ont permis dès maintenant la mise en œuvre de ce projet, mais ont engagé la collectivité à payer 9.85 % des coûts prévus actuels et à venir, sur des travaux et des budgets relevant du financement public et qui ne manqueront pas d’intervenir dans les 55 ans de durée de la concession. Ce serait donc 19.7 % pour du futur Conseil d’Alsace. Si l’on en croit les éléments que l’on nous a soufflés et que nous aimerions vérifier en ayant accès au dossier, ces surcoûts interviendront bien rapidement, du fait que Vinci aurait doublé le chiffre de prévision de circulation pour faire intervenir de faibles budgets sur les fonds publics.

 

Les arguments même sur lesquels le Conseil d’Etat à confirmé le bien fondé de la DUP en 2010 sont maintenant mis à mal : d’une part, les coûts estimés modérés du projet énoncés étaient de 302.9 millions d’euros  plus 92 millions de mesures compensatoires passent à un coût global de 756 M€ HT (frais financiers, frais de maitrise d’ouvrage et de maitrise d’œuvre et travaux) dont 536 de travaux en 2012, et sans mention de la prise en compte des mesures environnementales. D’autre part, l’argument comme quoi « rien ne permet d’affirmer que le projet compromettrait la survie d’espèces protégées » est mis à mal par le jugement de la cour européenne en 2011.

 

En bref, ce projet complexe à paramètres multiples mérite d’être examiné démocratiquement dans notre société en pleine transformation au regard de ses enjeux pour l’avenir proche et lointain. Il y a lieu d’agir pour réduire les difficultés de trafic autour de l’agglomération strasbourgeoise. Il faudra même sans doute sacrifier quelques hectares de terres mais que ce soit au moins pour des aménagements qui aient du sens et qui répondent aux problèmes ! S’entêter dans un rapport obsolète, c’est fermer la porte à des solutions innovantes et d’avenir et c’est prendre une lourde responsabilité.

 

En cette période économique plus que délicate, persister dans l’entêtement d’un vote précipité amène la majorité alsacienne à devoir porter seule la responsabilité des frais engagés à rembourser pour abandon du projet auprès du concessionnaire, lorsque ce projet inadapté aux enjeux actuels sera abandonné dans quelques semaines.

 

Ce projet est un crime contre l’Alsace et ne doit pas se réaliser.