Journal de bord d’une mission à Naplouse et Haifa (février 2009) – par Marie-Pierre Bresson

Du 6 au 9 février Marie-Pierre Bresson (Verts), adjointe à la coopération décentralisée et Martine Filleul (PS), adjointe aux relations internationales, ont mené une délégation lilloise à  Naplouse (Palestine) – jumelée avec Lille depuis 1998 – et Haïfa (Israël), qui s’est rapproché de Lille avec une demande de coopération.La délégation était également composée d’Isabelle Baert, conseillère municipale d’opposition, Bruno Cooren, responsable des relations internationales de la ville de Lille, Nadia Salah, chargée de mission aux relations internationales de Lille. Florence Traullé, journaliste à Nord Eclair, et Emmanuel Crapet, journaliste à  La Voix du Nord ont suivi et rendu compte de cette mission.

Ce déplacement visait à dire le soutien des Lillois aux Palestiniens, réaffirmer la volonté de dialogue et œuvrer pour la paix au Proche Orient. La mission relève de ce qu’on appelle désormais la diplomatie des villes, qui met l’accent sur la prévention des conflits et la reconstruction post-conflit. Dans le contexte bien particulier de la récente intervention militaire des Israéliens dans la Bande de Gaza, où la population civile a encore une fois payé le prix fort de ceux qui font le choix de la guerre, la démarche n’est pas anodine: elle a pour but d’expliquer le sens d’une coopération avec Naplouse et Haïfa, de par et d’autre d’une frontière cruelle et symbolique à  bien des égards.

Comme pour tout déplacement officiel, le Consulat Général de France à  Jérusalem, qui a rang d’ambassade, mais n’en est pas une, faute d’Etat palestinien dément reconnu est informé précisément de l’agenda prévu pour la mission. Si les relations institutionnelles sont complexes du fait de la non reconnaissance du Hamas par la France, les liens élaborés au sein de la société civile et les échanges de bonne pratique sont au cœur de la coopération.

Les rencontres se sont généralement déroulées en anglais pour permettre un échange direct et ne pas dépendre d’une traduction non maitrisée (sauf à Haïfa, avec Yaakov Bazac qui parle le français).

Voici le récit de ces quelques jours….

Vendredi 6 février

14h00

Ayman Shakaa, notre guide et ami, nous accueille. Directeur du centre social, ancien directeur des relations internationales lors du précédent mandat (Fatha) de Naplouse, il est cependant resté notre correspondant, sans aucun statut officiel…

16h00

Rencontre avec deux professeurs de l’université ouverte Al Quds de Ramallah, qui développe un projet de prise en charge psycho-sociale des victimes de traumatismes liés à  la guerre et à  l’occupation: ils nous sollicitent pour monter et qualifier leur projet.

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18h00

Nous parcourons à  pied la vieille ville, déserte en ce vendredi soir et somptueuse. Bâtisses ottomanes en pierre blanche à  gros moellons, moucharabiehs, dômes des mosquées, dédales des ruelles et des escaliers dérobés. De rares passants sont étonnés de nous voir, toujours courtois et nous saluent d’un « salam » cordial.

Avec Ayman, nous poursuivons en voiture la visite des nouveaux quartiers accrochés aux collines: de grands immeubles s’empilent dans la blancheur de la pierre locale (dont on veille scrupuleusement à  maintenir l’usage), comme des tours de savons; de larges avenues sont fréquentées par la jeunesse de Naplouse (50% de la population a moins de 18 ans).

Depuis la « rue de Lille », sur la corniche, nous admirons le panorama urbain, la ville qui s’étend sur les collines, elles-mêmes surplombées par les postes de l’armée israélienne. La police de l’autorité palestinienne est omniprésente, elle fait régner un ordre efficace !

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Samedi 7 février

9h00

Nous avons rendez-vous avec le vice-gouverneur de Naplouse, haut-fonctionnaire représentant de l’autorité palestinienne dans le gouvernorat de Naplouse (partie nord de la Cisjordanie). Nous venons lui faire part du sens de notre démarche : dire aux Palestiniens que nous sommes solidaires, nous faire l’écho des milliers de manifestants qui ont appelé à  la paix, rappeler que les élus municipaux, représentants du premier niveau de la démocratie, viennent porter la voix des citoyens qui veulent la paix.

10h00

Nous sommes reçus par le Président de l’Université AN-Najah (la réussite) qui nous fait un accueil très chaleureux. Il a suivi avec attention l’importance des manifestations lilloises et attend beaucoup de la constitution du réseau Euronaplouse. Il se promet même d’essayer d’envoyer, malgré des délais très courts, le doyen de la faculté de médecine de Naplouse à  Lille pour rencontrer nos partenaires européens et évaluer les domaines de coopération possibles. Les pistes concrètes évoquées concernent la médecine d’urgence, le droit, le français (qui constitue un cursus important). L’université (laïque et municipale) compte 60% de filles, et possède une prestigieuse école d’art. En juin 2008 une convention tripartite entre Lille, les facultés de médecine et les hôpitaux des villes respectives a été signée pour engager des échanges de professeurs et étudiants en médecine d’urgence.

La vice-présidente de l’université nous emmène ensuite visiter le nouveau campus universitaire, qui compte 9000 étudiants, (leurs débouchés, notamment en High Tech, les mènent souvent vers les pays du Golfe). Nous sommes impressionnés par la qualité des infrastructures, toutes financées par de généreux donateurs, souvent des Palestiniens de l’étranger.

11h30

Avant de nous conduire au dispensaire Help Doctors de la vieille ville, Ayman, nous fait visiter la savonnerie de sa famille, l’une des deux dernières entreprises artisanales de ce type à Naplouse, qui comptait encore 27 savonneries avant 2000. L’endroit est magnifique, les savons doux à  l’huile d’olive sèchent d’abord à plat, sur le sol de pierre, puis en pile coniques, qui parfument l’air d’une fraîche odeur de cire. Adossées à  la savonnerie, subsistent les ruines de la maison d’Ayman, détruite par un char israélien en 2005.

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Depuis la quasi fermeture de la frontière, la vie économique s’est tarie: il ne reste plus plus qu’une imprimerie. L’activité textile (tissus, rideaux…) a aussi diminué. Le taux de chômage atteint 60 % à Naplouse qui compte 100 000 habitants (et 300 000 pour l’agglomération). Depuis 1995, les riches nablousis sont souvent partis à Ramallah ou à  l’étranger; les paysans des villages pauvres et « encerclés » ont alors rejoint Naplouse, et notamment la vieille ville, très belle et assez pauvre, qui accueille 30 000 habitants. Ces changements au sein de la population peuvent expliquer en partie le succès du Hamas, qui exerce un fort accompagnement social.

Par ailleurs, la vallée demeure agricole (culture maraîchére de tomates, olives, piments, poivrons etc….), mais l’approvisionnement vers Jérusalem s’est effondré. Des réflexions sur le développement du secteur équitable sont en cours et on peut compter à  ce titre sur l’implication de Judeh Jamal, palestinien représentant un collectif de producteurs (et qui a fait des études en agronomie à  Dijon) correspondant d’Artisans du monde, et responsable du développement durable pour toute la Cisjordanie.

Il faut aussi préciser que deux camps de réfugiés sous administration internationale accueillent 24 000 personnes et détiennent le triste record, tout comme Gaza, de la plus forte densité mondiale : 18000 hab. / km2 ! Ces conditions de vie gênèrent des lieux de vie étroits, insalubres et expliquent la pâleur de certains enfants à  Gaza, comme à Naplouse ils souffrent d’avitaminose A : de carence en soleil !). L’accès à ces camps sous autorité du haut commissariat aux réfugiés de l’ONU ne nous est pas possible.

12h00

Nous nous rendons à  pied au dispensaire Help Doctors de la vieille ville. Il est ouvert depuis trois ans, mais à la demande du Consulat de France, dans le cadre de la coopération d’Etat, il va étendre son activité, passant de 3 à  5 jours par semaine, parce qu’il répond a un besoin non-satisfait ! Ce sont surtout des femmes et des enfants qui le fréquentent, et le médecin qui nous reçoit nous explique qu’elle observe depuis plusieurs mois une situation de carence alimentaire très préoccupante : trop pauvres, les habitants de la vieille ville ne consomment plus suffisamment de viande ni de fruits et légumes (pourtant présents en abondance sur les étals du souk) pour être en bonne santé. Il n’y a que le pain et les sucreries qui soient encore abordables.

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Un architecte, ami de Régis Garrigue, nous montre les plans d’extension du dispensaire pour abriter un cabinet de soins dentaires, belle avancée sur la cour où les orangers sont couverts de fruits et où le jasmin embaume.

Ayman nous reçoit ensuite au MCRC, centre social de la vieille ville, où nous attend Barak, qui a été formé à l’accompagnement de micro-projets économiques par le CLAP et la Maison de l’emploi de Lille en novembre dernier. 8 projets ont ainsi été accompagnés, nous allons visiter le premier à  voir le jour, une boutique de produits artisanaux : narghilés, savons, huile d’olive, dans la vieille ville.

13h00

Dans les jardins de la bibliothèque municipale, le maire de Naplouse Adly Aïsh, a fait dresser deux tables sous les frondaisons et nous attend pour un déjeuner avec les membres du conseil municipal. Adly Aish a été élu maire par le conseil municipal, composé majoritairement de représentants du Hamas, de deux membres du Fatah et de personnalités indépendantes. La liste «Naplouse pour tous» a recueilli 74% des voix lors des élections. Adly Aish n’est pas lui-même membre du Hamas, mais comme son conseil l’est majoritairement, il n’était pas reconnu par les Européens. Aujourd’hui, la ligne diplomatique de l’Europe et de la France change, nous autorisant à  des rencontres avec des conseils où siège le Hamas, mais pas à  la mairie. C’est avec l’aval du Consulat Général de France à  Jérusalem que nous conduisons cette rencontre.

Le maire est un homme élégant et courtois, mais n’hésite pas à dire son vif regret de voir la mairie de Lille, dont il apprécie l’implication à  Naplouse, «court-circuiter la mairie de Naplouse» en refusant des coopérations directes. Il se dit blessé par l’attitude de la France vis à  vis des élus que se sont donnés les Palestiniens. La partition est difficile à jouer, mais je lui explique le cadre des lois de décentralisation respect de la loi de l’Etat, c’est à  dire pas de reconnaissance du Hamas comme interlocuteur] que nous respectons scrupuleusement, il le déplore, mais le comprend (j’ajoute en aparté que comme élue Verts, cette rencontre ne me pose aucun problème… il me dit dans un sourire qu’il le sait). Il se dit trés intéressé par la démarche [Euronaplouse et espère sceller une réconciliation avec les Européens et les Lillois en particulier, par la création d’un jardin allée de Lille, projet symbolique mené à plusieurs. Isabelle Baert, conseillère municipale de l’Union Pour Lille (UMP), refuse de poser sur la photo aux côtés du Conseil de Naplouse.

La discussion se poursuit avec la visite de l’unique centre municipal pour l’enfance, sorte l’équivalent d’un CLSH, abrité dans les anciennes écuries d’une belle demeure ottomane. Le lieu est splendide, et le maire murmure qu’il aime à  y réunir ses collègues car cet endroit est si beau qu’il inspire, qu’il ouvre le cœur et l’esprit… Il nous quitte en espérant que la prochaine rencontre aura lieu à  l’hôtel de ville de Naplouse. Cet homme, linguiste et grammairien, fin lettré pétri de culture humaniste comme le sont les intellectuels du Moyen-Orient, a fait ses études à  Jérusalem et au Caire. Il a été « retenu » par l’armée israélienne pendant 6 mois, sans raison déclarée.

15h00

Lucienne d’Alençon, directrice du Centre culturel français de Naplouse nous y attend, c’est là que nous donnons la conférence de presse qui clôt notre bref séjour dans la ville. Le Centre culturel français – d’ailleurs unique représentation diplomatique à  Naplouse – est une merveille d’architecture orientale, à  l’étage d’une belle maison ottomane admirablement restaurée. C’est un havre. Pendant que les uns et les autres discutent avec les volontaires de Project Hope, les professeurs du centre ou leurs éléves, Bruno et moi avons le privilège de faire une très belle rencontre.

Siham est la propriétaire de la maison dont elle loue le dernier étage au CCF. Elle habite le rez de chaussée, très en contrebas à cause du relief de la ville, et son jardin surplombe la vallée. Les amandiers sont en fleurs, les pêchers bourgeonnent, les citronniers et les orangers croulent sous les fruits, la végétation est déjà  luxuriante en février à  Naplouse.

Quel age Siham a-t-elle ? 75, 80 ans peut-être. Elle était enfant en 1948. Elle est née à Haïfa, mais sa famille est originaire de Naplouse où elle-même a grandi. Elle a fait ses études en anglais –qu’elle parle avec ce délicieux accent palestinien qui fait rouler les r- à l’université du Caire. Elle a étudié aussi en Angleterre et fait plusieurs séjours à Londres, un seul à  Paris où elle a été éblouie par le Louvre.

Siham se souvient de la douceur de la vie dans cette terre qui est la sienne, elle se rappelle les week-ends au bord de la mer chez ses cousins de Gaza (qu’elle joint encore par téléphone et dont le sort l’inquiète), la famille partait de bon matin pour rentrer le soir à  Naplouse ; elle se souvient des visites à  Jérusalem, une demie heure de route pour aller au concert ou au musée ; elle se souvient de ses amis à  Tulkarem, 20 minutes de route dans la montagne, quand il faut aujourd’hui plus d’une heure, avec un trajet jusqu’au check-point, le passage à  pied puis un taxi de l’autre côté, au moins une heure pour le tout. Elle est trop âgée pour s’imposer cela, trop digne pour l’accepter.

Siham a vu sa vie et son peuple changer.

Jeune, elle portait des mini jupes et se désole des filles voilées, elle se promenait tard dans les rues d’une ville gaie et animée. Elle dit que depuis 1948, les Palestiniens n’ont plus jamais été heureux, et que la vie n’a jamais été pire que depuis la signature des accords d’Oslo.

Alors elle ne sort plus. Son seul bonheur est d’entretenir son jardin, d’y inviter à  dîner ses jeunes amis du CCF. Elle nous fait goûter des oranges amères qu’elle a confites et dont nous nous régalons. Bruno et moi quittons Siham avec beaucoup d’émotion, nous la reverrons un peu plus tard au concert donné dans l’école de musique de Sami Hammad, mais je me promets de lui rendre visite à  chaque passage à  Naplouse. A la tombée de la nuit se referme cette parenthèse magique avec une femme hors du commun, qui vit recluse chez elle. Elle a devant les yeux les « ugly buildings » de la ville nouvelle, là  où enfant, elle voyait des vergers et des oliveraies.

Comme ses oranges, Siham est amère, même si son sourire a la douceur du sucre.

18h00

L’émotion est grande aussi de revoir Sami Hammad. Derrière les branches de jasmin et de bougainvillées, il se tient sur le perron de son école de musique, il fume le cigare sous la colonnade et accueille ses invités : le concert est gratuit, il y a une boîte pour les dons. Sami Hammad est venu à Lille en décembre, c’est un homme meurtri, blessé, désespéré, mais c’est un homme debout que nous retrouvons à Naplouse.

C’est l’occasion aussi de retrouver Olivier Marie, l’accordeur de piano qui terminera en mai son séjour à Naplouse, où il a formé les deux accordeurs qui permettront à  la musique de rester vivante, malgré tout, à  Naplouse. Olivier Marie est un jeune homme d’une grande quiétude et d’une extraordinaire présence. On sent bien qu’il posséde ce qu’il faut de ressources pour supporter la vie de Naplouse, même s’il reconnaît que c’est difficile, et l’on sent bien aussi que la mélancolie de la ville le touche, que sa splendeur déchue agit sur lui comme un charme.

Nous dînons au restaurant –tout neuf, rutilant, immense villa ottomane, jardins d’eau qui voudraient imiter ceux de l’Alhambra de Grenade- à  l’invitation du Dr Jamal Alloul qui pour notre visite, a apporté du vin que plus personne ne vend désormais à  Naplouse les chrétiens peuvent le faire, mais n’osent pas…il n’y a personne pour consommer publiquement de l’alcool] et qu’il achète à  Aman en Jordanie, où vivent sa femme et ses enfants. L’atmosphére est joyeuse et détendue.

Jamal Alloul est un ancien conseiller municipal de Naplouse, en charge des relations internationales et de la coopération médicale. Il était membre du Fatah mais a démissionné, le jugeant trop corrompu. Il a beaucoup d’estime personnelle pour l’actuel maire de Naplouse, dont il vante les qualités humaines et la modération, mais regrette qu’il ne soit pas un homme fort, capable de tenir tête aux Israéliens comme aux plus radicaux des membres du Hamas.

Toute l’aimable compagnie qui nous entoure nous charge de féliciter [Régis Garrigue pour l’aide qu’il a apportée à  Gaza et le prix Erignac que l’ONG Help Doctors a reçu vendredi au Sénat.

Dimanche 8 février

9h00

Nous quittons Naplouse pour Haïfa, et passons le check point de sortie de Naplouse, où trois jeunes soldats filtrent le passage. Le casque de l’un d’entre eux porte l’expression « born to kill » inscrite au marqueur. Nous circulons une demie heure environ sur les routes de Cisjordanie, bordées d’oliveraies et d’amandiers en fleurs, mais quasi désertes, pour arriver au check-point d’entrée en territoire israélien.

Le contraste est saisissant. Nous quittons le dénuement pour la richesse. Notre chauffeur, Ibrahim, attire notre attention sur les villages arabes d’Israël et décrit leurs habitants comme de riches privilégiés. Nous arrivons à Haïfa une heure plus tard, après avoir roulé sur de larges autoroutes urbaines bordées de centres commerciaux, où l’abondance le dispute à  la vulgarité de ces paysages désolants de la mondialisation triomphante, qui nous sont hélas si familiers.

Haïfa est une ville spectaculaire qui donne l’impression de se jeter dans la mer depuis le mont Carmel qui la surplombe. Des hauteurs, la vue sur le port est impressionnante. Des cargos font un va-et-vient incessant, protégés par les vaisseaux militaires qui croisent au loin. La ville est très étendue, très verdoyante, on retrouve dans la vieille cité -arabe- le charme architectural de l’orient méditerranéen que n’ont pas les constructions plus récentes.

12h00

Nous sommes accueillis par Iaakov Bazac, conseiller du maire d’Haïfa aux relations avec les pays francophones. Il nous emméne déjeuner. Rina nous accompagne aussi. Elle est le professeur venue cet été avec les enfants d’Haïfa qui ont séjourné au village international des enfants en juillet dernier à Lille. Elle garde un excellent souvenir de leur séjour, son enthousiasme est communicatif.

Iaakov nous fait faire, en bus, un tour de la ville avec une guide qui insiste beaucoup sur la coexistence pacifique de toutes les communautés –juifs, arabes, chrétiens, musulmans, druzes, achmédes, etc, sous l’œil bienveillant d’un Dieu, le même pour tous, qui veille à  la concorde- dans la ville d’Haïfa. Le propos est tellement appuyé que l’agacement nous gagne, il ne nous viendrait en effet pas à  l’idée, pour vanter les qualités touristiques de notre ville, d’insister sur ses atouts religieux…

15h30

Avant la rencontre avec le maire d’Haïfa, le responsable du futur Life Sciences Park, grand complexe de recherche dans le secteur des biotechnologies, nous présente le projet et les pistes de partenariat qu’il souhaiterait nouer avec Eurasanté et Euratechnologies (recherche sur les cellules-souches par exemple).

16h00

Le maire, Yona Yahav nous reçoit dans son bureau. C’est un homme cordial, très heureux de notre visite, qui nous rappelle comme il a apprécié l’accueil qui lui a été fait à Lille en février dernier lors de sa demande de coopération, et nous dit qu’il serait très honoré de recevoir notre maire dans sa ville. S’il ne remet pas en cause l’intervention militaire israélienne à Gaza, il comprend l’émotion qu’elle a suscité à  Lille et plaide pour la paix. Il nous félicite pour la démarche de paix que nous entreprenons avec ce déplacement à  Naplouse et Haïfa. Il espère que les élections du mardi suivant donneront Kadima et Tzipi Livni gagnantes et qu’un réel processus de paix, qui permette à Israël de vivre en sécurité (Haïfa a été bombardée par les tirs de roquette du Hezbollah libanais en 2006) et aux Palestiniens d’avoir un Etat souverain. Il insiste sur le fait que les trois premiers maires d’Haïfa, après la création de l’Etat d’Israël en 1948, étaient des Arabes, et rappelle que dans sa ville, toutes les communautés coexistent dans le respect mutuel.

16h30

Nous avons rendez-vous avec le Dr Oscar Embon, directeur de l’hôpital de Safed, (ville jumelée avec Lille depuis 1988, haut lieu du judaïsme, centre d’étude de la Kabbale), avec lequel se poursuivent des coopérations hospitalières malgré le fait que l’ancien maire ait rompu les relations avec Lille, du fait de son jumelage avec Naplouse en 1998. Oscar Embon est un homme admirable, tout de douceur, de tempérance et d’humanisme, esprit fin et humour léger qui s’inquiète des répercussions politiques intérieures de la « guerre de Gaza » telle qu’il la nomme. Il redoute une double victoire de la tendance radicale du Hamas, et de l’extrême droite israélienne, qui compromettraient pour de longues années encore, l’indispensable paix qu’il appelle de ses vœux. Oscar Embon espère néanmoins qu’il réussira, avec ses amis médecins palestiniens et lillois entre autres, à  réaliser les Rencontres Médicales pour la Paix (prévues initialement en 2004) dont le but est de produire des rencontres entre médecins israéliens, palestiniens et européens. Il est pessimiste pour les deux ou trois années à venir, mais veut croire qu’elles auront lieu. Je lui promets que nous l’y aiderons avec toute l’énergie dont nous serons capables, en particulier grâce au support des villes partenaires d’Euronaplouse et du COEPPO.

17h00

Lisa Keshet, se joint à nous. Elle est directrice des relations publiques du Collège académique de Safed (une université) et espère pouvoir nouer des partenariats dans le domaine du Droit et des professions paramédicales avec des universités lilloises. Au dîner, je discute longuement avec Florence Traullé et Emmanuel Crapet de la compensation carbone volontaire que je souhaite mettre en place dans le cadre d’une politique de réflexion sur les déplacements, d’abord dans les délégations des relations internationales et de la culture, puis, plus généralement avec les services de la ville et les associations qui sont nos partenaires. La question est d’importance, on y songe forcément lorsque nous sommes en mission.

Lundi 9 février

9h00

Nous avons rendez-vous à  l’école de l’Alliance (qui agit pour la promotion de la culture juive) d’où venait les jeunes d’Haïfa l’été dernier. La directrice et la professeur de français nous reçoivent chaleureusement, des élèves chantent pour nous en français des chansons qui font partie de leur apprentissage, leurs jolies voix nous charment. Nous les remercions, et rappelons notre attachement à  ces rencontres de jeunes, tellement importantes pour favoriser la connaissance de l’autre et le dialogue.

10h30

Madame Loan Forgeron, Consul Général de France à  Haïfa et Directrice du CCF nous reçoit au consulat, pour une séance de travail récapitulative de nos rencontres. Cette femme subtile a bien compris le sens de notre visite en Palestine et en Israël et mettra tout en œuvre, avec son successeur, pour qu’elle aboutisse. Elle propose de nous faciliter les contacts pour nouer des relations avec avec le festival du film d’Haïfa co-organisé par le CCF d’Haïfa et faciliter les échanges de jeunes. Elle accueillera elle-même le Dr Marciniak, médecin lillois qui doit se rendre en mai à Safed et veillera à  ce que le nouveau maire (Kadima) élu cette année, renoue les relations avec Lille, dans l’intérêt de la démarche de construction d’une paix juste et durable au Proche-Orient (il a d’ailleurs écrit à  Martine Aubry). Elle nous apprend, en guise de conclusion, qu’elle est chargée par le gouvernement français de négocier en faveur de la libération du soldat franco-israélien Gilad Shalit et de veiller à la détention, dans les meilleures conditions possibles, du franco-palestinien Salah Hammouri, avant sa libération prochaine, espère-t-elle.

14h00

Retour vers Tel Aviv, d’où notre avion décolle à 17h. Nous parvenons à l’embarquement après une série de contrôles très poussés. Les services de sécurité de l’aéroport considèrent avec une extrême suspicion notre visite à Naplouse et l’invitation du maire d’Haïfa, pas plus que le caractère très officiel et institutionnel de notre mission n’y changent quoi que ce soit. Nos bagages sont fouillés aussi longuement que nous sommes interrogés.

En attendant le décollage, nous faisons un rapide debrieffing de la mission, que Martine Filleul et moi jugeons réussie. Florence et Emmanuel nous remercient de leur avoir permis d’assister à cet exercice délicat de construction du dialogue. Je demande à  Isabelle Baert ce qu’elle en a pensé. Alors qu’elle avait admis avoir revu ses positions au sujet de la Palestine, en particulier en étant témoin des difficultés quotidiennes de l’existence, elle me déçoit en reprenant sa casquette UMP, et se lance dans une vigoureuse diatribe contre ma présence dans les manifestations lilloises. Je reprends la longue explication au sujet de la réception du collectif en mairie, de la position des Verts, etc, rien n’y fait. Elle n’a vu que des Palestiniens dans la rue, elle aurait voulu voir des Israéliens à  leurs côtés. Je reste interdite : quant à  moi, c’est avec des Lillois que j’ai défilé !

19h30

A mi-parcours, le commandement de bord annonce que nous faisons demi-tour, l’aéroport de Roissy est fermé en raison d’une tempête. Retour à Tel Aviv, nouveaux contrôles d’entrée, hôtel, contrôles de sortie…

Mardi 10 février

6h30

Aéroport de Tel Aviv : contrôles encore. Nous arrivons à  Lille à  16h30. Il nous reste deux jours pour achever la préparation du programme Euronaplouse, pour officialiser l’existence du réseau qui sera constitué à  Lille en fin de semaine, avec nos partenaires européens du COEPPO.

Marie-Pierre Bresson
Adjointe à  la coopération décentralisée et à  la solidarité internationale

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