DécouVerte de Moulins le samedi 10 octobre 2015

Nous avons rendez-vous sous un ciel gris à la sortie du métro Porte de Douai pour cette DécouVerte de Moulins, sous la conduite de notre guide habituel, Dominique Plancke, avec la présence précieuse de Jean Caniot, érudit local, grand connaisseur (entre autres) de l’histoire de Moulins et de Mme Quenelle, animatrice des Ambassadeurs de Wazemmes.

Photos de Robert Herman

Du faubourg rural au quartier industriel

Ancien faubourg rural de Lille, s’étirant sur les deux axes qui sont aujourd’hui les rues de Douai et d’Arras, le quartier de Moulins s’est d’abord appelé le Faubourg des Malades, en raison de l’installation de léproseries, à l’extérieur des remparts lillois, du côté de l’actuelle gare St Sauveur.

En 1833, Moulins qui appartient à la commune de Wazemmes, se développe et obtient son autonomie communale, sous le nom de « Les Moulins », puis de « Moulins-Lille » en 1849, avant d’être absorbée par Lille en 1858, en même temps que les communes de Wazemmes, d’Esquermes et de Fives. Ce nom de Moulins provient des très nombreux moulins installés sur son territoire, après la révolution française qui donne le droit à chacun de moudre, droit jusque là réservé à la Noblesse. La topographie de Moulins, qui monte vers Ronchin, favorise leur implantation à cet endroit. On compte jusqu’à 56 moulins vers 1830, essentiellement consacrés à la production d’huile. Ils disparaissent petit à petit dans la deuxième moitié du 19ème siècle, au fur et à mesure de l’industrialisation et de la révolution industrielle. Le dernier moulin est démoli en 1897.

Le quartier est représentatif de beaucoup de quartiers de la métropole lilloise profondément transformés au milieu du 19 ème siècle avec la révolution industrielle, puis touchés par la désindustrialisation un siècle plus tard. La révolution industrielle arrive avec la machine à vapeur et se renforce avec l’arrivée du chemin de fer. Elle entraîne une fixation dans le quartier de la main d’oeuvre ouvrière dans des logements, au confort souvent très limité, construits en rue ou dans des cours souvent insalubres. Moulins passe de 3100 habitants en 1840 à 8400 en 1851, et on y dénombre 60 cabarets, qui sont alors des lieu de vie, de rencontres, de débats politiques, chauffés et éclairés.

Des maisons ouvrières aux HLM

les maisons du CIL rue de Nantes

les maisons du CIL rue de Nantes

 

Au bord du boulevard de Belfort, les 200 maisons construites par le CIL en accession à la propriété de 1868 rue Danton, rue du Havre et rue de Rouen sont un exemple remarquable de ces logements ouvriers dont Moulins se couvre rapidement à cette époque.

Juste en face de l’autre côté du boulevard de Belfort, sur l’emplacement des anciens remparts ont été construits dans les années 1950 des HLM, comme sur toute la ceinture sud de Lille. Lors de la Découverte du mois d’août, nous avions pu constater les profondes transformations en cours autour de la Porte de Valenciennes.

Au milieu du boulevard, la ligne 2 du métro a été construite ici « à l’économie », sur un viaduc aérien, à l’emplacement de la voie ferrée, qui reliait la gare St Sauveur au Port Fluvial, où des trains de marchandise ont circulé jusqu’à la fin des années 1980.

La catastrophe des 18 Ponts

monument aux 18 ponts rue de maubeuge

Monument aux 18 ponts , rue de maubeuge

Dans la nuit du 10 au 11 janvier 1916, une très violente explosion détruit un dépôt de munitions allemand situé dans les remparts, composé de 18 arches, d’où le nom de 18 ponts. Cette explosion entendue jusqu’à Bruxelles et aux Pays Bas fait 104 victimes civiles, à peu près autant par
mi les militaires allemands, 400 personnes sont blessées. Les dégâts sont considérables dans le quartier et au delà : 738 maison détruites ou endommagées, 21 usines touchées, dont plusieurs rasées. Cet événement, dont l’origine accidentelle ne fait plus débat, et dont on va bientôt commémorer le centenaire, a profondément marqué le quartier et toute la ville de Lille.

http://eugeneturpin.blogspot.fr/p/lexplosion-des-18-ponts.html

Le coton, le lin, mais aussi la céruse

L’industrie textile s’est développée rapidement dans le quartier, symbolisées par les immenses usines Wallaert et Le Blan. L’industrie textile du quartier est sortie très affaiblie des deux guerres mondiales du fait des destructions et des démontages de machines par l’occupant.

la Filature
La filature Paul Le Blan et fils est sortie de terre en 1900. Deux agrandissements successifs ont étendu l’usine jusqu’à la rue de Douai. La filature a été fermée en 1967 puis réhabilitée entre 1978 et 1980 par les architectures Reichen et Robert et accueille notamment les archives de l’INA, la médiathèque du quartier, l’église St Vincent de Paul, le théâtre du Prato et des logements sociaux. Ce qu’on appelle aujourd’hui « La Filature » ne représente cependant qu’un tiers des anciens bâtiments.
En 1995, le reste de l’usine, le long de la rue Fénelon, est devenue la faculté de droit. L’entreprise employait encore à cet endroit 600 personnes entre 1980 et 1995, l’année où l’usine a été déplacée à Hénin-Beaumont avant de fermer définitivement en 1997.

Au 19ème siècle, les conditions de travail dans les usines textiles sont très dures. Un quart de la population ouvrière est composée d’enfants en 1840. C’est en 1841 qu’est votée la première loi qui limite leur temps de travail. De nombreux responsables politiques lillois de la fin du 19 ème et du début du 20ème siècle sont d’anciens ouvriers du textile.

http://www.bm-lille.fr/wp-content/uploads/2015/03/gvisite2__3_-1.pdf

Novalille

Rue Alain de Lille, un grand chantier de 252 logements, de bureaux et de commerces, baptisé Novalille, s’est ouvert sur un terrain d’un hectare. C’est l’ancien site de l’entreprise de peintures Théodore Lefebvre devenue Théolaur, qui a quitté Lille pour Noyelles les Seclin en 2007. L’entreprise installée à Moulins depuis 1825 était au 19ème un des principaux producteurs français de céruse, le pigment blanc le plus utilisé à l’époque. Le ou la céruse (les deux sont admis) est un carbonate de plomb, produit en France de manière industrielle depuis 1809. La région lilloise comptait une vingtaine d’ateliers spécialisés dans cette production très dangereuse qui provoquait massivement le saturnisme chez les ouvriers. Sous la pression des hygiénistes et de l’Etat, les cérusiers, menés par Théodore Lefebvre, ont été contraints de rendre leur industrie plus saine en réduisant la poussière émise.  L’utilisation de la céruse par les peintres en bâtiment sera interdite au début du XXe siècle.

De très belles fresques colorées viennent d’être peintes sur la clôture du chantier sur la rue de Douai.

Rue Alain de Lille nous croisons un agriculteur au volant de son tracteur avec sa remorque qui vient vendre chaque semaine des légumes dans les quartiers du sud de Lille.

La filature Paul Le Blan et fils est sortie de terre en 1900. Deux agrandissements successifs en 1925 et 1930 ont étendu l’usine jusqu’à la rue de Douai. Ce qu’on appelle aujourd’hui « La Filature » ne représente cependant qu’un tiers des anciens bâtiments. En 1995, le reste de l’usine, le long de la rue Fénelon, est devenue la faculté de droit.

Le premier jardin communautaire de France

Rue Montesquieu, nous sommes accueillis par des habitants jardiniers au jardin des retrouvailles. Créé en 1997 c’est le premier jardin communautaire ouvert dans la région par les Ajoncs, sur une friche de 910 mètres carrés.

http://www.ajonc.org/spip.php?article1163

Le jardin municipal de la rue Philippe de Comines, plus classique, est ouvert au public depuis 2015, avec un terrain sportif à l’évidence déjà très utilisé, sur d’anciens logements et ateliers. Le projet a mis du temps à aboutir du fait notamment du squat d’un des immeubles qui devaient être démolis.

Le centre de tri de La Poste rue de Fontenoy est aujourd’hui fermé. Un projet immobilier serait prévu à son emplacement.

A l’angle de la rue d’Arras s’impose la façade du Flow, qui accueille le centre des cultures urbaines, en extension de la Maison Folie de Moulins, elle-même installée dans l’ancienne Brasserie des 3 moulins.

De l’autre côté de la rue d’Arras sur laquelle se dressent encore quelques maisons typiques de l’habitat semi-rural de la première moitié du 19ème siècle, nous nous engageons dans la rue de Wazemmes, où se situait le cinéma Marivaux qui a accueilli le théâtre du Prato avant qu’il ne s’installe à la Filature. En face la façade imposante avec des grilles aux fenêtres abritait autrefois la Poste de Moulins.

La place du Carnaval est très animée ce samedi : elle accueille une manifestation de  « Renaissance » sur le thème « La Ferme s’installe en ville ».

Du tissage Thieffry au Soleil Intérieur

IMG_4904A l’emplacement des maisons de ville du « Soleil intérieur » et de la Place du carnaval, il y avait des bâtiments industriels, qui ont vu se succéder une usine textile, une tannerie-corroirie, une entreprise de traitement de déchets de coton, une ébénisterie, puis un entrepôt de lampes. Sur le côté de cette immense bâtisse, L’usine Wicart puis Wicart Thieffry est installée sur la rue Lamartine. Elle fabrique des tissages et des teintures de toiles de jute, de lin et de coton. Fondée en 1872 elle ferme 1957. L’immeuble accueille les cafés Méo avant d’être détruit en 1992.
Tout le patrimoine industriel de cet îlot est alors rasé, avec ses tours crénelées, ses toitures en shed. pour faire place à un grand terrain vague de plus d’un hectare, dénommé par les associations d’habitants du quartier (AJO et APU Moulins) : la Plaine Méo.
Sur le côté, le site entre les rues Lamartine et d’Avesnes se transforme en terrain vague pendant près de 20 ans avant d’être occupé en 2005 par des « habitants jardiniers » qui le transforment en jardin communautaire : le Jardin « Comme une aut’terre » qui prend racine sur 1100 mètres carrés sur les caves d’anciennes maisons, avant de disparaître sous le programme de logements « Land’Art » en cours d’achèvement. Un nouveau jardin devrait revivre au coeur de ce programme.

Des réfugiés sur le Jardin des Olieux

Le jardin des Olieux, a été créé en 1992 au coeur de Moulins à l’emplacement d’anciens ateliers et courées, apportant alors un espace vert bienvenu dans un quartier très dense. Ce jardin abrite depuis le début de l’été de jeunes migrants mineurs, en majorité en provenance d’Afrique subsaharienne qui campent et vivent sur place, dans l’attente d’une prise en charge par le Département du Nord.
Ils bénéficient du soutien actif d’habitants du quartier.
au jardin des OLieux, Fanny explique la situation des jeunes mineurs

http://www.lavoixdunord.fr/region/lille-pour-les-jeunes-migrants-le-jardin-des-olieux-ia19b0n2989701
http://www.lavoixdunord.fr/region/jardin-des-olieux-a-lille-acte-ii-on-y-plante-on-y-ia19b0n3104500

La triste fin d’un monument de l’histoire ouvrière

Place Vanhoenacker, sur la rue d’Arras, se trouvait l’Union de Lille, construite par l’architecte Armand Lemay sur le modèle du Vooruit, la coopérative socialiste de Gand. Elle abritait sur 3000 mètres carrés une coopérative ouvrière de consommation, qui comptait 4000 familles adhérentes en 1900, mais aussi un théâtre de 2000 places, une boulangerie, une imprimerie, une épicerie, une mercerie, une salle de gymnastique. Un collectif d’habitants du quartier dénommé « ASTUCE » a essayé de le sauver dans les années 80. Sans succès, le PS local qui en avait hérité, l’a laissé se dégrader et l’a vendu pour financer son nouveau siège rue Lydéric. De ce monument de l’histoire ouvrière de Lille et de Moulins, il ne subsiste plus que la façade majestueuse qui abrite aujourd’hui un supermarché.

De l’autre côté de la rue Courmont, l’Hôtel Courmont, construit en 1869 par l’industriel Victor Courmont accueille aujourd’hui la mairie de quartier.

Situé à l’angle de la rue d’Arras et du boulevard de Belfort, le nouveau Collège de Moulins à l’architecture extérieure de type un peu bunker est ouvert depuis la rentrée 2015 avec les classes de 6ème et de 5ème. Les autres classes suivront à la prochaines  rentrée. C’est le seul collège de Lille doté d’un internat.

De l’autre côté du boulevard de Belfort, le lycée Baggio, ex institut Diderot, est inscrit comme monument historique. Malheureusement sa très belle façade donne aujourd’hui sur la tranchée du périphérique sud construit dans les années 70, qui coupe le quartier du Jardin des Plantes, qui avait pourtant été conçu en fonction de cette façade. La couverture du périphérique, souvent évoquée depuis vingt ans, se heurte à des prévisions de coûts exorbitants : il faudrait en effet creuser le boulevard de plusieurs mètres pour pouvoir le couvrir.

cité lievrauw

la cité Lievrauw

La cité Liévrauw, rue de Thumesnil, avait été conçue dans les années 80 comme un modèle d’habitat social avec des locaux et des espaces collectifs. Mais, comme à la Filature, la réalité sociale a rattrapé l’utopie. Les trafics de drogue aux alentours ont contraint à la fermeture des passages ouverts.

La rue Buffon qui compte encore de nombreuses cours nous mène à la Fac de Droit qui occupe les bâtiments de l’ancienne filature et retorderie de lin Le Blan construite en 1848. Fermée en 1995 elle est reconvertie la même année pour accueillir l’université de Lille 2 qui avait quitté Lille pour le Pont de Bois à Villeneuve d’Ascq au début des années 70. Mais la greffe de la fac de droit dans la quartier reste un demi-échec. En sortant de leurs salles de cours, les étudiants filent la plupart du temps rejoindre la station de métro sans apporter grand chose à la vie de Moulins.

place FrenigLa visite s’achève Place Fernig récemment réaménagée, avec une limitation de la place de la voiture.

Les habitants de la Cour Cacan organisent tous les ans une fête ouverte à tous les habitants du quartier (et d’au delà) 

Prochaine découVerte samedi 12  Décembre à 14 h 30.

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