Compte rendu de la DécouVerte d’Euralille du samedi 12 août 2017
Sous un ciel menaçant, ce sont 48 personnes qui se regroupent à 14 h 30 autour de Dominique Plancke à la sortie de la station de métro de la Porte de Valenciennes pour cette traditionnelle découVerte d’Euralille de la mi-août proposée par le groupe EELV de Lille, qui nous mènera jusqu’à Lille-Flandres.
Petit rappel historique avant de commencer la balade
C’est l’annonce à la fin des années 80 de l’arrivée du TGV à Lille qui provoque la création d’un nouveau quartier, d’abord dénommé le Centre International des Gares. Une société d’économie mixte chargée de l’aménagement de cette ZAC de 90 hectares à cheval sur Lille et La Madeleine, Euralille, est créée, présidée par Pierre Mauroy. Devenue société publique locale, on lui confie ensuite en 2000 la ZAC Euralille 2 pour aménager la zone de 22 hectares qui comprend aujourd’hui le siège du Conseil régional, le Bois Habité et le triangle où s’élève le Rectorat. En 2006 ses mission s’étendent à la ZAC de la Porte de Valenciennes sur une superficie 16 hectares. Aujourd’hui la SPL est aussi missionnée sur l’aménagement de la friche St Sauveur. Les trois ZAC s’alignent sur plus de deux kilomètres en un long ruban à l’emplacement des anciennes fortifications de la ville, resté inconstructible jusque 1985.
La balade d’aujourd’hui commence au pied de la tour Clémenceau, témoin isolé des immeubles de logements HLM de la reconstruction après la deuxième guerre mondiale. 6 immeubles au nom évocateur de la première guerre mondiale comptant au total 346 logements sociaux ont été démolis aux abords de cette tour depuis 2005 : les immeubles Somme et Marne, le petit et le grand Verdun et enfin le petit et le grand Clémenceau.
La Porte de Valenciennes était l’une des portes qui donnait accès à la ville dans les remparts construits au 19ème siècle, après l’agrandissement de la ville en 1858. Il est difficile de reconstituer aujourd’hui le paysage urbain tel qu’il était il y a 10 ans : les voiries ont été détournées, avec le raccordement direct du boulevard Painlevé au boulevard de Belfort, le prolongement de la rue de Cambrai, et le nouveau tracé de l’avenue Cordonnier.
Un nouveau quartier entre Fives et Moulins
De nouveaux immeubles de logements au nom d’une banalité affligeante (Lux, Métropolis…) viennent maintenant s’accrocher au boulevard entre l’Onera et la tour Clémenceau. Quand elle sera achevée, la ZAC de la Porte de Valenciennes doit compter 1000 logements, dont 30% de logements sociaux, 9000 mètres carrés de bureaux, 7500 mètres carrés de commerces et d’activités, et des équipements publics. Les commerces tardent à s’installer. Pour l’instant seul un livreur de pizzas annonce son arrivée prochaine.
Creusé sous le viaduc du métro, un skate (et vélo) park coloré, en cours de construction il y a un an; est maintenant en service. C’était l’une des propositions de la liste écologiste conduite par Lise Daleux lors des municipales de 2014 que de transformer les espaces informes situés sous le viaduc en jardins ou espaces de loisirs.
Sur le terrain aujourd’hui en friche derrière les palissades colorées, entre la Place Guy de Dampierre et le nouveau boulevard, doivent en principe trouver place dans les prochaines années de nouveaux logements et des commerces, le siège de Partenord, une école, et un foyer de jeunes travailleurs de 167 chambres qui fait partie des projets retenus par l’ADIVbois pour la réalisation d’immeubles en bois dans 23 villes de France.
Si les anciennes résidences HLM portaient le nom de batailles de la première guerre mondiale, ce sont bien des soldats allemands qui occupaient Lille pendant la seconde guerre qui ont gravé leur nom en 1941 sur des briques d’un mur d’une ancienne usine. 76 ans après, ces traces s’effacent peu à peu.
Arrivés rue de Cambrai, nous découvrons face à nous la friche de l’ancienne gare de marchandises de St Sauveur, désaffectée depuis le transfert de ses activités sur la plate-forme multimodale de Dourges il y a plus de 10 ans.
Un projet archaïque et dépassé ?
Le groupe EELV de Lille estime que le projet d’aménagement de cette friche présenté en 2013 est aujourd’hui archaïque et dépassé. S’ils sont favorables à une ville dense, qui n’empiète pas sur les terres agricoles, les écologistes lillois défendent aussi une ville verte, avec plus d’espaces de respiration et de rencontres. Aujourd’hui la densité d’espaces verts par habitant est insuffisante à Lille. Le projet Gehl, qui prévoit 2500 logements sur la friche St Sauveur, va encore faire baisser le ratio de mètres carrés d’espace vert par habitant. Ce n’est pas acceptable et c’est incohérent quand on prétend défendre les engagements de la COP 21 et lutter contre le réchauffement climatique.
EELV demande aussi que soient entendues les expressions comme celles du collectif « Fête la friche » qui plaide pour des expérimentations et des utilisations provisoires du site. Un container décoré « la belle vénère » accueille les curieux à l’entrée de la friche. La municipalité ne doit pas non plus mépriser la pétition « Lille étouffe » qui réclame plus d’espaces verts.
Dominique Plancke raconte aussi comment un tour de passe-passe a fait passer le Belvédère sur lequel nous grimpons de la ZAC de Porte de Valenciennes, où il est toujours présenté comme un « poumon vert » sur le site internet de la SPL Euralille, à la ZAC de St Sauveur, où il est devenu une réserve foncière sur lequel la MEL et la Ville veulent construire une piscine olympique qui doit remplacer celle de Marx Dormoy.
Alors qu’une petite pluie commence à tomber, le groupe se rassemble devant la spectaculaire maison Stéphane Hessel ouverte depuis l’automne 2015, qui abrite l’Auberge de Jeunesse, la maison de l’économie sociale et solidaire et un équipement d’accueil de la petite enfance.
Notre guide rappelle que pendant l’entre deux guerres la municipalité lilloise avait imaginé un vaste programme d’équipements sur ce secteur depuis la cité administrative jusqu’au Jardin des plantes : résidences universitaires, Foire Internationale de Lille, institut de mécanique des fluides (devenu l’Onera), école de plein air, observatoire astronomique, jardin des plantes et même l’institut de médecine légale. La maison Stéphane Hessel s’inscrit dans cette histoire. Un regret : l’absence d’anticipation de l’aménageur qui n’a pas prévu de stationnement pour les nombreux autocars qui amènent les groupes à l’Auberge et qui stationnent en mordant sur les bandes cyclables.
Dans les interstices de la ville se cache la misère
Souvent invisibles pour les passants pressés, plus de 200 personnes vivent aujourd’hui dans des conditions précaires et insalubres aux abords de notre balade. Dans la friche St Sauveur, derrière la halle A, ce sont plus de 40 tentes qui hébergent de jeunes migrants en provenance d’Afrique .
Sous le pont entre le Boulevard Painlevé et l’avenue Hoover, mais aussi sur la coursive Willy Brandt et sur les escaliers de secours du Tri Postal des tentes, des cartons et des sacs de couchage témoignent qu’ici survivent des SDF. Et entre la rue de Bavay et l’avenue Cordonnier, des cabanes et des caravanes en piteux abritent plus de 120 personnes Roms roumaines, dont de nombreux enfants. Le 7 juillet dernier un violent incendie a détruit 4 de ces cabanes sans faire heureusement de victime. Dès le lendemain les familles ont recommencé à bâtir de nouvelles cabanes juste à côté.
Le Bois Habité
Passé le pont qui enjambait les voies ferrées qui desservaient la gare St Sauveur, nous quittons la zac de la Porte de Valenciennes pour rejoindre la Zac Euralille 2.Rue de Bavay, derrière l’immeuble du CNFPT, l’immeuble du Rectorat aujourd’hui en chantier abritera l’an prochain les 800 agents qui travaillent aujourd’hui dans les locaux de la rue St Jacques, mais aussi ceux qui travaillent dans l’immeuble de l’inspection académique de la rue Claude Bernard.
La pluie s’incruste quand notre groupe pénètre dans le Bois Habité, que nous traversons donc plutôt rapidement. Dans ce petit quartier, les arbres ont enfin pris de l’ampleur. Devant certaines façades, les branches se font même envahissantes, ce qui pose la question du choix des essences plantées. Ce quartier est plutôt calme, les immeubles de bureaux constituent un écran efficace contre le bruit des voies routières qui l’entourent. La mixité des immeubles et des espaces verts privés, publics et semi-publics semble fonctionner. Les commerces longtemps attendus par les premiers habitants se sont installés en pied d’immeuble côté boulevard Hoover. Mais il n’y a plus d’association d’habitants.
L’agence du médicament sur le champ libre en 2019 ?
Passé le siège du Conseil Régional des Hauts de France, qui accueille 1500 agents sur les 9000 qu’emploie l’institution (6000 travaillent au sein des lycées et 800 dans les ports de Boulogne et Calais, les autres sont à Amiens et sur différents sites de la région), nous nous arrêtons devant le « champ libre », espace en friche entre la Région et Lille Grand Palais à la limite des Zac Euralille et Euralille 2.
C’est sur ce terrain que doit s’élever l’Agence Européenne du Médicament, si la candidature de Lille est retenue parmi 13 villes. Le Brexit va en effet entraîner le rapatriement de cette agence qui emploie 900 personnes sur le continent. La France a présenté la candidature de Lille avec un projet d’immeuble qui devra être construit en 18 mois. Le choix de la ville qui accueillera l’Agence du Médicament doit être fait le 20 novembre. La tour sur la photo est une option pour un hôtel. L’Etat a indiqué qu’il était prêt à mettre à disposition toute la Cité Administrative en cas d’urgence.
Tel qu’il apparaît aujourd’hui, l’ensemble Agence + hôtel semble compromettre l’extension de Lille Grand Palais qui est dans les tuyaux depuis une quinzaine d’années et qui permettrait d’accueillir de très grands salons, ce que ne permet pas le Grand Palais actuel. La gestion de LGP doit être réattribuée à la fin de cette année, soit à l’opérateur actuel (une SEM dont la ville est partie prenante), soit au groupe GL events. Mais dans la délégation de service public, l’extension n’est pas un critère obligatoire.
Du Pont de Flandres, nous apercevons dans la grisaille l’immeuble EKLA en construction, aux limites de Fives, au delà du périphérique. Cette nouvelle réalisation, à l’emplacement de l’ancien château de Fives dont les , se compose de 15.000m² de bureaux dans l’immeuble plus bas en bordure du périphérique, et de 127 logements dans une tour de 17 étages avec des commerces en pied d’immeuble. Il est prévu qu’elle soit livrée fin 2018.
Derrière le Casino, le Parc des Dondaines s’est étendu l’an passé en absorbant le terrain situé au dessus du TGV. Les animaux de la Ferme ont gagné de nouvelles pâtures et les promeneurs de nouveaux espaces plantés plutôt agréables malgré la présence du périphérique quelques mètres plus bas.
Par la coursive Willy Brandt du deuxième niveau, qui borde le centre commercial, nous rejoignons la Place des Buisses, en prenant les escaliers métalliques (l’ascenseur est comme d’habitude en panne). Nous avons de là une vue étonnante sur les faisceaux des voies de la gare et sur le centre.
On aperçoit aussi l’arrière d’un nouvel immeuble du nom de « Conex » qui a été construit cette année rue de Tournai, avec une façade en lamelles métalliques plutôt sombre et l’ensemble est plutôt « lourd », peu élégant. Le parking a vélos de grand capacité qui était sur ce site avant la construction de l’immeuble va être réinstallé au rez de chaussée.
Euralille 3000
Un projet a été engagé par la SPL Euralille pour « revisiter » la première zac d’Euralille entre les gares. Pour le densifier du côté « Ilot St Maurice », rue du Luxembourg et pour tenter de le rendre plus vivant en dehors des horaires de travail et des arrivées de TGV. L’accès à la gare par le boulevard de Turin devrait être revu avec un parvis. Il faudra en profiter pour trouver une solution pour l’accueil des passagers des bus « macron » qui aujourd’hui s’arrêtent dans des conditions « low-cost ».
Ce projet « Euralille 3000 » a démarré avec l’opération Swam (grotesque déformation anglo-saxonne à des fins commerciales de Souham, maréchal dont l’ancienne caserne située à côté porte le nom). Cet immeuble qui sort de terre au bord du Parc Matisse accueillera des bureaux, mais aussi de nouveaux commerces (en principe pas les mêmes qu’en face), et des restaurants, dont un restaurant gastronomique et panoramique. Le nouvel immeuble sera doté d’une promenade reprenant le tracé des anciens remparts du bastion situé devant la Porte de Roubaix, témoin de l’enceinte espagnole du 17ème siècle. L’architecte a du s’adapter aux éléments archéologiques de l’ancien Faubourg des Reignaux découverts l’an passé sur le site.
La balade s’achève à 16 h 35, à l’entrée du centre commercial (dans les effluves de cannabis…)
Prochaine DécouVerte samedi 14 octobre à 14 h 30.
Photos Julien Dubois, Dominique Plancke, SPL Euralille et MEL