Code de la rue : au delà de la route

Code de la rue

Le 22 septembre 2010 a lieu la première réunion du comité de pilotage lillois sur le code de la rue, avec des membres d’associations, des instances de démocratie participative, des services (ville, LMCU, État) et des élus – dont évidemment Vinciane Faber et Marc Santré.

La variété des approches a été voulue pour inciter les participants à se mettre à la place de l’autre, car les intérêts des usagers peuvent diverger. Or, comme le souligne Marc Santré, l’objectif n’est pas de cloisonner ou de surcharger un espace public en fonction de catégories d’usagers.

Comment faire pour que chacun trouve sa place sur la voie publique, dans le sens de l’intérêt général ? C’est peut-être la première des questions qui se pose au groupe de travail lillois sur le code de la rue.

Code de la rue ou code de la route ?

Les deux ! Le Code de la rue est une démarche lancée par le ministère des transports en 2006, suite à une demande du Club des villes cyclables, pour simplifier le code de la route et l’adapter au milieu urbain. Il établit de nouvelles dispositions favorisant le faible et le lent par rapport au plus fort et rapide. Le code de la rue vient donc préciser le code de la route en instituant un principe de prudence et de partage, à l’appui de nouvelles règles.

Plusieurs dispositions visent à assurer un meilleur équilibre entre la vie locale et le code de la route. Il s’agit :

  • des zones 30 (1990),
  • des zones de rencontre (2008),
  • de la généralisation des doubles sens cyclables sur les voies uniques en zones 30 (2008),
  • ainsi que de l’instauration de deux nouveaux principes : la prudence du plus fort vis à vis du plus faible et la priorité au piéton qui manifeste son intention de traverser (2010).

Le tourner-à-droite au feu rouge pour les cyclistes peut désormais être mis en place par toute commune, aux carrefours où elle l’estime possible. Une signalisation spécifique est « en cours de définition ». D’autres dispositions sont proposées par les associations pour une démarche toujours en cours.

Le code de la rue réunit ces principes et dispositions, avec plusieurs objectifs :

  • Accroître le partage de l’espace public
  • Renforcer la sécurité
  • Mieux faire connaître les évolutions du code de la route
  • Faire évoluer le code de la route dans le sens du développement durable

Les décrets du 30 juillet 2008 (2008-754) et du 12 novembre 2010 (2010-1390) sont le fruit d’une démarche menée par le CERTU en lien avec les acteurs institutionnels et associatifs. Le CERTU propose, la DSCR (délégation de la sécurité et circulation routière) examine, avant transcription juridique.

Le code de la rue ne se résume cependant pas à de nouvelles règles à respecter. Il peut amener des modifications au sein du milieu urbain.

Concrètement qu’est-ce que ça donne ?

Il faut bien garder à l’esprit que le code de la route fait loi. La ville ne peut instituer de nouvelles règles. Mais les collectivités sont invitées à mettre en pratique le code de la rue, sur le mode de la concertation et à faire remonter des propositions au niveau national.

Certaines villes ont déjà mis en place une concertation, qui a abouti soit à l’établissement d’une charte (Rennes, Bordeaux), soit à un « plan d’actions » (Strasbourg). La première réunion lilloise a déjà mis en évidence le besoin de proposer des améliorations techniques en matière d’aménagements de l’espace public.

Comment communiquer ?

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L’un des objectifs du code de la rue est de mieux faire connaître les nouvelles dispositions du code de la route et de vulgariser le principe de prudence. Le principe d’une charte – solution courante – a été discutée, et notamment sur ses limites. En effet une communication locale, bien que coûteuse, touche insuffisamment le public. Par ailleurs, le code de la route s’appliquant sur tout le territoire, il appartient d’abord à l’État de veiller à la bonne connaissance de son évolution. Cela n’empêche pas la collectivité de mener une communication sur des points précis, comme ce sera bientôt le cas avec une campagne LMCU en direction des cyclistes.

Des actions de sensibilisation, des rappels des règles peuvent être menés par d’autre biais : via la police municipale, ou avec l’appui des associations, pour faire connaitre les nouvelles dispositions, pour diffuser les bonnes pratiques : aux abords des écoles, avec les élèves des collèges et lycées par exemple. Ce sont les premières pistes qui ont surgi. C’est ce que pratique régulièrement l’ADAV pour le vélo, avec le soutien de la ville.

D’abord aménager ou faire respecter ?

Les deux questions se sont posées simultanément. D’une part la création d’un nouvel aménagement n’a de sens que s’il est respecté. D’autre part, la mise en œuvre du code de la rue ne doit pas uniquement dépendre d’un arsenal de dispositifs techniques qui peut friser jusqu’à l’absurde.

Aujourd’hui, on est obligé de singulariser ce qui devrait être la règle

D’ailleurs, c’est un point non résolu au niveau national : pourquoi un dispositif qui devient la règle devrait-il engendrer un déploiement massif de panneaux (par exemple la généralisation des doubles-sens cyclables en zone 30) ? La signalisation devrait plutôt indiquer l’exception que la règle ! Or, aujourd’hui, on fait l’inverse.

Cela se traduit sur la métropole par une nécessité de faire des travaux sur 80 % de la voirie, si l’on souhaite effectivement apaiser le trafic automobile et développer les zones 30. La demande en ce sens est forte. Le programme est d’ailleurs engagé à LMCU. Car même si un simple panneau est légal, dans les faits, il ne suffit pas à créer une zone 30. On attend qu’elle soit rendue perceptible. Or, rétrécir ou modifier la chaussée, créer des dos d’Ânes, sont des travaux qui exigent du temps et du budget. Transformer 80% de la voirie au rythme actuel équivaut à 30 ou 40 ans de travaux.

La réflexion a intérêt à prendre en compte cette contradiction. On peut aussi retirer de l’aménagement et expliquer pourquoi, ou mieux faire appliquer les règles. L’objectif de développement durable devrait d’ailleurs engendrer un usage mesuré des matériaux. La démarche du code de la rue est finalement une occasion d’identifier les lieux qui nécessitent plus d’aménagements, ou à l’inverse de repérer l’excès de signalisation qui sature et rend confus l’espace public.

Aménager pour reconquérir de l’espace public

Des participants ont clairement affirmé le code de la rue comme un moyen de reconquérir l’espace public, trop taillé à la mesure de la voiture. Une voiture le plus souvent immobile (94% de son temps), donc accapareuse d’espace. Un autre axe de réflexion a donc émergé : celui du stationnement des voitures.

On constate de nouveau un paradoxe. Alors que les déplacements en voiture diminuent légèrement, le parc automobile croît. A cela s’ajoute une proportion plus importante de véhicules garés sur l’espace public, et une baisse dans le stationnement privé. Pour remédier aux cas de parking sous-utilisés, la ville de Lille réfléchit d’ailleurs à la création de structures de gestion pour remettre des places sur le marché.

Des aménagements selon les déplacements et les usages

En toute logique, les nouveaux aménagements sont envisagés pour favoriser les déplacements autres que la voiture. Il importe de comprendre les besoins divers selon les modes de déplacements. La nécessaire visibilité (voir et être vu) est une préoccupation constante. La question des cheminements revient également beaucoup, tant sur l’identification des parcours, que sur la qualité des revêtements.

Sur ces sujets, il est rappelé que tout handicap n’est pas visible : le code de la rue doit dépasser le stéréotype du fauteuil roulant. D’une manière générale, les déplacements des personnes à mobilité réduite est un axe important de réflexion, et pas seulement dans la perspective de la loi handicap (accessibilité d’ici 2015).

La notion de piéton immobile a aussi été suggérée pour considérer l’espace public. Il apparaît décidément que le code de la rue ne doit pas s’intéresser qu’aux déplacements, mais plutôt aux manières diverses d’occuper la ville. Les besoins spécifiques des rollers et cyclistes ont enfin été évoqués, avec un accent sur la qualité des revêtements et sur les continuités spatiales.

L’articulation entre ces différents besoins nécessitera un travail fin pour éviter les antagonismes et le cloisonnement de l’espace public. Créer les meilleures conditions pour les arbitrages et différencier les espaces selon leurs usages (résidentiel, mixte, de transit…) sont deux pistes évoquées pour réussir un partage effectif de l’espace public.

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Travaux et calendrier du comité de pilotage

La première réunion du groupe de travail sur le code de la rue a dégagé plusieurs thèmes de travail :

  • diagnostic et mise en évidence de besoins précis
  • régulation du stationnement,
  • qualité et intensité des aménagements,
  • articulation entre transports publics et modes doux,
  • vulgarisation du code de la rue et travail sur les comportements

Les participants admettent que le code de la rue doit pouvoir s’appuyer sur trois piliers équivalents :

  • Communication & prévention
  • Aménagements
  • Répression (étant soit perçue comme un constat d’échec, soit dotée de vertus pédagogiques)

Pendant une année, les travaux de ce comité chercheront à donner une traduction locale d’un principe national, qui vient affiner le code de la route. Le « comité de pilotage » lillois planchera donc pour établir un scénario qui permette d’ancrer le code de la rue dans l’espace et les déplacements urbains.

Les acteurs concernés sont invités à rendre des contributions avant le 15 novembre 2011. La commission Équipements et infrastructures du conseil communal de concertation a monté un groupe de réflexion spécifique sur le sujet, avec des représentants des autres instances de démocratie participative. A l’issue des réunions du comité de pilotage, une publication des travaux est prévue pour septembre 2012.

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