Karima Delli : Il faut anonymiser les demandes de HLM

Karima Delli est députée européenne pour le parti Europe Ecologie-Les Verts. Elle défend dans cette interview au journal Pote à Pote la lutte contre la discrimination au logement HLM et notre proposition d’anonymiser les demandes de logement social.

 

Sur ce sujet, voir aussi la tribune de Karima Delli dans Rue 89 : « Passer le logement social au Kärcher »

 

Pote à Pote : Pour contrer le phénomène de ghetto, et la ségrégation dans l’attribution de logement sociaux, la Fédération Nationale des Maisons des Potes propose d’anonymiser les demandes de HLM. Que pensez vous de cette proposition?

K.D. : Nous, les écologistes avons pleinement conscience des discriminations pour l’accès à un logement social. C’est pourquoi nous sommes le seul parti, depuis déjà plusieurs années, à porter comme vous l’idée dans notre programme présidentiel qu’il faut anonymiser les demandes, conformément à un rapport de 2001 du GELD.

Les organismes HLM sont en effet tiraillés par un conflit d’objectifs, qui les amène à jongler entre leur mission sociale d’accueil des plus démunis, et leurs contraintes de « bonne gestion », autrement dit de rentabilité de leur parc. Ces contraintes les conduisent à recourir à des pratiques qui sont largement orientées par un souci d’évitement des « groupes à risques », parfois au nom même de ladite mixité sociale voire « ethnique » qui est devenue trop souvent un critère implicite dans la politique d’attribution de ces logements. Cela consiste en une gestion fine des attributions où les « groupes à risques » sont définis selon des critères de « classe » (chômeurs, RMIstes, familles monoparentales, etc.), mais aussi ethniques (Maghrébins, Comoriens, Gitans, etc.) et dont la concentration ne doit pas dépasser un « seuil de tolérance ». Ces pratiques sont tout bonnement scandaleuses ! Puisque les pratiques d’attribution sont circonscrites à l’échelle communale, les critères varient  d’attribution étant souvent issue d’un rapport de force entre collectivités et bailleurs sociaux. C’est pourquoi nous plaidons pour une décision à l’échelle de l’intercommunalité pour gagner en cohérence territoriale et en indépendance dans la prise de décision.

L’anonymisation des demandes n’est donc qu’une partie de la solution. Nous savons tous que les critères et les procédures d’attribution des logements locatifs sociaux manquent cruellement de transparence. Si on la compare au reste de l’Europe, la France, en matière de lisibilité des critères d’accès, fait figure de mouton noir en l’absence de critères légaux de priorité et d’obligation de classement par système de points, ajoutée à la juxtaposition des filières spécifiques d’attribution. C’est pourquoi nous défendons un système de cotation par points comme il en existe dans de nombreux autres pays européens pour classer par ordre de priorité les demandes. Nous appelons également à plus de clarté et à une meilleure coordination entre les différents organismes bénéficiaires de réservations conventionnelles en tenant compte des demandeurs DALO.

Enfin, vous faites allusion à la mixité sociale dont la définition juridique n’existe pas. La question de la mixité sociale n’est trop souvent posée qu’à l’échelle des quartiers sensibles (il n’y a pas de programmes d’aide à la mobilité pour l’installation de ménages pauvres dans les quartiers riches), et sert d’argument majeur pour refuser l’accès au logement social aux ménages jugés indésirables. Son injonction sous-tend l’idée que les classes moyennes constituent une garantie de la valeur et de l’image du parc social – leur présence est plus rentable pour les bailleurs sociaux – et que les locataires actuels des quartiers d’habitat social sont les responsables de la désaffection du patrimoine immobilier. Je crois qu’il est grand temps que cette question de mixité sociale fasse l’objet d’un débat clair et transparent. En mettant en œuvre un programme colossal qu’est le programme national de rénovation urbaine, qui ne garantit pas cette « mixité » dans les quartiers et qui a réduit le parc de logement social malgré les besoins accrus, on en oublie qu’il faut renforcer les sanctions à l’encontre des communes qui refusent d’appliquer le quota de logements sociaux sur leur territoire en vertu de la loi SRU. Nous, les écologistes, en plus d’une mise au clair des procédures et des critères d’attribution dans le logement social, nous plaidons pour une obligation de construire 25% de logements sociaux par commune de plus de 3500 habitants et 30% en Ile-de- France où le marché est le plus tendu. Parce que le principe de mixité sociale n’est pas celui du « not in my backyard » ! («pas de ça chez moi», ndlr)

 

Propos recueillis par Julien Vanhée

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