DécouVerte d’Esquermes avec EELV Lille – le samedi 17 décembre 2016
C’est un groupe important de 45 personnes qui se rassemble dans une atmosphère très humide devant l’ancien Consulat d’Italie, Place Cormontaigne pour la DécouVerte d’Esquermes proposée par le groupe EELV de Lille.
Dominique Plancke, notre guide habituel, rend d’abord hommage à Christiane Bailleul, disparue en juillet 2015, ancienne professeur de français au collège Mme de Stael, et qui a souvent participé à nos Découvertes. Amoureuse de son quartier, elle en connaissait tout et publiait chaque jour un billet sur son blog consacré à Esquermes, blog malheureusement inaccessible depuis quelques semaines.
Au milieu du 19ème, un gros bourg avec de nombreux hameaux, dans une campagne marécageuse.
Au moment de son rattachement à Lille par décret impérial en 1858, Esquermes était un gros village de 3500 habitants qui comprenait plusieurs hameaux au delà du périmètre actuel du quartier : le Faubourg de Béthune, le Faubourg des Postes, les Bois-Blancs, Canteleu, et une partie du Wazemmes actuel. Vauban était en revanche un hameau de Wazemmes. Les habitants d’Esquermes ont longtemps manifesté une vive hostilité à l’absorption de leur commune par Lille.
Sur le territoire que nous allons parcourir aujourd’hui, les innombrables bras de l’Arbonnoise et du Fourchon sillonnaient une campagne marécageuse. Et il y avait de grandes propriétés avec des châteaux, (la Haute Anglée, la Haye d’Esquermes, la Belle Promenade). Après le rattachement à Lille, l’espace est profondément bouleversé, quand il est traversé par les nouvelles fortifications qui entourent le Lille agrandi (à l’emplacement du Boulevard de la Moselle actuel). Les cultures ont perduré quelque temps mais l’industrie en plein essor les a inexorablement conquises. Des tanneries, brasseries, filatures, teintureries n’ont pas tardé à s’établir, exploitant les eaux de l’Arbonnoise dont la qualité était appréciée. L’urbanisation du quartier s’accélère en 1880, cités ouvrières et cours font leur apparition, beaucoup moins nombreuses qu’à Wazemmes. On compte 12000 habitants en 1882. Depuis les années 60-70, les usines et les grandes propriétés sont remplacées par des ensembles immobiliers.
De nombreuses découvertes attestent d’une occupation très ancienne du quartier : des vestiges Gallo-Romains à l’angle de la Place Cormontaigne et de la rue de Turenne, des sépultures des Vème et VIème siècles, des vestiges mérovingiens boulevard de la Moselle, etc..
Le groupe rejoint la rue de Canteleu, une des voies les plus anciennes du quartier, par la rue d’Isly qui est-elle issue de l’agrandissement de 1858. Sur la gauche nous apercevons l’église St Martin d’Esquermes.
Visite du plus ancien édifice religieux de Lille, en plein chantier.
Nous somme accueillis en plein chantier par deux responsables de l’association des Amis de la Chapelle Notre Dame de Réconciliation, qui nous présentent l’histoire mouvementée de la Chapelle, le plus ancien édifice religieux de Lille, inscrit comme Monument Historique depuis 1926.
Vraisemblablement fondée au 11 ème siècle après une apparition, et profondément remaniée en 1831, la chapelle, propriété du Diocèse après avoir été celle de la communauté religieuse des Clarisses, a fait l’objet depuis une vingtaine d’années de plusieurs campagnes de restauration initiées par l’association des Amis de la Chapelle. Une nouvelle tranche de travaux est en cours portant sur le bas-côté droit et a reçu le soutien de la Fondation du Patrimoine. La chapelle est toujours consacrée au culte, mais accueille aussi des manifestations culturelles. Le pèlerinage qui menait de Lille à cette Chapelle a donné son nom à la rue des Stations.
La rue de la Bassée est bordée de grandes propriétés, qui témoignent de ce que pouvait être le quartier jusqu’au 19ème siècle. Le Parc Zoologique créé ici à la fin du 19ème n’avait pas rencontré le succès escompté et n’avait pas duré longtemps. Dans cette rue comme dans les rues perpendiculaires, nous apercevons certains immeubles qui se fissurent, du fait de la présence souterraine de l’Arbonnoise.
La dernière exécution en place publique à Lille
Par la rue Vergniaud dont nous pouvons admirer la diversité des façades et la qualité des constructions, nous arrivons sur une petite placette, à l’angle de la rue Boissy d’Anglas, bien tranquille avec son arbre majestueux, et qui a pourtant une histoire particulière. C’est ici que s’est déroulée la dernière exécution publique à Lille le 28 avril 1938. Un dénommé Fernand Hubert y a en effet été guillotiné après avoir assassiné l’année précédente une rentière de Lambersart de 67 coups d’une mèche d’acier. Le choix de cette placette pour cette exécution de celui qui était détenu à la prison de Loos reste mystérieux. Les exécutions en place publique furent supprimées en France l’année suivante avant que la peine de mort ne soit abolie en 1981.
Juste en face de cette placette deux petites rues parallèles, rue de Dieppe et rue Violette, rejoignent la rue de l’Orphelinat. Constituées de petites maisons ouvrières, elles ont été construites en 1884-1885 par la Compagnie Immobilière de Lille, présidée par Henri Violette, dont le nom a été donné à l’une d’entre elles. Sur le modèle de ce qu’elle avait expérimenté quelques années plus tôt à Moulins, la CIL a bâti ici 121 maisons de bonne qualité, certaines mansardées. Il était interdit d’y établir un débit de boissons.
Entre les rues de la Bassée et la rue d’Isly il y a plusieurs petites rues calmes dont on imagine ce qu’elles pourraient être si l’emprise de la voiture y était moindre. Rue de Dieppe c’est plutôt un problème de stationnement des vélos qui semble commencer à se poser : sur toutes les barrières et les poteaux sont accrochés des vélos.
La rue de l’Orphelinat était à l’origine une avenue bordée d’arbres qui menait au château de Monsieur Duhau, qui avait fait construire un orphelinat dans sa propriété. La résidence « les Clarisses », qui donne aussi sur le boulevard de la Moselle, occupe bien la place d’un ancien couvent, mais il s’agissait du Carmel ! La rigueur historique n’est pas vraiment la préoccupation des promoteurs immobiliers.
Jusque dans les années 1980, sur le terre-plein central du boulevard de la Moselle, une voie ferrée permettait le transport de marchandises entre la gare St Sauveur et le Port fluvial. Elle fut supprimée lors de la construction de la ligne 2 du métro. A cet endroit, de l’autre côté du boulevard, c’est le Faubourg de Béthune
Rue de la Bassée, un projet contesté par des riverains très mobilisés !
Nous rejoignons l’extrémité de la rue de la Bassée. Devant l’entrée du Collège Mme de Stael aujourd’hui fermé nous attendent Nicolas Ver Eecke et Annick Georget, qui animent l’association des riverains de Mme de Stael, qui s’est créée il y a quelques mois en opposition à un projet immobilier qui prévoit là entre autres une tour d’habitation de 17 étage et 56 m de haut.
Nous avions eu l’occasion en cheminant dans les rues du quartier de voir que de très nombreux habitants avaient apposé à leur fenêtre des affichettes manifestant leur hostilité à ce projet. Les responsables de l’association nous précisent que les habitants du secteur ne s’opposent pas au principe que des constructions s’élèvent à l’emplacement du collège, ils contestent en revanche la présence de la tour, un projet qu’ils estiment inadapté au bâti existant et même « déraisonnable et abracadabrantesque ». Récemment le Conseil de la MEL a modifié le plan d’urbanisme pour permettre la construction de cette tour. Les élus écologistes se sont abstenus et demandent une concertation plus globale sur les projets d’aménagement du secteur (boulevard de la Moselle, Port fluvial). L’association a déposé un recours gracieux contre cette modification du PLU avant un éventuel recours contentieux.
Résidences et supermarché ont remplacé les industries
Par la très belle rue Alfred de Musset, notre découVerte rejoint le boulevard de la Moselle. La Résidence de Musset occupe l’emplacement d’une grande entreprise de construction. Dans le quartier, à partir des années 70, de nombreuses résidences ont ainsi pris la place d’entreprises industrielles, ou se sont installées dans le parc de grandes propriétés ou de congrégations religieuses.
Sur le boulevard de la Moselle, c’est un supermarché et Pole Emploi qui ont pris la place de la Grande Brasserie coopérative de Lille démolie en 1989. Créée en 1908 par Henri Jooris, également fondateur de la boulangerie L’indépendante Bd Montebello, cette brasserie s’est beaucoup développée entre les deux guerres. En 1956, 493 personnes y travaillent. Elle a été connue ensuite sous le nom de brasserie Excelsior, avant de changer plusieurs fois de propriétaires, de devenir la brasserie Koeniegsbier en 1983 et de fermer ses portes en 1987.
Au bout de l’impasse St Joseph, face à une cité ouvrière s’élève la résidence Ste Claire dans l’enceinte du beau parc de la maison provinciale de la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul.
Par la rue de Crimée, nous retrouvons la rue de Canteleu. Face à nous l’ancien Lycée Michel Servet, dont une partie des sections d’enseignement à été transférée dans le nouveau lycée hôtelier de Fives-Cail et d’autres au lycée de La Bassée. Cet hiver le lycée sert pour l’hébergement hivernal de sans-abri. 50 personne seules y sont accueillies par l’ABEJ jusqu’au 31 mars. Et nous rejoignons la Place Cormontaigne par la rue de Turenne.
Pour plus d’information sur Vauban Esquermes : Cahier de territoire Vauban Esquermes, Forum ouvert Vauban Esquermes
Photos : Dominique Plancke, Stéphanie Bocquet et DR Bibliothèque municipale de Lille