Libé Toulouse : "L’affaire Tisséo" va-t-elle avoir des répercussions sur les régionales ?
Gérard Onesta : C’est un signal désastreux envoyé à celles et ceux qui espéraient que le PS pouvait encore changer. Car sur fond de leurs luttes internes, il y a là une triple rupture d’engagement de la part des socialistes : d’abord envers les citoyens qui voient désormais s’éloigner le plan de déplacement urbain ambitieux pourtant promis - ensuite envers leurs partenaires qu’ils n’arrivent à concevoir qu’en termes de supplétifs électoraux - enfin envers eux-mêmes, car en confisquant tous les pouvoirs Pierre Cohen méprise les militants socialistes qui viennent de voter contre tout cumul de mandat ! Dire que tout cela rend le PS appétissant à nos yeux serait mentir… Pour tout dire, on s’y attendait un jour ou l’autre, car à peine élu à la Mairie, Pierre Cohen avait remis en cause les accords passés avec les Verts quant à leur présence au Grand Toulouse. Mais nous pensions que la période pré-électorale allait calmer son envie d’accaparer Tisséo en plus de la Mairie, de la députation, du Grand Toulouse et du Cancéropôle. Les messages de sa Fédération comme ceux de la Rue Solférino étaient clairs : pas touche aux écolos qui ont plus que jamais la confiance populaire ! Nous nous sommes trompés, la boulimie de pouvoir a été la plus forte. À moins que ce coup de pied de l’âne dans les relations socialo-écologistes ne vise d’abord à déstabiliser Malvy dont il est de notoriété publique que Cohen veut entraver la réélection à la tête du Conseil Régional…
Comment voyez-vous dès lors les accords entre écologistes et PS pour les régionales ?
Gérard Onesta : C’est une équation à plusieurs inconnues. Personne n’a oublié que le PS de Midi-Pyrénées aux dernières régionales - fait unique en France - a refusé de s’enrichir du projet des écologistes en leur barrant l’accès au Conseil régional. Que pèsera alors au moment du choix l’absence de conscience "verte" dans le projet socialiste local ? Il faudra aussi estimer si l’accès quasi "institutionnel" - au point qu’il en est parfois comique - qu’aura eu le PS à un grand média régional appartenant à un de ces alliés n’a pas été déloyal au-delà de toute mesure. Mais ce que nous considérons aujourd’hui comme le plus choquant, c’est le refus affiché par Martin Malvy de la moindre confrontation d’idées durant la campagne. Nous trouvons absolument malsain ce refus de débattre publiquement, sereinement, de points programmatiques précis entre partenaires potentiels. Cette dérobade est terriblement révélatrice de pratiques politiques faites d’ombre, de combinaisons d’appareils et de partage du gâteau. Finalement "l’affaire Tisséo" n’est peut-être qu’une illustration de ces comportements affligeants que nous espérions tant voir appartenir au passé.
Qu’attendez-vous du PS pour apaiser les tensions ?
Gérard Onesta : Il faudrait que le parti socialiste rompe avec ses vieux démons. Ainsi le silence de l’appareil PS face au coup de force de Pierre Cohen est incompréhensible, quant à celui de Martin Malvy, il est assourdissant. La façon dont les socialistes entendent mener la campagne régionale est tout aussi alarmante, tant elle en dit long sur leur incapacité à se renouveler. Au soir du premier tour, quand les militants écologistes seront amenés à se prononcer sur "la suite", l’estime réciproque que Martin Malvy et moi avons su jusqu’ici tisser entre nous sera de peu d’importance si les choses n’évoluent pas…
Propos recueillis par Jean-Manuel Escarnot
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