DécouVerte du Vieux-Lille le samedi 16 juin
Samedi 16 juin 2018 à 14 h 30, plus de 70 personnes se rassemblent rue des Canonniers, face à la rue du Vieux-Faubourg pour cette DécouVerte du Vieux-Lille emmenée par Dominique Plancke qui est accompagné cette fois de Julien Tabareau, conseiller de quartier EELV du Vieux-Lille et de Stéphane Baly et Jérémie Crépel, conseillers municipaux EELV.
Dominique Plancke précise que la visite d’aujourd’hui ne se veut pas une classique visite historique du Vieux-Lille, mais une visite avec un regard écolo, qui reviendra sur les évolutions du Vieux Lille depuis 40 ans et sur les projets qui vont encore modifier le quartier dans les années à venir, comme le déménagement du Rectorat, celui du Palais de Justice, ou le changement d’affectation de l’usine élévatoire. Si depuis 40 ans la prise de conscience de l’intérêt historique et patrimonial du Vieux Lille et la création du secteur sauvegardé ont permis de sauver une grande partie du patrimoine bâti, elles ont entraîné un changement complet de population.
Nous sommes donc rue des Canonniers, sur le seul tronçon réalisé de la percée de la Treille, cet anneau routier qui était projeté autour de l’hypercentre dans les années 1970, pour « adapter la ville à la voiture », et qui devait emprunter la rue des Canonniers, la place de la Gare, la rue du Molinel, le boulevard de la Liberté, la rue de Tenremonde, la rue Thiers, l’emplacement du canal de Weppes, contourner la Treille, traverser la Place Louise de Bettignies pour aboutir rue St Jacques avant de revenir rue des Canonniers. Le projet n’a été définitivement retiré des documents d’urbanisme que dans les toutes dernières années du siècle dernier.
Le quartier que nous allons arpenter aujourd’hui a la particularité d’avoir été quadrillé de petits canaux qui ont finalement tous été recouverts et d’avoir accueilli d’innombrables congrégations religieuses, qui pour beaucoup l’ont quitté à la Révolution.
Nous traversons le boulevard Carnot qui marque l’entrée du Grand Boulevard réalisé en 1909 entre Lille, Marcq en Baroeul, Roubaix et Tourcoing. Transformé au cours des décennies en tuyau à voitures, il devait ici être requalifié pour en faire une entrée de ville plus urbaine et apaisée, mais le projet est à nouveau reporté à des jours meilleurs.
Le nom de la rue des Jardins rappelle qu’il a existé ici un jardin botanique créé par Lestiboudois père et fils en 1798. L’hôtel d’Avelin, qui a longtemps abrité la résidence du recteur, affiche aujourd’hui une triste mine : le parc a été rasé par le promoteur qui l’a acheté à la ville il y a 4 ans et le bâtiment continue à se dégrader.
Un nouveau jardin pour le Vieux-Lille ?
Notre important cortège arrive rue St Jacques devant l’entrée du rectorat, qui doit déménager début 2009 rue de Bavay, près de la Porte de Valenciennes. Entre l’hôtel d’Avelin et la « tour » qui abrite les services de l’éducation nationale coulait le canal des Soeurs-Noires, d’une longueur de 285m. Son nom venait de la couleur des vêtements des sœurs Augustines (en robe noire serrée avec une ceinture en cuir), ,qui s’installèrent en 1327 entre l’actuel boulevard Carnot et la rue de Roubaix. Sous la Révolution, leur couvent fut vendu en 1797. Le jardin menant au canal, qui est aujourd’hui transformé en parking face au rectorat comportait un élégant débarcadère, et d’un abreuvoir qui disparurent dans les années 1960. C’est suite à une épidémie de choléra en 1849 que ce canal ainsi que celui des Vieux-Hommes furent couverts.
Juché sur les grilles du rectorat (ce qui n’a pas manqué d’inquiéter le personnel de sécurité !), Julien Tabareau, conseiller de quartier du Vieux-Lille nous explique le projet qu’il défend avec sa collègue Florence Lallemand, d’un parc qui réunirait l’actuel petit square du boulevard Carnot, à l’angle de la rue des Arts à la Place aux Bleuets, sur l’emplacement de la tour du Rectorat et de ses actuels parkings. Le parking de gauche (l’ancien square Lestiboudois) compte quelques beaux arbres et permet d’admirer de très belles façades arrières de maisons de la rue des Tours, qui sont protégées au titre des monuments historiques. Le n°10 est aussi la maison natale d’Edouard Lalo.
La rue des Tours correspond aux fortifications du château de Courtrai, fondé par Philippe Le Bel (1298-1339), quelques mois après le siège de Lille, qui voit la victoire des Français sur le comte de Flandre, Guy de Dampierre. Le château est démantelé à partir de 1577 et l’ensemble de ses fortifications sera abattu à partir de 1617, avec la construction de la nouvelle enceinte entre Porte de Gand et Porte de Roubaix. Récemment la construction du nouvel immeuble rue St Joseph à l’angle de l’avenue du Peuple Belge a permis de découvrir de nouveaux vestiges du château.
L’avenue du Peuple-Belge, c’est très moche…
A la place du parking, avenue du Peuple Belge, il y avait l’un des deux ports de Lille, l’autre étant au Quai du Wault. Les canaux de la ville ont été rebouchés pour cause d’insalubrité à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Le canal de la Basse-Deûle qui coulait à la place de l’avenue du Peuple Belge a été comblé entre 1929 et 1953. Il n’en reste comme témoins que des éléments des quais de grès devant l’IAE et le Pont-Neuf.
Le projet de remise en eau de l’avenue du Peuple Belge depuis La Madeleine jusqu’au Pont Maudit a été abandonné en 2011. Aujourd’hui le site de l’ancien canal est constitué de bric et de broc, la promenade à pied n’y est pas confortable. La voiture y reste privilégiée, la construction du parking souterrain n’a pas empêché le maintien de parkings en surface. Bref, c’est très moche… Stéphane Baly nous explique le travail réalisé par l’association Axe Culture avec un appel à projets , qui a fait l’objet d’une publication, dont il serait bien que la MEL et la Ville s’inspire.
Le Palais de Justice, propriété du Conseil départemental, va être reconstruit sur la plaine Winston Churchill, à la limite de la Madeleine. Nous en avons parlé et dit tout le mal que nous en pensions lors d’une précédente découVerte cet hiver. Pour l’instant l’avenir de l’immeuble actuel, construit par Willerval, n’est pas écrit.
Des religieuses aux HLM en passant par l’usine
Par la rue des Bonnes Rappes, nous rejoignons la rue des Célestines, du nom d’un couvent de religieuses installées là en 1628, sur les terrains libérés après le démantèlement du château. La salle municipale des Célestines témoigne du passé industriel du quartier : c’est ce qui reste de l’ancienne usine Descamps. La cave voûtée a été utilisée comme magasin d’usine jusqu’à la fin des années 1970. La rue des Célestines accueille aujourd’hui l’école Lamartine et des logements HLM qui ont permis de garder dans ce quartier des habitants que la flambée de l’immobilier faisaient fuir.
«Un certain immobilier lillois, où le truand côtoie le fonctionnaire, le policier, voire le magistrat».
Par la Place et la rue du Gard, nous gagnons la Rue des Pénitentes (couvent des Pénitentes C créé en 1627 et démoli sous la révolution en 1797). Au 23-25, notre groupe s’arrête devant un bel immeuble en briques entouré de palissades. Construit en 1909, ce qui a sans doute été le premier habitat à bon marché collectif de la ville de Lille, a été transformé en appartements haut de gamme en 1995. Mais en 1999 un début d’effondrement amène la ville à prendre un arrêté de péril et à évacuer en urgence les habitants. Depuis l’immeuble défraie la chronique judiciaire y compris dans la presse nationale avec Libé qui en 2002 cite un procureur lillois qui parle d’«un certain immobilier lillois, où le truand côtoie le fonctionnaire, le policier, voire le magistrat». Depuis, malgré de nombreux rebondissements l’immeuble est toujours vide. Il devait être vendu aux enchères le 6 juin dernier, mais à la dernière minute la vente a été annulée. 20 ans après le feuilleton va continuer.
A gauche l’herbe pousse entre les pavés de la toute petite rue St François, du nom du couvent des religieuses de St François de Salles, fondé en 1677 et fermé en 1792.
Par la rue du Pont-Neuf nous rejoignons ce pont et descendons sur l’avenue, face à la Halle aux sucres. Entre la rue des Bateliers et la rue de la Halle, se trouve encore sous nos pieds le Pont Maudit, que nous franchissons donc pour faire face à la majestueuse façade de l’ancien l’Hospice Général
Le scandale des « mouroirs à vieux »
Construit en 1738 par Vigné de Vrigny selon la volonté de Louis XIV, cet hospice est un bel exemple du style classique au XVIIIe siècle, largement introduit à Lille par Thomas Gombert (l’architecte de la Grand Garde qui abrite le Théâtre du Nord sur la Grand Place) et surtout Lequeux (l’architecte de l’hôtel d’Avelin). Cette très longue façade est à peine rompue par l’avancée qui en signale le centre et l’entrée. La cour intérieure, entourée d’arcades, reprend l’ordonnancement extérieur. La façade, et l’aile gauche ont été restaurées, et abritent l’IAE. Le bâtiment arrière et l’aile droite menacent toujours ruine.
En 1973, une campagne menée par Les Petits Frères des Pauvres et la publication par Le Point d’un article « le scandale des mouroirs à vieux » sur les conditions de vie des pensionnaires de l’Hospice Général provoqua un scandale national , qui amena la fermeture immédiate de l’Hospice.
L’emplacement du canal est aujourd’hui planté de beaux arbres, qui, s’ils ne permettent pas de bien voir toute la façade de l’ancien Hospice, constituent un espace de fraîcheur et de respiration indispensable dans une ville qui en est fort dépourvue.
Quel avenir pour l’usine élévatoire de la rue du Bastion du Meunier (ex rue Ampère)
La MEL qui en est propriétaire a engagé la mise en vente sur la base d’une mise en concurrence, en vue d’une reconversion du site. Les dossiers devaient être déposés avant le 18 juin 2018 à midi. La construction de ce qui est souvent décrit comme l’usine élévatoire de Saint-André, à Lille, avait marqué l’achèvement du canal de Roubaix. L’usine, construite en 1876 par les ingénieurs des Voies Navigables, sur les terrains des anciennes fortifications est particulièrement remarquable par la qualité du traitement architectural des volumes et façades, qui évoquent l’architecture romane, et sa structure intérieure en fonte. L’eau était ici pompée dans la Deûle pour être envoyée plus de 10 kms plus loin par des canalisations souterraines pour alimenter le Canal de Roubaix (la rue des Eaux, sous laquelle passe ces canalisations, à la limite de Lille et de Marcq en est un témoignage). L’ensemble des bâtiments de l’usine, y compris le mur de clôture et la rigole d’assèchement a été inscrit monument historique en 1999.
Les quais à sec de Disneyland
Nous traversons ce qui devrait être appelé « Les Quais du Vieux-Lille », le nom officiel du quartier qui a été construit sur un peu plus de 5 hectares après la démolition des abattoirs en 1994. Mais dans les faits, on l’appelle le quartier des abattoirs ou Disneyland, parce que l’architecture colorée évoque pour certains les façades artificielles d’un parc d’attractions. Les bassins restent vides, exemple typique d’une fausse bonne idée : pour évoquer les quais des anciens canaux l’architecte avait imaginé de construire des bassins, avec même une petite passerelle. Mais l’entretien (très coûteux) de tout ça étant à la charge de la propriété, tout s’est vite arrêté.
De l’autre côté de la rue St Sébastien, on ne sait ce que va devenir le site de l’institution Ste-Marie qui fermera ses portes à la fin de l’années scolaire. En 1827 des religieuses achètent le bâtiment et le transforment en orphelinat et école . En 1928 l’école s’agrandit pour y ériger un internat et en 1950 les externes sont aussi accueillis. Les parents d’élèves se sont mobilisés sans résultat cette année pour empêcher la fermeture de cet établissement qui remplit une vocation sociale importante sans équivalent dans la métropole.
Archéologie, chauffage urbain et vélo
En passant devant la maison natale du Général de Gaulle, nous arrivons à l’intersection de la rue Princesse et de la rue de St André. Une énorme tranchée éventre la rue Princesse. Stéphane Baly nous explique qu’il s’agit de l’extension du réseau de chaleur, qui via le lycée Pasteur et le Grand Boulevard va se connecter au centre de valorisation énergétique d’Halluin (l’usine d’incinération des ordures ménagères), dont la chaleur va servir à produire de l’eau chaude qui chauffera de nombreux bâtiments publics et privés, en complément de la centrale de chauffe du Mont de Terre. Anne Mikolajcszak, adjointe au Maire en charge du vélo en profite pour expliquer qu’une fois la tranchée rebouchée, la rue va être refaite et mise à double sens cyclable. Enfin Dominique Plancke explique que les travaux en cours sont surveillés par un archéologue de l’INRAP, qui a trouvé quelques éléments du 13 ème et du 15 ème siècles : fondations, pièces de monnaie et de céramique. Nous sommes ici sur un faubourg qui était situé au delà de l’enceinte de la Porte St Pierre, située à l’angle de la rue Négrier. Dominique Plancke a alerté la Voix du Nord qui va en rendre compte prochainement.
EELV réclame un plan arbres pour Lille
Après un petit détour par l’étroit passage des 3 anguilles, où notre groupe se distend avant de rejoindre la Place aux Archives puis la rue de Collégiale, notre arrivée sur la Place du Concert permet d’évoquer la question de l’arbre en ville. Cette place qui a été verdoyante, avec une double rangée d’arbres, le monument au Maire André et un kiosque à musique, a aujourd’hui triste mine avec ses quelques arbres épars. Le groupe EELV de Lille s’inquiète de la disparition massive des arbres dans une ville où le nombre de mètres carrés d’espaces verts par habitant est déjà très faible. Dans les projets publics ou privés, l’arbre semble être devenu une variable d’ajustement, alors que sa valeur sur le plan du paysage, de la santé et du climat est irremplaçable. Les écologistes réclament un Plan arbres pour Lille.
Un quartier à l’attrait touristique indéniable, mais dont les classes populaires ont été chassées.
Notre passage sur quelques dizaines de mètres par la rue de la Monnaie au milieu des nombreux badauds est fatale à une partie du groupe qui s’égare alors que nous rejoignons la Place aux Oignons et la rue des Vieux Murs, qui étaient en ruine en 1980 avant qu’une restauration/reconstruction leur donne leur apparence d’aujourd’hui. Mais la population ouvrière a disparu, même s’il y a quelques logements HLM. Rue des 3 mollettes, les ateliers d’artistes à l’entrée à droite du Jardin du refuge de l’Abbaye de Loos sont une réminiscence d’un célèbre squat ouvert sur ce site entre 77 et 81.
Face à la Cathédrale de la Treille, nous empruntons la rue du canal de Weppes (en frémissant à l’idée que c’était là que devait passer la percée routière de la Treille dont nous avons parlé rue des Canonniers), rejoignons la rue Thiers en jetant un œil à la façade du Temple Maçonnique, œuvre d’Albert Baert, qui a également construit la Piscine de Roubaix et à la façade de l’ancien siège des Mines de Lens au numéro 30. Les deux façades sont protégées au titre des monuments historiques.
En longeant le Nouveau Siècle, qui permet aux plus anciens d’évoquer avec émotion le Diplodocus et Jean-paul Belmondo, nous rejoignons la Place Rihour, terme de notre découVerte du jour, à 17 h avec 15 minutes de retard sur l’horaire prévu. Ce qui vu la taille du groupe est raisonnable !
La prochaine DécouVerte aura lieu le samedi 18 août à 14 h 30.
© photos : Philippe Lagatie, Marc Santré, Dominique Plancke
Merci pour ce compte rendu très complet et pour l’organisation de ces visites qui permettent toujours de belles décou’vertes
Très intéressant ! Bravo Dominique 👏🏻
Merci beaucoup Dominique.
Très belle DécouVerte du Vieux Lille que je ne pensais pas aussi intéressant.
Le compte rendu est super et va me permettre d’en parler autour de moi.
Merci encore et au 18 août à 14H30
Bonsoir.
Grand merci pour ce rapport documenté qui retrace bien notre visite ensoleillée du samedi 16 Juin.
Alain
C’était pour moi la première fois que je venais, et j’ai beaucoup apprécié cette promenade/découVerte. Très bien animée,instructive et ensoleillée. Ce compte-rendu est très bien fait.
Je ne sais pas où je peux voir les autres photos.
Grand merci pour tout.
Marie