Intervention de Jean-Vincent Placé sur le Projet de Loi de Finances Rectificatif 2012
Monsieur le Président, Madame la Ministre, Madame la Rapporteure, Mesdames, Messieurs,
Permettez-moi de commencer en citant un Président de la République. Son nom est Jacques Chirac. Jacques Chirac disait : « Plus c’est gros… Mieux ça passe ! » La boutade, qui relève peut-être en partie de la sagesse populaire, le Président de la République et son collaborateur l’ont érigé, semble-t-il, en devise personnelle. Je m’explique.
Cinq ans. Cela fait cinq ans, que le pouvoir en place mène une politique économique désastreuse pour la France, les Françaises et les Français. Cinq ans que nous nous engageons sur un chemin où la rigueur et l’injustice forment le seul modèle que ces dirigeants soient capables de nous proposer. Et ils récidivent !
2
« Plus c’est gros, mieux ça passe ? » Alors allons raconter aux Français qu’en augmentant la TVA, on n’augmente pas les impôts ! Que ça n’augmente pas les prix ! Et que c’est bon pour eux !
Là ça ne passe plus. L’arbre ne cache plus la forêt, le désastre est trop important, trop visible. En lançant des réformes, comme des bouées à la mer, Vous espérez certainement faire oublier le bilan catastrophique du Gouvernement :
– un chômage record, – une dette qui a explosé (et pas seulement à cause de la crise, vous le savez bien), – et un triple A, dont vous aviez fait l’élément central de votre politique, perdu, symbole de votre échec. Il faut au Président de la République aujourd’hui bien du culot pour venir se présenter en sauveur de la crise. Les idées, il fallait les proposer avant la veille de l’élection !
1/ Mesures « cosmétiques »
– L’apprentissage et l’emploi
Vous prétendez améliorer l’emploi avec une réforme de l’apprentissage. Mais qu’avez-vous mis en œuvre pour atteindre ce « plein emploi » promis par Nicolas Sarkozy en 2007 ?
« Ensemble, tout est possible » : c’est bien ce qui m’inquiète ! Je constate qu’approcher la barre de 10% de taux de chômage, ah ça oui, oui c’est possible ! Nous y sommes presque !
Cela représente plus d’un million de personnes supplémentaires à Pole Emploi, institution qui fonctionne d’ailleurs très mal. En moyenne, il y a 1 conseiller pour 200 demandeurs d’emplois ! Comment les conseillers peuvent-ils travailler correctement dans ces conditions ? Au lieu de stigmatiser les chômeurs, le Gouvernement ferait mieux de s’en occuper davantage. Ce dont nous avons besoin, ce sont des mesures contre le chômage et vous nous proposez des mesures contre les chômeurs !
Les heures supplémentaires ont-elles permis de diminuer le chômage ? Non ! bien au contraire ! En plus d’être inefficace, cette mesure absurde est dispendieuse : plus de 4 milliards d’euros par an, soit l’équivalent du coût de 100 000 emplois ! Et je ne parle même pas des 100 000 fonctionnaires supprimés par la RGPP.
La droite a, tout à la fois, créé du chômage de masse et précarisé le travail. Vous voulez que les choses s’améliorent pour l’emploi en France ? Je vais vous proposer une chose simple : arrêtez ! Ne touchez plus à rien, par pitié cessez le carnage !
– La taxe sur les transactions financières
« Arrêter, me direz-vous ? Alors que l’élection présidentielle est dans deux mois ? Vous n’y pensez pas ! » L’élection approche, donc il faut séduire le camp adverse, reprendre des formules fortes, derrière lesquelles cacher un contenu creux. C’est le parfait exemple de la TTF.
Vous ne trompez personne avec cette « pseudo-mesure ». Même le Royaume-Uni applique un taux 5 fois plus élevé que celui que vous nous proposez. Autant dire une goutte d’eau dans l’océan des transactions financières.
Le système britannique prévoit également une « exit tax » de 1,5 % pour les actions négociées à l’étranger, alors que le Gouvernement préfère un système déclaratif qui restera en pratique lettre morte, faute de pouvoir sanctionner les opérateurs étrangers.
Par ailleurs, comme nous ne sommes plus à un paradoxe près, je me permets de remarquer qu’il est assez contradictoire d’afficher l’intention de taxer les transactions financières et, dans le même temps, de supprimer, dans votre texte initial, celle sur la cession d’actions et de parts sociales, dont la création n’avait donné lieu à aucune contestation.
Le comble, c’est que lorsque nous avions proposé la taxation des transactions financières, vous trouviez cela complètement aberrant. Vous nous imploriez, il y a quelques mois, de retirer un amendement visant à taxer les transactions financières. Je cite M. Lellouche, présent ce jour-là au banc du Gouvernement :
« De grâce, évitons un geste isolé qui serait contre-productif à la fois pour notre place financière et pour ce combat que nous menons avec conviction ». Le Gouvernement se présente comme le héraut de cette idée aujourd’hui.
Comment expliquer ce retournement de situation ? Quelle est la cohérence de votre projet pour la France ? N’avez-vous aucune vision de long terme ?
2/ Mesure à contre-emploi : la TVA sociale
La proposition d’une TVA sociale, ne nous rassure guère sur ce point. Vous pouvez très bien, chers collègues de l’UMP, dire :
« Une augmentation généralisée de la TVA ? en aucun cas ! Pour une raison assez simple. C’est que ça pèserait sur le pouvoir d’achat des Français, sur la consommation des français, et que ça serait injuste… Et j’ai le devoir de veiller à la justice.
Et donc ça serait facile mais injuste. » Vous pourriez le dire car ce sont les mots de Nicolas Sarkozy, le même qui défend aujourd’hui corps et âme cette mesure. Facile, mais injuste. Il faut croire que vous avez choisi la facilité plutôt que la justice.
La TVA sociale représente en effet, l’impôt le plus injuste. Il pénalise les ménages les plus modestes. Elle représente 14 % du revenu des ménages les plus pauvres, contre seulement 5 % du revenu des plus riches. Déjà le passage du taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 % pénalisait les ménages et le développement durable en s’attaquant à l’eau, aux transports en commun, à la rénovation des logements… Mais désormais c’est l’ensemble du budget des consommateurs qui va être impacté, et ce en pleine période de crise.
Une hausse de la TVA va fatalement augmenter des prix. Dire le contraire serait mentir au Français, et vous le savez très bien puisque tous les exemples le prouvent. En Allemagne, que vous aimez tant citer, la Bundesbank a étudié les conséquences de la hausse de trois points de TVA en Allemagne, en 2007. Cette hausse a entrainé une augmentation des prix de 2,6%. Sachant que depuis un an, les prix ont déjà augmenté de 2,3%, a-t-on vraiment besoin de cela ?
Pourquoi Monsieur le Président-candidat, si attaché aux référendums dernièrement, ne soumet-il pas l’idée de la TVA sociale au prochain référendum à venir : celui du 22 avril 2012 ? Peut-être n’est-il pas bon de demander son avis au peuple lorsqu’il ne s’agit pas de racoler des voix? En effet, ce serait un pari risqué puisque la hausse de la TVA de 19,6 à 21,2% pour financer une baisse des charges patronales sur les salaires n’est considérée comme une « bonne décision » que par 28% de l’ensemble des français selon un sondage. (BVA).
Le caractère injuste de la TVA fait, je crois, l’unanimité.
Mais elle est également foncièrement inutile et même dangereuse. Dangereuse, parce qu’elle représente une course à l’échalote pour le dumping social.
En effet, même si le mécanisme fonctionnait, et que la baisse des charges patronales permettait de restaurer la compétitivité des entreprises, celles-ci seraient-elles capable de faire face aux prix de la Chine ? J’en doute fort ! L’écart est bien trop important, et nous le savons tous.
Notre adversaire est, en fait, notre allié : l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, l’Italie… C’est une Europe du « tous contre tous » que nous propose le Gouvernement ? Est-ce celui qui propose les salaires les plus misérables qui l’emporte ? Va-t-il falloir revenir sur tous les acquis sociaux, petit à petit, pour être compétitif face à la Pologne, la Roumanie ?
C’est un jeu dangereux auquel les écologistes ne souhaitent pas prendre part. Au contraire, les écologistes souhaitent une Europe solidaire, cohérente, qui s’ajuste par le haut et non pas vers le bas.
Les sacrifices des Français et des Françaises ne peuvent être gaspillés dans des combats perdus d’avance. Cet effort permettra-t-il de financer les écoles, la santé ou le développement durable ? Non, c’est simplement un cadeau de plus aux entreprises. Et pour quel résultat ?
Dans le meilleur des cas, cette mesure bénéficierait à seulement 25 % à l’industrie, secteur économique pourtant le plus directement exposé à la concurrence internationale.
3/ Pour des mesures ambitieuses et efficaces : la conversion écologique de l’économie C’est un projet sans vision stratégique de long terme, que vous nous présentez. Au lieu d’investir dans les filières d’avenir, comme les énergies renouvelables, l’isolation des bâtiments, les transports en commun… par exemple, ou organiser la reconversion, vous préférez vous entêter à investir, à fond perdu, dans des filières du passé, vouées à disparaitre.
Mais le développement durable, et le formidable vivier d’emplois qu’il recèle pour notre économie, cela ne semble pas vous intéresser. Vous préférez vous appuyer sur un modèle de développement obsolète. Les pansements que vous proposez n’y feront rien, car le mal est structurel et non conjoncturel, comme vous essayez de faire croire, à qui veut bien l’entendre. La crise, c’est la politique de dérégulation mise en Å“uvre par votre famille politique qui l’a créée.
Conclusion
Ce dernier « coup de communication » sonne le glas de votre échec. De l’échec d’un Président-candidat impuissant qui détourne honteusement les moyens du Parlement pour faire campagne.
S’il veut présenter un nouveau projet économique pour la France, qu’il le fasse pendant ses meetings et non pas par le biais d’un PLFR inopportun, à 2 mois de l’élection présidentielle. Vous l’aurez compris, les écologistes estiment que ce débat n’a pas lieu d’être au sein de la Chambre Haute. C’est pourquoi nous voterons unanimement la question préalable. Je vous remercie.