DécouVerte de Fives le samedi 20 février 2016 🗺
Plus de quarante personnes, et trois enfants abrités dans des vélos-cargos, sont rassemblées sous une pluie tenace, en ce samedi 20 février devant la Mairie de quartier pour une nouvelle DécouVerte de Fives sous la conduite de Dominique Plancke, notre guide habituel, mais aussi de Laurent Courouble. Si son histoire est ancienne autour notamment de son Prieuré, et mouvementée du fait de sa situation sur la route des invasions militaires, l’ancienne commune de Fives s’est développée très rapidement au moment où elle est rattachée à Lille en 1858. Cette période correspond à l’arrivée de la machine à vapeur et du chemin de fer qui entraînent l’implantation de très nombreuses industries : métallurgiques, avec l’usine de Fives bien sûr, textiles, puis automobiles, et l’arrivée de nouveaux habitants. A noter l’importance de l’immigration belge à Lille dans la deuxième partie du 19 ème siècle : en 1872 on compte 29,2% d’immigrés belges sur une population de 158.000 habitants !
La mairie de quartier occupe un bâtiment qui a remplacé l’ancienne Mairie de la commune de Fives. En face à l’angle de la rue de Lannoy et de la rue Pierre Legrand, deux axes anciens qui menaient en Belgique, se situait un bureau des Douanes françaises, là où se trouve maintenant l’entrée de la station de métro. Sur de nombreuses cartes postales anciennes, on voit ce bureau, mais aussi juste derrière sur le côté gauche de la rue de Lannoy les établissements Casse, très importante usine textile disparue vers 1910. A son emplacement a été percée la rue de Friedland.
Depuis soixante ans, l’industrie a peu à peu déserté Fives. FCB, Peugeot et beaucoup d’autres entreprises comme la faïencerie De Bruyn ont laissé derrière elles des friches industrielles. Certaines ont trouvé un autre usage : Peugeot accueille une partie du siège des assurances La Mondiale et des services de la Police Nationale. Desombre abrite les locaux du Secours Populaire. D’autres comme De Bruyn a d’abord accueilli un Collège avant de voir aujourd’hui la construction de logements.
Un bouillonnement d’initiatives associatives.
La population évolue. Les emplois industriels ont disparu, provoquant de grandes difficultés sociales dans ce quartier. Mais de nouvelles population continuent à arriver. Dans ce quartier où la solidarité a toujours été très forte, on assiste aujourd’hui à un véritable bouillonnement d’initiatives associatives dont nous découvrirons quelques exemples cet après-midi.
En remontant la rue de Lannoy, nous passons devant la résidence Henri Convain. Dans les années 60, c’était ici un foyer ADATARELLI qui accueillait les travailleurs immigrés recrutés par l’industrie locale. La situation a évolué, les normes de confort aussi et ARELI (le nouveau nom d’Adaterelli) a reconstruit non sans difficultés une nouvelle résidence sociale, destinée aux personnes ayant du mal à se loger dans le parc classique : homme seuls, femmes seuls, familles monoparentales et personnes âgées immigrées.
La Voix du Nord : Cinq ans pour reconstruire le foyer de travailleurs migrants, rue de Lannoy
Un peu plus loin sur le trottoir d’en face s’élève la Résidence Jeanne Leclercq (et non Leclerc comme indiqué sur la porte) (photo). Jeanne Leclercq était une fivoise qui a participé au réseau de résistance contre l’occupant allemand pendant la première guerre mondiale dans le réseau d’Eugène Jacquet. Cette résidence sociale a été conçue comme un lieu de vie artistique, avec une médiatrice culturelle. Le bailleur social SIA y a aussi expérimenté une conciergerie numérique pour faciliter les échanges entre les habitants et avec le quartier.
Un peu plus loin se dresse la très belle salle des Fêtes de Fives construite en 1928 par Marcel Cools et restaurée en 2003.
Entre la résidence Leclercq et la salle des fêtes, une bande de terrain relie la rue de Lannoy à la rue Cabanis et on aperçoit au fond la rue Gutenberg et l’ancienne usine Peugeot. Cet axe fait partie des 3 axes Nord-Sud imaginés dans les années 70-80 pour « désenclaver » le quartier. Ces projets ont évolué et là on où on avait prévu des axes à 2×2 voies pour les voitures on devrait avoir bientôt des voies de desserte avec de larges trottoirs.
Sur l’autre trottoir un très gros chantier est en cours sur l’emplacement de la cité Brunswick, qui comptait 32 petites maisons et de l’ancien Collège Boris Vian qui avait pris la place de la faïencerie De Bruyn. La rue qui se dessine sera dans le prolongement de la rue de l’Espérance.
Juste avant de nous engager dans la rue Mirabeau, Christiane Bouchart, élue lilloise EELV en charge de l’économie sociale et solidaire nous montre le café Les Potes en ciel, belle réussite de café parental associatif pour les enfants.
Dans la rue Mirabeau, sur plusieurs fenêtres est apposée une affichette demandant aux élus de prendre en compte le problème du stationnement et de la propreté. Notre groupe ne peut que constater la difficulté, sinon l’impossibilité d’emprunter des trottoirs envahis par les voitures et jonchés de crottes de chiens et même de sacs d’ordures. La rue compte encore plusieurs cours, aujourd’hui surplombées par les nouvelles constructions sur le site Boris Vian.
Au numéro 19, une plaque peu lisible rappelle que c’est ici qu’est né Roger Salengro, futur Maire de Lille et ministre sous le Front Populaire, décédé tragiquement en novembre 1936.
Après un court passage sur la rue Pierre Legrand, nous prenons la rue du Maréchal Mortier pour découvrir un autre aspect de l’immense chantier de construction de logements en cours sur l’ancien site Boris Vian.
La faïencerie De Bruyn a marqué le quartier, née en 1864 cette entreprise a employé jusqu’à 400 personnes avant la première guerre mondiale avant de cesser son activité en 1962. Elle a produit d’innombrables objets utilitaires ou décoratifs qu’on retrouve encore souvent dans les intérieurs lillois et sur les braderies. La capacité d’innovation et le savoir-faire de ses ouvriers étaient reconnus au delà des frontières.
Le site est racheté par la Ville de Lille et rasé en 1969 pour y permettre la construction d’un Collège, transféré en 1998 dans de nouveaux locaux de l’autre côté de la rue Pierre Legrand.
Le Tiers-Lieu
Nous traversons cette rue, et par le parking d’un supermarché, nous rejoignons la rue Anatole de la Forge. C’est là que Laurent Courouble prend le relais comme guide, pour expliquer les différents projets qui doivent trouver place dans l’ancienne usine de Fives. L’usine de Fives, devenue Fives Cail, puis Fives Cail Babcok a compté jusqu’à 6000 salariés sur ce site, où furent construits les ascenseurs de la Tour Eiffel, des ponts, des locomotives, des cimenteries, etc.
Laurent qui fut l’un des créateurs du Café Citoyen de Lille, est l’un des porteurs du projet de Tiers-Lieu qui doit trouver place sur le site à côté du lycée hôtelier qui ouvrira à la rentrée 2016. De part et d’autre de la rue de La Forge se dessine la voie qui doit relier le lycée au métro Marbrerie.
Le Tiers-Lieu de l’usine de Fives, c’est une « maison » qui rassemblera des activités économiques marchandes et non marchandes produites par et à destination des habitants du quartier et plus si affinités !
Antoine, un fivois qui participe aussi à notre Découverte nous présente le projet Superquinquin, de supermarché coopératif pour créer une alternative à la grande distribution classique, en proposant des produits de qualité à des prix accessibles à tous. Si tout va bien Superquinquin qui veut rassembler 1000 clients coopérateurs s’ouvrira ici.
Rue Vaucanson, les portes du chantier sont fermées, c’est samedi. Mais Laurent Courouble nous explique en détail les différentes phases du projet d’aménagement porté par la SORELI.
Et tout à coup la porte s’ouvre pour laisser sortir des ouvriers… et la moitié des participants à la DécouVerte (de plus en plus trempés) se précipite pour mitrailler de photos le site dont la restauration est impressionnante.
En passant à côté du collège Boris Vian et d’un autre établissement scolaire, le lycée professionnel Aimé Césaire (nouveau nom du lycée Francisco Ferrer), nous rejoignons la rue d’Aguesseau. Daniel qui habit la rue nous explique qu’il est correspondant propreté pour la ville, mais que ces correspondants vont devenir « correspondants cadre de vie » pour pouvoir être des relais des habitants pour tout ce qui concerne l’espace public.
La Cité Lys
La Cité Lys a été construite en 1886. Conçue par Jean-Baptiste Lys à proximité de l’Usine de Fives et d’autres usines de taille plus modeste, pour y loger de nombreux d’ouvriers à proximité de leur lieu de travail. La cité Lys était la plus importante cité du quartier avec soixante-dix maisons en coeur d’îlot avec six rangées parallèles de dix maisons dos à dos et deux rangées de cinq maisons perpendiculaires aux autres. Les maisons étaient desservies par un passage piéton public reliant la rue Macense à la rue Porret. Elles comportaient 3 petites pièces superposées, une quinzaine de maisons était constituée du regroupement de 2 maisons.
Christiane Bouchart nous rappelle que la vie sociale y était très développée avec notamment des locaux associatifs qui permettaient la rencontre des habitants et l’organisation d’activités collectives.
Mais la dégradation du bâti, les maisons abandonnées et le développement de trafics ont amené les pouvoirs publics à une nouvelle réflexion sur l’avenir de la Cité. Après de nombreuses étapes de concertation avec les habitants et les associations, les études engagées en 2010 ont finalement, contrairement à ce qui avait été imaginé au départ abouti à la démolition complète des logements préférée à une préservation et une réhabilitation partielle et à l’élargissement du périmètre pour y intégrer une batterie de garages qui jouxtait la cité afin de désenclaver le cœur d’îlot vers la rue Malsence. Les travaux de construction de 25 logements (19 appartements et 6 maisons individuelles) devraient s’achever en 2017.
A l’angle de la rue Porret et de la rue des Noirs, Dominique Plancke nous montre une grande bâtisse étonnante à la façade n’attire pas vraiment l’attention, mais dont l’arrière fait penser à un petit château avec deux ailes. Le jardin a été remplacé par des garages.
Notre DécouVerte est un peu raccourcie par la pluie qui n’a pas cessé. Nous devions aller voir le stade Marcel Duhoo, le nouveau village d’insertion pour les familles Roms rue de Bellevue (qui a remplace celui de la rue Vaucanson) et l’Accorderie de la rue Maurice Ravel. Ce sera pour une autre fois.
C’est donc dans les locaux de Lasécu rue Bourjembois que s’achève (au sec enfin) et autour d’un verre notre DécouVerte de Fives. C’est Patrick Poulain qui préside l’association qui nous présente le projet de rendre l’accessible l’art au plus grand nombre et qui accueille depuis 2001 dans les anciens locaux de la sécurité sociale une galerie d’exposition, des ateliers d’artistes et une artothèque.
Photos Dominique Plancke, Christiane Bouchart, Lise Daleux et Julien Tabareau