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Les écologistes misent sur l’Europe, un « sport de combat »

LIBERATION, 8 AVRIL 2014

REPORTAGE A Toulouse, les listes Europe-Ecologie, José Bové en tête, ont donné mardi soir le coup d’envoi de la campagne des européennes. Avec une nouvelle position à assumer : hors du gouvernement.
En douceur. Comme en 2009, les écologistes ont lancé leur campagne européenne à Toulouse. Il y a cinq ans, ils avaient eu le champ libre pour attaquer pied au plancher, en formule « Europe Ecologie » et Daniel Cohn-Bendit en leader d’opinion, une élection qui les avaient menées à un record de 16% – plus de 20% en Ile-de-France – à quelques voix des socialistes. « Il n’y avait pas eu de remaniement ministériel et c’était la seule échéance de l’année », fait remarquer l’eurodéputée Sandrine Bélier, candidate à nouveau dans l’Est.

« UN MOIS ET DEMI, C’EST COURT »
Qu’importe… La formule est la même qu’en 2009. La musique de fin de meeting a été gardée. La liste s’appelle encore « Europe-Ecologie » – disparu « Les Verts » sur les tracts. L’objectif reste ce « 10 + X » inventé par Cohn-Bendit. Et la ligne n’a pas changé : « Parler d’Europe ». « On va se battre pour que la campagne ne soit pas nationalisée », annonce Pascal Durand. L’ex-chef du parti et tête de liste Ile-de-France pour cette élection s’en remet à la mémoire des écologistes : « En 2009, comme directeur de campagne, j’avais interdit que le mot "Sarkozy" soit dans les tracts. » A l’époque, quelques mois après la crise des subprimes, toute l’opposition – François Bayrou compris – avait fait de la critique du nouveau président une stratégie de campagne… perdante. Le contexte était tout de même porteur pour la bande à Cohn-Bendit : l’écologie avait meilleure presse, les socialistes étaient sortis en lambeaux de la défaite de Ségolène Royal en 2007 et du fratricide congrès de Reims de 2008.

« Les gens veulent que les écologistes parlent de leur projet, insiste Durand. Je me fous de savoir ce que la prétendue vox populi attend de nous. On a un mois et demi, c’est court, mais à la fin, je suis sûr qu’on aura eu raison. » Et pour ça, ils ont trouvé un remplaçant à Cohn-Bendit : José Bové. Investi par le Parti vert européen à l’issue d’une primaire comme postulant à la présidence de la Commission, l’ex-syndicaliste agricole reconverti député européen assume son leadership.

Sur Poutine ou les Etats-Unis : « Oui les écologistes sont ceux qui aujourd’hui mènent le combat […] et sont reconnus par leurs adversaires », affirme Bové sur scène en clôture de meeting. Protection des données personnelles, prévention sanitaire, traité de libre-échange transatlantique, lutte contre les paradis financiers… « Seule l’Europe peut protéger, peut faire en sorte de défendre des droits et des valeurs, insiste-t-il. On n’attend pas d’être sur un plateau télé pour parler de l’Europe. On le fait dans les commissions ! » Peu avant le meeting, Bové prévenait devant la presse : « Pour nous, député européen, c’est un sport de combat. »

« JE N’AIME PAS LE ROQUEFORT »
« José a pris une dimension européenne. Il ne fait pas semblant. Ça fait six mois qu’il fait le tour de l’Europe pour présenter le projet des écologistes », se félicite Bélier. L’affiche écolo, Bové la partage avec une jeune allemande de 32 ans, Ska Keller, elle aussi choisie pour faire croire qu’il est possible de mettre un ou une écologiste à la place de Jose-Manuel Barroso. « Je ne peux pas penser la justice sociale sans penser la justice climatique », insiste à la tribune – en français dans le texte – la n°3 sur la liste en Allemagne, qui s’est permis de lancer à son co-candidat : « Je n’aime pas le roquefort. » « L’Europe, c’est "unis dans la diversité" donc je peux travailler avec quelqu’un qui n’aime pas le roquefort », lui répond Bové.

Autre changement : EE-LV débute sa campagne européenne avec une place inattendue, hors du gouvernement. « Ça ne change rien », fait savoir leur secrétaire nationale, Emmanuelle Cosse. « Je ne sais pas dans quel sens ça va jouer », nuance Yannick Jadot, eurodéputé sortant et porte-parole de la campagne. Car si leurs bons scores aux municipales – près de 12% en moyenne lorsqu’ils n’étaient pas derrière le PS – ouvre un bel espace entre PS et Front de gauche, cette sortie soudaine après la nomination de Valls à Matignon peut très bien être mal comprise par certains électeurs de gauche qui faisaient jusqu’ici crédit aux écolos de se battre à l’intérieur du gouvernement.

MANQUE DE FRAÎCHEUR ?
Jadot démine : « On ne fera pas campagne comme Mélenchon, contre le gouvernement. L’Europe est un espace politique à conquérir. Elle n’est pas néolibérale, conservatrice et austéritaire par essence. » Mais si le gouvernement n’est pas ciblé, les socialistes si : « On va les mettre devant leur contradiction, annonce Durand. Qui a voté la baisse du budget européen ? Qui a voté contre l’interdiction de la pêche en eau profonde ? »

Dans le film de lancement qui ouvrira les meetings des listes Europe Ecologie, l’histoire de l’écologie politique est passée en revue. Pas une figure n’a été oubliée : Cohn-Bendit, René Dumont, Noël Mamère, Dominique Voynet, Antoine Waechter, Cécile Duflot, Eva Joly… Belles images d’unité. Dans sa vidéo, « Dany » campe un « président de l’Union européenne » invité du journal du « 21 avril 2014 ». Rêve d’écolo… La réalité est toute autre : un parti toujours tiraillé entre sympathisants, cadres, direction et parlementaires dans leur relation avec le pouvoir socialiste et un Cohn-Bendit qui se paie l’ex-ministre Cécile Duflot l’accusant d’avoir « pris en otage » le mouvement avec sa sortie du gouvernement.

Dans cette ambiance, difficile de retrouver la fraîcheur politique qui avait plu aux électeurs il y a cinq ans. En attirant sur ses listes de nouvelles personnalités comme Mohamed Mechmache, président du collectif AC Le Feu, Michel Kfoury, opposant à la ferme des mille vaches en Picardie ou Julien Durand, un des leaders du mouvement contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, les écologistes montrent tout de même qu’il leur reste quelques ingrédients de la nouveauté politique qu’ils portaient en 2009. Ils ont un mois et demi pour prouver qu’ils se souviennent de la recette.

Lilian ALEMAGNA Envoyé spécial à Toulouse ; Photo Christian Bellavia

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