Propriété de l’état, de mur à mur à l’intérieur des villes, le Canal du Midi est géré par Voies Navigables de France (VNF), un établissement public à caractère industriel et commercial crée en 1991. A l’heure actuelle il conserve ses 3 fonctions : alimentation en eau potable, irrigation et axe de communication-navigation.
La Ville de Toulouse et maintenant la Communauté urbaine ont des conventions de superpositions de gestion avec VNF. En clair, la Ville gère sans subvention ou participation de l’Etat des espaces qui traversent la ville, qui sont la ville, mais qui pourtant ne lui appartiennent pas. Elle aménage les chaussées, les rues, la piste cyclable, elle nettoie et entretien les espaces verts qui bordent le Canal. La seule aide conséquente est le partage d’un bateau nettoyeur (Midinet) pour le fil de l’eau. Le pouvoir de gestion de VNF, qui est le parent archi pauvre du transport est faible, très faible pour le Canal du Midi. Il y a toujours eu des avancées technologiques et financières pour la route, le ciel et le rail beaucoup moins pour les voies navigables. Cette situation oblige les représentants de la commune et de VNF à un dialogue constructif et permanent.
Dans les années 60, l’Etat a fait des promesses qui, si elles avaient été faites par un particulier, auraient relevé de l’escroquerie. Il a commencé à agrandir par les deux bouts le canal au gabarit dit « Freycinet », faisant ainsi passer les écluses de 30 à 38,50 mètres. Seul un tronçon n’a pas eu les financements pour s’agrandir, celui entre Aigues Vives, (écluse du Sanglier) et le grand bief de Béziers. Le lobby agricole s’y est opposé, qui voulait garder l’eau alors que les bateaux font couler l’eau en aval. (Et pourtant les bateaux ne boivent pas l’eau, alors que les agriculteurs…).
Entre les bateaux de 38 mètres venus de Béziers, qui ont coupé leur cale pour passer dans le tronçon enclavé de Bordeaux- Aigues Vives (à qui on avait dit « ne vous inquiétez pas, l’Etat promet les travaux et un jour vous serez relié au réseau européen – Midi, canal du petit Rhône, du Rhône au Rhin ou du Rhône au canal du centre puis à la Seine-, et qui sont restés enclavés, perdant ainsi leur pouvoir de navigation et d’aller chercher du fret ailleurs…
Entre la concurrence déloyale faite par la SNCF qui était subventionnée…
Entre le fait que le canal manque de moyens et est mal entretenu ; qu’il est très peu dragué des boues issues de la décomposition des feuilles de platanes…
Entre le fait que les ingénieurs sont peu intéressés par le dragage, qui est un travail invisible non valorisé pour eux, y compris financièrement ce qui n’est pas le cas pour un ouvrage d’art…
Et bien le Canal survit … ô mon Canal !
La voie fluviale, économique et sûre, ne fait pas marcher l’économie : les bateaux en acier carbonné (acier Martin, rouillant très peu) ont parfois 100 ans, les moteurs qui sont des diesel (10 litres à l’heure) sont des moteurs très lents qui ne fatiguent pas et dont la sonorité vous berce. Vingt ans plus tard, ils fonctionnent encore. Les bateaux de 30 mètres peuvent transporter 200 tonnes, les 38 m 50, 350 tonnes.
Malheureusement le canal n’étant pas dragué, les bateaux touchaient le fond avant d’être remplis et perdaient ainsi le bénéfice des 40 ou 50 tonnes qu’ils ne pouvaient pas charger et qui auraient permis le bénéfice. Vous l’avez compris, pour que le Canal redémarre, il nous faudra être encore plus en crise énergétique que maintenant…
Longtemps la profession n’a pas eu de syndicat, elle ne s’est pas organisée (même en 36 quant les fameux mineurs de Carmaux ont tenté de le leur faire faire). Les bateliers étaient très individuels, très souvent illettrés, nomades, rendus à des problèmes individuels face à leur administration de tutelle, l’office national de la navigation, et à des problèmes économiques grandissants, des problèmes d’éducation pour les enfants… et pour achever ce descriptif calamiteux, le classement au patrimoine mondial de l’Unesco, s’il exprime une reconnaissance au travail et à l’ingéniosité de Riquet, s’il permet un environnement culturel et de biodiversité merveilleux, reste un enterrement de première classe : le fret fluvial, s’il devait redémarrer, le ferait dans les conditions du 17ème siècle…puisque l’on ne peut plus rien modifier.
Bref la profession, et l’imaginaire des bateaux de fret se sont perdus dans les années 85 -90 avec les derniers pinardiers, où, magie du déplacement sur le canal, le vin de l’Aude se transformait en vin de Bordeaux, dans les cales du Bacchus, de l’Espérance, de la Claudine, du Dyonisos, ou du Ben Hur, …
Maintenant, le Canal est même fermé en hiver. Sans compter le chômage forcé des périodes où on le vide de ses eaux pour réparer les écluses.
Vous l’aurez compris, le Canal des deux mers reste un ouvrage en danger pour le peu de moyen apportés à sa survie, oui le canal est en danger.
Il reste donc des bateliers qui transportent des touristes sur du gros gabarit, et des loueurs de bateaux sans permis. Activités intéressantes, pour faire découvrir le Canal ou la Garonne aux petits et grands, mais qui a ses limites d’un point de vue économique. Dernièrement certains de ces bateliers se sont regroupés en syndicat professionnel : révélateur des temps qui changent et de la vision nouvelle qu’on les professionnels de leur métier.
Le Canal a été saucissonné et les communes touristiques ont conventionné avec VNF. Elles proposent des amarrages et des ports pour les petits gabarits de tourisme. Les 30 mètres arrivant dans un port ont donc du mal a trouver une place où s’amarrer..
Un petit renouveau économique est apparu avec le passage de la fibre optique des nouvelles technologies : le canal accueille dans son fond les câbles de la modernité.
Et depuis peu, Véolia s’intéresse à ce canal transporteur d’eau. VNF lui a en effet attribué la concession du port de plaisance de Ramonville. Cette attribution est dénoncée en justice et à été suspendue : à cause des conditions d’attribution faites comme un marché d’appel d’offres, alors qu’il s’agissait au final de la privatisation d’un quartier de la ville. Les conditions partenariales signées entre la Région et l’Etat n’étaient pas respectées, ce qui a permis de dénoncer ce contrat.
La mairie de Toulouse a pris conscience de la volonté de grands groupes multinationaux de s’approprier le Canal, et organise sa politique afin que ses espaces restent à la collectivité et pour le bien public.
Dans les années 90, les Régions se sont tournées vers le Canal : il était question d’un transfert de domanialité. Un livre blanc du Canal a vu le jour, la conférence mondiale des canaux a eu lieu a Toulouse en 93. Tout le monde semblait y croire. Et puis après ce grand espoir, tout s’est arrêté. Le transfert de l’Etat aux Régions n’a pas eu lieu.
Aujourd’hui, la Région subventionne les bateaux -logements ou de tourisme- pour qu’ils améliorent la qualité de leur bateaux : aide à la cuve d’assainissement et aide à l’entretien extérieur. Elle considère ce soutien sous deux angles : aider à appliquer la loi Voynet sur l’eau sur les rejets polluants, prendre en compte la diversité des bateaux pour améliorer le patrimoine et le valoriser.
Les commissions territoriales des années 90 ont été stoppées. Ces instances permettaient à tous les acteurs de dialoguer : Etat, collectivités, professionnels et associations. Aujourd’hui, le Conseil régional Midi-Pyrénées a initié une charte avec l’Etat et l’Aquitaine. La Région Languedoc Roussillon estimant que son tourisme n’a besoin de personne car il est florissant, ne l’a pas signée.
Une première réunion de concertation de mise en action de la charte a eu lieu. N’y étaient que les Régions et l’Etat. Le premier ordre du jour était l’adoption au sein de cette instance de l’association des communes riveraines du Canal. Association qui regroupe 162 communes cooptées. La mairie de Toulouse, Ville centrale du Canal, souhaite également être membre de cette instance.
Pour finir je vous dirai que le chancre du platane, qui fait des ravages dont la presse s’est justement émue, ne se trouve pas à Toulouse, mais ailleurs sur le linéaire. Il n’est donc pas question d’y abattre des platanes. Mais là où cela se fera, c’est VNF qui imposera ses choix de nouvelles essences, sa manière d’abattre…
L’état VNF, Bâtiments de France, le Conseil régional, le Conseil général, les collectivités, les usagers, les professionnels, les associations environnementales, les sportifs d’eau comme les poètes, sont tous parties prenantes du Canal. Alors pour lui souhaiter longue vie il faut promouvoir le draguage. Il faut subventionner le transport local régional, afin que les estivants puissent voir un terroir à son ouvrage : un plaisancier dans son bateau sans permis aura le sentiment de passer le Cap Horn lorsqu’il doublera un bateau…
Il faut assurer la continuité écologique du Canal à travers le passage dans les villes, afin de mettre en œuvre la ville rafraîchie dont nous parle la loi Grenelle. Il faut favoriser le tourisme d’eau, et la baignade dans ces eaux quasi propres. Enfin il assurer la promotion du Canal, ruban écologique reliant les 3 régions, et vanter l’ingéniosité de son inventeur : Pierre Paul Riquet.
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