Le projet de liaison autoroutière Toulouse-Castres a donné lieu a un débat public entre octobre et janvier dernier, et la CPDP (Commission particulière du débat public) instituée pour l’organiser vient de publier le compte-rendu des échanges.
Je me félicite de la fidélité avec laquelle ce document relate les débats. Il atteste particulièrement de la force des arguments développés par les partisans d’une alternative à l’autoroute, en relevant « l’expertise citoyenne » développée par les partisans d’une alternative au projet routier.
Malheureusement, l’Etat est jusqu’ici resté sourd à leurs demandes d’études complémentaires. Ce que le compte-rendu relève avec la même fidélité : « Le maître d’ouvrage aura donc à prendre une décision (…) au vu des multiples arguments divergents traduits par des demandes d’études complémentaires et d’expertises. » Alors que partout en Europe l’heure est à la remise en cause du tout routier, il faudra pourtant bien que le maître d’ouvrage examine les alternatives au projet actuel avant de prendre sa décision ! Car en l’état, la liaison routière envisagée serait une mauvaise solution à de vrais problèmes :
Elle ne remédierait pas aux difficultés économiques du Sud-Tarn. Depuis plusieurs années, les experts montrent qu’une autoroute ne crée pas d’emplois mais les déplace : des zones périphériques vers les échangeurs, des zones à faible dynamisme vers les pôles d’activité. En revanche, elle augmente la population, sans offrir aux collectivités les moyens de répondre aux nouveaux besoins d’équipements collectifs. D’ailleurs, le gain espéré de 1400 emplois grâce à l’autoroute, pour un gain de 15 000 habitants en 2025 est très relatif en termes de développement économique. Quant à l’attractivité commerciale, elle va toujours dans le sens de la « province » vers la métropole ; l’inverse n’est jamais vrai. Une autoroute viendrait accentuer le taux d’évasion commerciale dont souffre déjà la zone de Castres-Mazamet.
Elle ne ferait que renforcer notre dépendance aux ressources fossiles, en sacrifiant l’équité sociale pour une efficacité discutable. Alors que ces ressources sont appelées à fortement diminuer, le prix du carburant est de plus en plus fluctuant et imprévisible. Au coût de l’essence viendrait s’ajouter celui du péage. Pour un gain de temps dérisoire (estimé à 10 minutes), les usagers de l’autoroute s’acquitteraient d’un péage prohibitif à 14,50 euros l’aller-retour.
Face à ces incertitudes, la mise en place d’une navette ferroviaire Castres-Toulouse à cadencement rapide serait bien plus efficace. Et elle s’inscrirait en cohérence avec le PDU ambitieux dont s’est doté l’agglomération toulousaine. Il vise en effet la mise en oeuvre d’un réseau de transports collectifs, multimodaux, accessibles à tous, et en connexion avec les territoires limitrophes. Comment envisager un projet d’autoroute qui viendra faire concurrence aux efforts de la métropole pour favoriser l’usage des transports collectifs ?
A des fins purement politiciennes, le Président de la République vient d’organiser un enterrement de première classe pour la taxe carbone. Lorsqu’il rendra son avis en juin prochain, l’Etat serait plus inspiré de mettre enfin ses actes en conformité avec ses discours écolos, en renonçant à un projet d’un autre âge conçu pour des citoyens de seconde zone.
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