Régis Godec, Adjoint au Maire de Toulouse en charge des éco-quartiers.
« Notre rôle en tant que collectivité n’est pas d’imposer de nouvelles règles de vie en utilisant un cadre normatif mais de prévoir un terrain fertile sur lequel les habitants, par leur propre dynamique, entrent dans une spirale vertueuse de comportements ».
Le Gofar Immobilier : Comment définissez-vous le terme d’éco-quartier ?
Régis Godec : Ce terme est aujourd’hui très vague. Il n’y a pas de labélisation « éco-quartier ». Il qualifie un quartier quand les bâtiments ont une très bonne qualité thermique et que les eaux pluviales sont restituées à la nappe phréatique. Nous, nous voulons mettre en place à la Cartoucherie et dans le quartier de la Salade, des projets qui aillent au delà de cette simple normalisation. Nos projets ne se limitent pas à la question de l’énergie et de l’eau mais englobent les déplacements, la gestion des déchets et les questions sociales. C’est un contrat passé entre tous les acteurs du lieu, les entreprises qui vont s’implanter, les commerçants et les habitants. Tous s’impliquent dans un changement de comportement. Cette démarche active des personnes fait qu’il devient un véritable éco-quartier.
L G I : Quel est l’enjeu d’un éco-quartier ?
R. G : Les problématiques environnementales en peuvent pas être traitées d’en haut mais plutôt avec une somme d’incitations. Notre rôle en tant que collectivité n’est pas d’imposer de nouvelles règles de vie en utilisant un cadre normatif mais de prévoir un terrain fertile sur lequel les habitants, par leur propre dynamique, entrent dans une spirale vertueuse de comportements.
L G I : Pouvez-vous décrire le projet de la Cartoucherie ?
R. G : Ce nouveau quartier dans la ville fait 30 hectares. 3000 logements sont programmées dont 30 % en locatif social, 90 000 m² d’activité, 6000 à 8000 m² de commerces et des équipements publics. Une école maternelle et primaire, un RAM et une maison de quartier sont prévus. Nous devons aussi respecter une exigence de densité soit 90 logements par hectare car Toulouse souffre fortement de son étalement urbain. Ainsi, les bâtiments ne seront pas construits de manière homogène et leur hauteur sera très différente. Il n’y aura pas de pavillonnaires et nous aurons du R+3 jusqu’à du R+15 à certains endroits. Ces éléments hauts nous permettront de ne pas avoir un aspect monolithique et garder beaucoup d’espaces publics de qualité. Une trame verte reliera le Jardin du Barry au cœur du quartier. Bien insérer ce quartier dans la ville en terme de transport en commun est aussi très important.
L G I : Quelle place aura la voiture dans ce quartier ?
R. G : Elle sera tolérée mais son usage en sera limité. La mobilité et la limitation de la place de la voiture est un enjeu très fort dans les grandes villes européennes. Dans ce quartier, nous voulons en dissuader l’utilisation. Dans les ilots très bien desservis en transports en commun car situés entre les deux stations de tramway, les voitures ne pourront pas stationner. Il n’y aura que des éléments de dépose-minutes. Elles devront se garer dans les parkings hors de ce secteur. Nous prévoyons une place de stationnement par logement soit 3000 places de parking. La moitié des stationnements sera située près des résidences et l’autre moitié sera dans des silos en périphérie du quartier. Cela permettra de couper le lien entre l’habitant et sa voiture, et de limiter la circulation dans le quartier. Nous voulons ainsi privilégier la voiture collective en installant des stations d’auto-partage. L’idée est de mettre à disposition de tous un parc de véhicule que l’on loue quand on en a besoin. La réservation se fait sur Internet. Cela marche très bien.
L G I : Et ainsi vous privilégiez les modes doux…
R. G : Oui. Ils seront prioritaires sur les voitures et les rues seront dimensionnées en fonction. Se déplacer à pied ou en vélo est un élément de sociabilité dans le quartier. Et puis, Toulouse est une ville qui a un climat génial pour le vélo. Nous voulons imposer aux constructeurs la création de garages à vélos sécurisés au pied des immeubles pour ne pas obliger les habitants à les mettre dans un local poubelle, au fond d’une cave, ou bien comme on le voit souvent sur leur balcon.
L G I : Quelles sont les étapes de construction de la Cartoucherie ?
R. G : Le terrain de la Cartoucherie, acheté l’an dernier, est en travaux pour la mise en place de la ligne E de tramway qui ouvrira en décembre 2010. En même temps, l’archéologie préventive commence son diagnostic, afin de savoir quel niveau de fouilles, il faudra engager pour mettre au jour d’éventuelles trouvailles. Dans 6 à 8 mois, nous devrions avoir une petite idée du calendrier de l’opération. Après, il est prévu une période de démolition des bâtiments existants qu’on ne peut conserver sauf la Halle qui sera réhabilitée. Puis viendront toutes les opérations de voirie, de constructions d’équipements publics, de logements et d’activités.
L G I : Mais il faudra être patient pour habiter ce quartier, n’est-ce pas ?
R. G : Oui. Il faut imaginer cette réalisation sur 10 ans. Nous avançons pas à pas. La livraison de la première tranche de logements et l’ouverture de l’école sont prévus pour 2013. Une date importante car nous voulons ouvrir les équipements publics en même temps que les premières habitations.
L G I : Comment verrez-vous si l’éco-quartier de la Cartoucherie réussit ?
R. G : Si les gens ont envie d’y rester, s’ils ont plaisir à se croiser, à se rencontrer dans des espaces publics de qualité où les enfants pourraient jouer en toute sécurité. Si cette vie, cette véritable sociabilité se crée tout autour, cet éco-quartier sera réussi.
L G I : Pouvez-vous décrire le projet de la Salade ?
R. G : La Salade est dix fois plus petite que la Cartoucherie soit seulement 3 hectares. Ce projet est vraiment lié au lieu. Il sera situé au Nord de Toulouse entre les stations « La vache » et « Barrière de Paris ». Nous n’allons pas y reconstruire la ville car la Salade ne fait pas un quartier en soi.
Nous pourrons y expérimenter des techniques innovantes qui serviront d’enseignement pour les projets à venir.
Par exemple, l’opération pourrait accueillir 10 à 20 % de logements en « habitat groupé » ou « habitat coopératif ». L’idée est qu’à travers une association, les futurs habitants se mettent à plusieurs pour acheter ou construire un bâtiment et décident des parties privatives et des parties collectives. On peut très bien imaginer des espaces communs comme une buanderie ou un lieu de restauration. Ces éléments seront à définir par chaque groupe. La Salade va ainsi nous permettre d’expérimenter des modes de gestions d’associations d’habitants et de construction innovantes. Nous auront ainsi des informations supplémentaires quand nous commencerons la Cartoucherie. Car j’espère, les premiers logements de la Salade seront livrés en 2012 avec 25 à 30 % en locatif social.
L G I : Le m² va-t-il coûter plus cher dans un éco-quartier ?
R. G : Nous voulons éviter que la valeur « éco-quartier » amène un surcout. Les matériaux ou la construction sont plus chers mais ils seront compensés par des aménagements économes comme, par exemple dans la Cartoucherie, des parkings en silo. Il n’y a aucune raison que les prix soient surévalués. Le problème à Toulouse reste la spéculation foncière. Les terrains sont bien desservis par le transport en commun et la collectivité les rachète à des prix très élevés (27 Millions d’Euros pour la Cartoucherie). De ce fait le prix des logements reste relativement élevé à la sortie, mais ce ne sont pas les principes environnementaux qui sont onéreux. Il faut cesser d’opposer l’environnemental et le social, aujourd’hui la qualité environnementale dans ces quartiers les avantages sur la santé et la qualité de vie ne seront pas réservés aux personnes les plus favorisées.
L G I : Avez-vous les moyens de les encadrer ?
R. G : Nous allons nous les donner. La Cartoucherie étant une ZAC, nous pourrons rédiger un cahier des charges précis que devront suivre les promoteurs choisis pour ce projet. Puis, nous aurons les moyens de contrôler l’opération du début jusqu’à la livraison des logements par la mise en place d’un Comité de suivi. Il sera une garantie citoyenne sur le fait que les enjeux du départ seront respectés tout au long de la réalisation de cet éco-quartier. (Sourires). Oui, bien sûr, je serai dans le comité.
L G I : Quelles sont les difficultés de ces projets ?
R. G : Convaincre tout le monde que le développement durable n’est pas une contrainte, mais au contraire, c’est du gagnant – gagnant. Nous voulons créer une identité connue comme « l’Eco-quartier de la Cartoucherie » afin que les éléments vus au départ comme des entraves, deviennent des atouts synonymes de qualité, surtout pour les investisseurs, dont les logiques peuvent sembler de prime-abord éloignées des valeurs du projet, et qu’il faut donc les convaincre de devenir acteur à part entière du projet.
L G I : Croyez-vous que ces projets vont créer un effet boule de neige dans la ville ?
R. G : Il faut attendre que les premiers logements soient livrés pour qu’on nous croie. Nous devons tester de nouveaux matériaux, choisir les artisans, les promoteurs avant de développer ces projets à une grande échelle. Ensuite seulement, nous pourrons déployer cette approche sur l’ensemble de la Ville. L’enjeu du XXIème siécle c’est de reconstruire la Ville sur elle-même sur des principes d’aménagement durables.
Propos recueillis par Le Gofar Immobilier.
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