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José Bové charge le marché St-Charles (interview)

Article original: http://www.lindependant.fr/2014/04/25/jose-bove-charge-st-charles,1875684.php

Le désarroi des entreprises de Saint-Charles fait fulminer le député européen, à l’origine du projet de réforme sur les importations de fruits et légumes. Un texte qui défend les productions locales.

Pour mieux comprendre l’enjeu de la tomate et des échanges commerciaux entre l’Union Européenne et le Maroc, l’interlocuteur privilégié en la matière reste José Bové. Le député européen était il y a deux ans le rapporteur de l’accord de libre-échange entre l’Union et le Maroc qui régit jusqu’ici les modalités du prix d’entrée et des volumes de fruits et légumes importés. Dont la tomate, la vedette du marché. C’est à lui et au député européen UMP Michel Dantin que l’on doit également la rédaction des actes délégués sur l’organisation commune des marchés de la nouvelle politique agricole commune (PAC). Des textes qui entérinent les nouvelles tarifications imposées aux importations extra-européennes. Le document au cœur de la crise qui couve à l’intérieur du marché Saint-Charles International. José Bové n’est d’ailleurs pas tendre à l’égard de son fonctionnement. Il défend surtout une nouvelle réglementation "plus juste pour les producteurs de tomate européens, principalement espagnols et français".

Pourquoi remettre aujourd’hui en question les accords passés entre l’Union et le Maroc ? Tout d’abord, il est important de rappeler que ces accords dont j’étais le rapporteur, avaient pour objectif d’augmenter le contingent de volumes de tomates et de fruits et légumes vers l’Europe. Mais ce qu’il faut savoir, c’est que cet accord s’adressait surtout à trois entreprises qui produisent 75 % des tomates marocaines, à savoir les domaines du Roi du Maroc et les sociétés Azura et Ydil. Or ces deux sociétés ont leur siège en France, à Châteaurenard et à Perpignan pour Azura. Cet accord a été fait pour développer ces trois entreprises de la tomate industrielle avec des ouvriers agricoles marocains payés 5 euros de l’heure et une production qui arrive ensuite sur Saint-Charles. Tout cela au détriment des petits producteurs marocains, il faut le souligner.

Avez-vous dénoncé cette situation ? Bien sûr. Dans mon rapport, j’ai demandé que cet accord ne soit pas signé car il va à l’encontre des agriculteurs français et marocains. La filière européenne m’avait alors soutenu pour le combattre. Ceux qui sont à la tête d’Azura, par exemple, ont des intérêts liés dans cette affaire car ils sont à la fois producteurs de tomates et utilisent Saint-Charles pour les expédier. C’est une situation cocasse mais c’est pourquoi ils contestent aujourd’hui le nouveau cadre de règlements des droits de douane de la réforme de la PAC. Car les prix seront plus élevés qu’auparavant. Mais il est normal que les produits qui arrivent de l’extérieur soient plus chers. Il faut protéger les productions européennes contre les entreprises qui font du dumping.

D’où le changement des droits de douanes de la nouvelle PAC ? En effet, dans le cadre des règlements de la réforme de la PAC, la mise en place d’un lissage des prix sur les marchés permettra d’avoir des prix plus justes. Avec cette modification et ce lissage, on se trouve dans une situation de rééquilibre. Et tout ce qui permettra de développer la production européenne est profitable.

Les importateurs et exportateurs de Saint-Charles ne sont pas du même avis... C’est lamentable de voir le chantage des entreprises qui disent qu’en limitant les importations, on tue l’emploi. C’est faux. Cela favorise au contraire les productions locales. Et pour avoir travaillé sur cette réforme, je pense même qu’elle ne va pas assez loin. J’en profite aussi pour dire que si des élus UMP soutiennent le discours de Saint-Charles, il faut savoir que c’est un député UMP qui a aussi participé à la rédaction des actes délégués.

Le Maroc étant un gros producteur de tomates, y a-t-il un risque de pénurie sur le marché européen ? C’est une escroquerie totale de dire cela. Dire que la tomate marocaine arrive plus tôt que les tomates d’Europe, c’est faux. La tomate est une production annuelle et on peut facilement gérer la production et compenser un marché. Mais a-t-on besoin de manger des tomates industrielles toute l’année ?

NB : José Bové est l’auteur d’un livre sur le sujet du libre-échange, "Hold-up à Bruxelles". Candidat aux prochaines élections européennes, il sera à Perpignan le 15 mai pour un débat. José Bové, sans concession avec les entreprises de Saint-Charles.

L’avertissement du monde agricole aux élus

Les décideurs agricoles saluent la décision de l’UE et invitent les élus à faire le bon choix.

La taxe prévue pour le 1er octobre, visant les produits en provenance des pays tiers à l’Union européenne, est accueillie favorablement par les responsables du monde paysan qui veulent adresser un message on ne peut plus clair aux élus. Lesquels ont, d’autre part, été sollicités par les importateurs pour obtenir leurs soutiens (voir notre édition d’hier). Pour Yves Aris, président de la FDSEA des P.-O., « les politiques de ce département vont devoir se positionner franchement. Ce décret, s’il dérange les importateurs, convient à la profession agricole, qui attendait un geste de Bruxelles depuis 20 ans. Nous sommes conscients des répercussions que la taxe peut avoir sur l’activité de Saint-Charles, en terme d’emplois notamment. Mais qui s’est soucié des emplois perdus en agriculture depuis des décennies à cause des importations ? ». Et l’arboriculteur de Toulouges d’ajouter : « Nous serons très vigilants, à la veille des élections européennes, afin qu’il n’y ait pas un contournement de la loi. Avec, par exemple, une augmentation des contingents autorisés pour les produits en provenance des pays tiers ». Concernant l’appui de la FNSEA, où le lobby des céréaliers est très influent, Yves Aris assure : « Nous avons le soutien complet de la structure nationale. » Côté chambre d’agriculture, le ton est tout aussi ferme avec, pour son président Michel Guallar, une interrogation concernant les importations intra-européennes : « Pour une fois qu’il y a une mesure qui va dans le bon sens, on ne va pas s’en plaindre. D’autre part, nous compatissons aux problèmes de Saint-Charles avec qui, rappelons-le, certains producteurs locaux travaillent également. Sachant, toutefois, que les importateurs commercialisant majoritairement du produit espagnol ne sont pas forcément mécontents. Car ils sont les premiers concurrencés par la marchandise marocaine. Le risque pourrait, d’ailleurs, venir d’une réorientation du marché avec l’Espagne. Pays qui pourrait s’imposer encore plus en pêche et nectarine notamment. »

Michel Guallar demande à ce titre « l’organisation d’une rencontre entre les responsables agricoles et ceux de Saint-Charles sous l’autorité du préfet ». La position de Gérard Majoral, secrétaire général de la FNPfruits, est sans appel : « C’est un choix politique et un cas de conscience inédit. Soit les élus soutiennent l’induction agricole, avec tout ce que cela représente pour le monde rural. Soit, ils nous laissent définitivement tomber, en privilégiant le commerce de ce que l’on produit ailleurs ». Idem pour Christian Soler, président du groupe Coopératif Téranéo : « La question ne se pose même pas. L’ensemble des agriculteurs du département et leurs représentants ne peuvent qu’approuver cette décision européenne. Car, elle va dans le sens d’un rééquilibrage des disparités qui ont tant impacté le monde paysan depuis trois décennies. »

Jean-Paul Pelras
PHOTO/Ph. H. Jordan

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