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La vie est en train de disparaître sur Terre mais, grâce à l’écologie politique, un autre avenir est possible
La vie est en train de disparaître sur Terre mais, grâce à l’écologie politique, un autre avenir est possible
Notre civilisation peut et doit opérer le grand virage qui revisite notre relation à notre milieu naturel.
« La Laîche est fanée près du lac, et nul oiseau ne chante. » – John Keats
Il y a près de 60 ans, Rachel Carson publiait Silent spring (« Printemps silencieux »). Cet ouvrage de référence démontrait les conséquences décisives de l’usage des pesticides sur les écosystèmes. La naturaliste américaine subira les affres des lobbies industriels pour avoir établit le lien entre l’usage de la chimie et la destruction de la biodiversité.
Plusieurs décennies plus tard, de nombreux rapports scientifiques récents témoignent à l’échelle de la planète de ce lien établi par Rachel Carson.
Le 27 octobre 2016, l’ONG World Wild Fund for Nature (WWF), en partenariat avec la société savante Zoological Society of London et l’ONG Global Footprint Network, publie une étude qui démontre qu’en 40 ans, plus de 50% de la population de vertébrés a disparu de la surface de la Terre. En octobre 2017, la revue PLoS One montre, à partir d’une étude internationale analysant les données de captures d’insectes en Allemagne, que plus de 80% des insectes ont disparus en Europe en 30 ans.
Au début du mois de mars de cette année, le WWF en partenariat avec un groupe d’experts du Tyndall Centre for Climate Change de l’Université d’East Anglia établit que dans le cas d’un réchauffement du climat de 4,5 degrés, 50% des espèces qui peuplent actuellement 35 régions identifiées comme étant particulièrement riches en biodiversité disparaîtront à l’horizon 2080. Dans le cas d’un réchauffement « contenu » à 2 degrés, conformément aux accords de Paris, ce serait 25% de ces espèces qui seraient condamnées à même échéance.
Ces causes qui conduisent à l’effondrement de la vie sur Terre ont un point d’origine: la prédation productiviste de l’Homme sur l’environnement, dictée par le culte de la croissance.Le 20 mars 2018, c’est une étude du CNRS et du Muséum national d’histoire naturelle qui relève qu’un tiers, en moyenne, des oiseaux ont disparu des campagnes françaises en 15 ans. Ce 24 mars, les experts de la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques nous alertent sur la détérioration rapide des sols à l’échelle de la planète. Le 11 avril, deux études parues dans la revue « Nature » valident ce que beaucoup d’expert·es craignaient depuis plusieurs années: le changement climatique et la fonte de la banquise ont pour effet l’affaiblissement des courants océaniques avec des conséquences supplémentaires sur le climat, mais aussi sur la biodiversité marine. La chute rapide des populations de plancton, de poissons et de mammifères marins, la disparition des coraux, la pollution par les plastiques et les produits chimiques comme le mercure et les PCB et l’augmentation rapide des populations humaines vivant sur les littoraux font progressivement des océans des zones de « non-vie ». Selon la fondation Ellen Mac Arthur, dès 2050 il y aura davantage de plastique dans les océans que de poisson. Ces études corroborent l’ensemble des indicateurs à notre disposition: la vie disparaît de notre planète. Et le rythme s’accélère. Les causes sont connues, identifiées, établies: utilisation et émission massive de produits chimiques et pétroliers par l’agriculture et l’industrie; disparition des zones naturelles et déforestation, artificialisation des sols et ruptures des continuités écologiques; réchauffement climatique rapide sans possibilité pour la faune et la flore de s’y adapter; prélèvement excessif sur les populations animales par les activités de pêche industrielles; activités minières irraisonnées qui détériorent et polluent de nombreux écosystèmes; explosion de la quantité de déchets produits par les humains. Ces causes qui conduisent à l’effondrement de la vie sur Terre ont un point d’origine: la prédation productiviste de l’Homme sur l’environnement, dictée par le culte de la croissance. Ce modèle dit « de développement » constitue une arme de destruction massive contre la Nature. Il est vertigineux de réaliser que les générations humaines actuelles ont la responsabilité décisive de stopper l’effondrement ou bien de le subir. Le sixième épisode d’extinction massif depuis l’apparition de la vie sur notre planète, le premier exclusivement dû à l’activité humaine, se déroule sous nos yeux. La génération dîtes des « millenium », née aux alentours des années 2000, pourrait être celle qui connaîtra les conséquences de la disparition massive du vivant actuellement en cours. Dès lors, la question politique majeure de notre temps est de savoir si notre civilisation décide de se donner les moyens d’enrayer à temps la fin de la vie, ou bien d’en être la victime. Face à la réalité de cet effondrement, les réponses politiques actuellement mises en oeuvre trahissent une forme de déni. Dans le film Spiderman, le grand-père du super-héros dit à son petit-fils: « de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités ». La capacité de nuisance de l’humanité sur la nature décuplée par la révolution industrielle et l’expansion d’un modèle productiviste orienté vers la promotion de la surconsommation matérielle et la mal-consommation alimentaire, nous oblige à proposer un nouveau modèle politique, économique, démocratique et social dont l’objectif est la reconquête de la vie. L’enjeu n’est pas de retrouver un prétendu « âge d’or » où la coexistence entre la Nature et l’humain était harmonieuse. Celui-ci n’a jamais existé. Ce qui a changé, ce sont les moyens « surhumains » qu’une technique sans éthique a mis à la disposition de l’humanité pour altérer les éléments indispensables à la vie: l’eau, l’air, la terre; tout comme elle exploite les ressources minières et les êtres vivants de la planète. Face à la réalité de cet effondrement, les réponses politiques actuellement mises en oeuvre trahissent une forme de déni. En France, les choix du gouvernement, qui soutient le projet de la montagne d’or en Guyane, autorise l’augmentation des importations d’huile de palme, fragilise la Loi littoral ou adopte une Loi alimentation et agriculture qui fait l’impasse sur le changement climatique, maintient l’usage du glyphosate et ignore la souffrance animale, en témoignent. Et pourtant… Un autre avenir est possible. Certes plus sobre, mais surtout plus heureux car plus solidaire et plus juste. Notre civilisation peut et doit opérer le grand virage qui revisite notre relation à notre milieu naturel. Celui-ci implique la protection de la biosphère comme boussole. Il implique la modification de nos modes de production et de consommation et donc la remise en question du culte de la croissance. Il implique une modification du droit international, européen et national avec l’introduction de la notion d' »écocide » et la généralisation du principe de précaution. Il implique une nouvelle relation aux animaux non-humains qui doivent être considérés comme des êtres sensibles. Il implique également une évolution des relations sociales par une modification de notre rapport à la « valeur » travail et une remise à plat de notre fonctionnement démocratique qui n’intègre pas aujourd’hui la question du temps long. Enfin, il implique une solidarité à l’échelle des territoires et à l’échelle de la planète pour un juste partage des ressources renouvelables. Ce grand virage, c’est celui de l’écologie politique. Le temps est venu d’agir avec cohérence et courage à toutes les échelles: du global au local. https://www.huffingtonpost.fr/david-cormand/la-vie-est-en-train-de-disparaitre-sur-terre-mais-grace-a-lecologie-politique-un-autre-avenir-est-possible_a_23501780/