Compte-rendu du débat avec Guillaume Gormand du 23 mars 2023
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Jeudi 23 mars 2023 nous recevions à la Maison des Écologistes Guillaume Gormand, docteur en administration publique, chercheur associé au CERDAP², IEP de Grenoble.
Nous étions une grosse vingtaine pour l’écouter exposer ses enquêtes sur le sujet, puis discuter avec lui et entre les présents.
Partie 1 – Retour sur 30 ans de développement de la vidéosurveillance
Guillaume Gormand a consacré la majeure partie de ses travaux académiques à l’étude de la vidéosurveillance et de sa place dans les politiques publiques de sécurité. Il les a menés sur deux terrains : à Montpellier, pour sa thèse de doctorat en 2017 avec la ville de Montpellier, puis autour de Grenoble, dans 4 communes situées en zone gendarmerie, pour le Centre de recherche de l’Ecole des officiers de la gendarmerie de Melun.
La vidéosurveillance, déployée depuis une trentaine d’années en France, semble bien établie
alors que les rares études scientifiques montrent une efficacité très relative du dispositif,
qui est soutenu plutôt par des préjugés sécuritaires peu rationnels. Les résultats montrent une efficacité faible en élucidation et quasi-nulle en dissuasion. Le seul usage relativement efficace est le soutien aux interventions sur le terrain.
D’un autre côté, l’efficacité se heurte souvent à des limitations techniques : durée de conservation, résolution et orientation des caméras, conditions d’éclairage insuffisantes et les coûts sont très souvent sous-estimés, aussi bien les frais cachés sous-estimés (raccordement réseau et énergie, maintenance, vandalisme) que les coûts de personnel pour assurer une surveillance permanente 24/7, ce qui amène en off certains professionnels à admettre une faible efficacité en regard des investissements.
Pour en savoir plus
- (AEF) Pour le chercheur Guillaume Gormand, « critiquer la vidéosurveillance, c’est s’attaquer à une religion »
- (Le Monde) Une étude commandée par les gendarmes montre la relative inefficacité de la vidéosurveillance
Partie 2 – Nouveaux horizons proposés par la loi JOP 2024
Aujourd’hui, à l’occasion de la loi Jeux Olympiques 2024, le gouvernement veut franchir un pas supplémentaire et autoriser des traitements automatisés massifs des images collectées, notamment l’analyse comportementale, le suivi d’individus ou éventuellement la reconnaissance faciale. La méthode est connue, la loi est modifiée pour un événement précis (comme ici) ou sous couvert d’expérimentation, puis elle est pérennisée, sans bilan critique ni retour en arrière possible.
Certaines collectivités ont déjà adopté, à la limite de la légalité, des équipements de vidéosurveillance automatisée. Il faut dire que sur le sujet les parlementaires comme les élus locaux sont soumis à la pression massive de divers industriels français, des grosses entreprises d’armement aux startups du numérique. La CNIL offre pour l’instant une sécurisation correcte de la vidéoverbalisation, où les dispositifs installés doivent être strictement limités à la reconnaissance des plaques d’immatriculation.
En revanche, selon Guillaume Gormand, aucune garantie n’est donnée sur l’adéquation de la vidéosurveillance automatisée aux besoins du service public de sécurité.
Pour en savoir plus
LQDN : Stratégies d’infiltration de la surveillance biométrique dans nos villes et nos vies
Épilogue
La loi JOP était votée par l’Assemblée Nationale le jour même de notre débat, le 23 mars et a depuis été définitivement adoptée le 12 avril avec le vote du Sénat.