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Les Sept Paroles du Christ en Croix furent mises en musique par de nombreux compositeurs. Deus meus, deus meus, ut quid dereliquisti me ? (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?) est celle énoncée dans l’Évangile selon St Marc. 2000 ans plus tard, c’est un autre Marc (Minkowski) qui s’autoproclame crucifié sur l’autel d’une municipalité de gauche citoyenne et écologiste Grenobloise. Il en perd cependant son latin en lançant invectives populistes et insultes dégradantes sur les ondes de France Musique (matinale du 14 janvier 2014).
Premier argument avancé : la politique doit être réservée aux professionnels. Si dans les équipes municipales précédentes, cela pouvait apparaître effectivement comme la norme, nous ne pouvons que nous féliciter que cela ne soit plus le cas avec la nouvelle majorité emmenée par Eric Piolle. Nous considérons en effet que la grave crise démocratique actuelle trouve ses racines dans la professionnalisation de la politique et le cumul des mandats, coupant les décideurs de leurs concitoyens. En outre, professionnalisme ou amateurisme ne présagent en rien de la qualité de la politique menée.
M. Minkowski évoque justement cette crise démocratique, faisant valoir que seul un Grenoblois sur cinq avait voté pour la municipalité actuelle. Cela peut apparaître exact mais c’est sensiblement la même proportion qui a porté au pouvoir les majorités passées ; ces mêmes majorités qui ont voté sans aucune réserve ni questionnement depuis 20 ans une des subventions culturelles les plus élevées de la ville de Grenoble, parfois au détriment d’autres structures pas moins méritantes. Nous renvoyons d’ailleurs M. Minkowski à la soirée du 30 mars 2014, qui est l’expression la plus flagrante d’un vaste soutien populaire grenoblois.
Ces simples arguments démontrent le profond mépris qu’a cet homme pour la nouvelle majorité, et à travers elle pour tous les Grenoblois. Ce mépris devient réellement choquant quand on entend le vocabulaire employé : « situation relevant de l’absurde, du psychiatrique », « municipalité vue comme un cadeau Bonux », « [absence de] raisonnement cérébral normal »… Cette outrance est d’autant plus grotesque que dans la même phrase, l’intéressé se défend de vouloir polémiquer et en appelle à la retenue en ces temps endeuillés.
A ce point, un rappel sur le fond s’impose : durant six ans, les précédents élus grenoblois du groupe « Ecologie et solidarité » votent contre la subvention aux Musiciens du Louvre pour une raison principale : l’absence de présentation comptable analytique claire, éléments très banals de nos jours. Il n’a jamais été question de renier la qualité artistique des intervenants (chef d’orchestre en tête) mais simplement de s’assurer que les fonds sont bien utilisés pour atteindre les objectifs de la convention (diffusion de la culture, ouverture vers des publics variés…). Une telle clarification en matière salariale ne serait pas non plus superflue. La simple évocation d’une rémunération annuelle de 53 000€ pour un chef d’orchestre présent quelques jours par an à Grenoble, puisque occupé par ses multiples casquettes (festival de Salzbourg, de l’Île de Ré…), laisse songeur. Et quand on sait que cette personne a qualifié la somme de « symbolique », il parait légitime de comprendre comment est utilisé l’argent public. Avec l’élection de la nouvelle municipalité en mars 2014, M. Minkowski devait bien imaginer qu’une discussion sur la pertinence de la subvention allait être engagée. Cela a été rapidement fait, comme cela a été confirmé par plusieurs élus. Mais aujourd’hui, M. Minkowski laisse entendre que l’annonce lui est parvenue par surprise début décembre, le prenant de court. Comment croire cela de la part d’un tel professionnel au vu du contexte ?
En fait, les choses s’éclairent, quand M. Minkowski met en relation la remise en cause de la subvention et la non reconduction du contrat Decaux, pour un montant de 600 000 € par an. En reprenant ce montant largement surévalué mais systématiquement utilisé par les oppositions PS et UMP, M. Minkowski tombe le masque : son courroux est politique. Tout comme est politique sa décision d’annuler des représentations à la MC2 (pourtant à guichets fermés). Au vu de la réserve financière actuelle de l’association (équivalente à sa subvention annuelle), annuler une représentation apparaît uniquement comme une mesure de rétorsion.
Avec un budget culturel du Conseil Général réduit de 35% en quatre ans, de nombreuses compagnies sont au bord du gouffre financier. La nouvelle municipalité a fait le choix de préserver la diversité et le dynamisme culturels à Grenoble en modulant suivant les besoins réels les baisses de subvention (baisses malheureusement rendues nécessaire par la baisse des dotations de l’État aux collectivités : -5 millions d’euros en 2015 pour Grenoble !). Cela est bien plus efficace que d’imputer une baisse globale à tous. Mais, cette préservation de la diversité n’est nullement contradictoire avec la défense de la musique baroque, puisqu’on peut saluer le maintien de la subvention à la salle de spectacle MC2 (où elle est souvent entendue), au conservatoire de musique, sans oublier évidemment le soutien en nature (salle de répétition, locaux) estimé à 105 000€ pour la formation de M. Minkowski.
Les Musiciens du Louvre ont souvent mis en musique avec bonheur la musique de Johann Sebastian Bach. En 1728, Bach composait la cantate funèbre BWV 244a pour le prince Leopold de Köthen, à la cour duquel il a officié comme Kappelmeister entre 1717 et 1723 et avec qui il avait développé une réelle proximité artistique. Le résultat récemment enregistré pour la première fois dans son intégralité est aussi brillant qu’émouvant. Il n’est pas sûr que la future alternance à la municipalité grenobloise (dans 5 ans? 11? 17? 23? qui sait?) n’inspire autant le chef des Musiciens du Louvre. Un talent, aussi grand soit-il, ne produit rien de bon quand entrent en ligne de compte méchanceté, vanité et rouerie politique.
Pour plus d’éléments sur ce dossier et la politique culturelle de la nouvelle municipalité, lire le communiqué de presse.