La PAC et L’Europe dans la crise: quels modèles agricoles pour sauver nos agriculteurs et nos territoires ? quelle contribution à la transition écologique et à l’alimentation mondiale ?

Conférence-débat animé par Patrick Salez, expert en politiques territoriales et aménagement du territoire, ancien fonctionnaire de la Commission européenne,

La Rochelle, salle Emile Combes, 10 Avril 2013, 20h

 

 

La PAC a constamment évolué durant ses cinquante années : la régulation des marchés s’est progressivement effacée sous la pression des négociations internationales, les aides directes au revenu agricole se sont amplifiées ainsi que les aides sur projets, co-financées par les Etats (dites « second pilier ». Et le bilan est positif du strict point de vue de l’auto-suffisance alimentaire en Europe et de la compétitivité de certaines filières agro-industrielles.

 

 Mais les carences sont évidentes et la crise de la cinquantaine inquiétante : la PAC ne s’est pas suffisamment adaptée à ses nouveaux enjeux. Yo-yo infernal des prix sur les marchés agricoles, disparition des paysans, fracture de certains territoires ruraux, dégradation des milieux naturels, pollution des eaux et autres marées vertes, scandales de l’alimentation.

 

 Qui plus est, notre cinquantenaire reste fondamentalement inéquitable : entre pays, entre régions,entre acteurs au sein des filières, entre agriculteurs. Et le citoyen, le consommateur s’interrogent :représentant 40 % du budget européen (soit 58 Mds d’euros/an), coûtant à chacun 120 euros/an, cette PAC n’a-t’elle pas le devoir d’être vertueuse et de servir le bien commun ?

 

 L’agriculture est aujourd’hui un double révélateur : celui d’une crise profonde de notre modèle de développement, celui d’une crise du projet et de l’identité européens. La PAC, au delà des questions techniques et financières, soulève une grave question de société ; elle nécessite un projet global s’appuyant sur une vision politique et des débats citoyens. Pour moi ce projet devrait répondre à trois objectifs :

 

Premier objectif, une agriculture durable : apportant un revenu stable et suffisant, créatrice d’emplois, attractive pour les jeunes candidats à l’installation; socialement équitable, favorisant l’autonomie professionnelle des conjoints d’agriculteurs et faisant vivre tous les territoires ; saine pour l’environnement et l’alimentation. Il y a de la place en France pour une agriculture diversifiée, pour les deux grands modes de production actuels : grandes exploitations à caractère industriel, petite agriculture « paysanne » ; mais également pour une troisième voie, celle de l’agro-écologie.

 

Second objectif, une agriculture participant à la transition écologique: adaptée au changement climatique ; moins consommatrice d’énergies fossiles ; productrice d’énergie à partir de sa biomasse : bois, résidus (bio-carburants de 2ème génération), déchets (méthanisation).

 

 Troisième objectif, une agriculture participant à la sécurité alimentaire mondiale, solidaire des paysanneries du Sud. Il faudra nourrir 9,3 millards d’êtres humains en 2050 dans un contexte très difficile : impacts du changement climatique ; artificialisation, accaparement, épuisement des terres agricoles ; production d’agro-carburants et d’OGM à grande échelle. La PAC doit donner l’exemple d’une agriculture moins gaspilleuse de ressources devenues rares : terres, eau, énergie. Les débats actuels sur la qualité de notre alimentation manquent d’une réflexion plus large sur les systèmes alimentaires: réduire la ration calorique moyenne et diminuer la consommation de viande sont des voies possibles pour nourrir correctement la population mondiale.

 

Reconnaissons-le, la Commission européenne, dans ses propositions pour l’après-2013, a effectué quelques avancées vers l’objectif d’une agriculture durable en rendant la PAC plus équitable, plus efficace, plus « verte », plus territoriale. Les aides aux revenus se voient plafonnées et ces revenus sont protégés contre la volatilité des marchés, la recherche et l’innovation sont privilégiées; les pratiques écologiques reçoivent 30 % des aides directes et la fourniture de services environnementaux ainsi que l’agriculture biologique sont encouragées; l’installation des jeunes agriculteurs, les petits exploitants, les circuits courts d’approvisionnement, les zones fragiles (montagnes en particulier) reçoivent une attention particulière ; l’emploi rural et le développement local sont stimulés.

 

 Mais la Commission est restée timide sur la transition énergétique (malgré quelques mesures ciblées) et la sécurité alimentaire mondiale ; ces deux objectifs relèvent pour l’essentiel d’autres politiques européennes dont la cohérence avec la PAC n’est pas suffisamment assurée.

 

Une nouvelle fois, les récentes négociations budgétaires ont été décevantes, chaque Etat ne songeant qu’à son retour sur investissement . Et la voix du Parlement européen, pourtant devenu un acteur majeur avec le traité de Lisbonne, est restée trop hétérogène pour peser sérieusement sur le contenu de la PAC. Mais celle-ci, une fois « ratifiée », est essentiellement une boîte à outils dans laquelle viennent puiser les gouvernements. La France prépare sa loi d’avenir pour l’agriculture, l’agro-alimentaire et la forêt et certaines priorités y apparaissent essentielles : forte promotion de l’agro-écologie, ré-équilibrage des aides en faveur des éleveurs en difficulté, régionalisation d’une partie des aides (à l’heure de l’Acte III de la décentralisation) ; ainsi que des plans  pour l’agriculture biologique, les protéines végétales et la méthanisation.

 

 Pour l’après-2020, un Pacte de société reste à construire ; un Pacte agricole, territorial, alimentaire, énergétique ; se préoccupant de l’emploi agricole (un gisement de 3 millions aujourd’hui en Europe) et de la santé publique. Un Pacte qui transformerait la PAC en PATATE : Une Politique Agricole et Territoriale pour l’Alimentation et la Transition Ecologique !

 

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