La Matinale de Canal+ (12/12)
Nous allons maintenant recevoir l’invitée politique de la Matinale : Eva Joly, candidate EELV à l’élection présidentielle, députée européenne. Sa campagne est un happening permanent ; son coup de colère lors de l’accord avec le PS, son coup de griffe à François Hollande, la polémique sur son accent, et enfin son éloge à François Bayrou. Du coup, elle dévisse dans les sondages.
C’est vrai que c’est rock’n’roll comme entrée en campagne. Est-ce que vous concédez quelques erreurs ?
Je pense que les causes que je porte sont au centre des débats, et c’est déjà un assez beau résultat. Nous sommes un petit parti, et avoir réussi dans les derniers mois à placer tous nos projets et nos valeurs au centre des débats, ce n’est déjà pas si mal.
Y compris quand il s’agit de dénoncer l’accord EELV avec le PS ? On est au centre du débat, mais pour la bonne cause ?
C’était aussi une manière d’attirer l’attention sur l’importance du débat sur le nucléaire, et sur le fait qu’il faille continuer dans la sortie du nucléaire.
Donc vous ne concédez pas d’erreur dans ce début de campagne ?
Non, je pense que j’ai assuré.
Est-ce que vous assurez aussi, quand, sur le plateau du Grand journal de Canal+, vous faites l’éloge de François Bayrou ? Vous avez dit que c’était un homme de courage, on se souvient qu’en 2008 vous aviez été proche du Modem. Vous avez dit : « il a raison, les problèmes que nous devons affronter sont graves, et réunir nos forces à la fin c’est une nécessité ». Alors la question est très précise : comment comptez-vous réunir vos forces avec François Bayrou ?
Pour moi c’est clair que si nous voulons modifier notre avenir énergétique, notre façon de produire, de consommer, cela ne peut pas se faire qu’à partir d’EELV. Il faut une alliance. Cette alliance, nous l’avons déjà établie avec les socialistes, mais sur cette base, l’adhésion du Modem est tout à fait possible, mais sur nos valeurs, c’est-à -dire la transformation écologique de l’économie par exemple.
Vous considérez que vous avez autant de points communs avec François Bayrou qu’avec François Hollande ?
Non, nous avons un accord avec le PS, j’ai un accord avec François Hollande, mais une majorité plus large serait un avantage.
Mais dans les mots, c’est vrai que si l’on prend les phrases les unes avec les autres, vous avez été très dure vis-à -vis des socialistes, et plutôt souple avec François Bayrou. Est-ce qu’il faut en tirer une leçon politique ?
Cela veut simplement dire que nous avons besoin de toutes les forces du pays pour conduire le changement. On le voit par exemple dans l’échec relatif de Durban, tous les pays doivent faire des efforts. Ce que je voudrais, c’est inscrire la règle d’or climatique dans notre Constitution, et pour cela nous aurons besoin de tout le monde.
Il y a quelque chose que je ne comprends pas. Pendant la campagne interne chez les Verts, vous aviez été très virulente à l’égard de Nicolas Hulot, qui avait concédé qu’il avait à un moment pensé à faire un tandem avec Jean-Louis Borloo. Vous considérez clairement aujourd’hui que François Bayrou est un homme de gauche ?
Non, François Bayrou est un homme du centre-droit. Sa vision politique, européenne par exemple, diffère de la mienne. C’est un homme de l’austérité, qui est très attaché au AAA, et qui veut la règle d’or budgétaire, c’est une grande différence avec nous. Il y a des différences, je l’ai simplement crédité du fait que c’est un européen convaincu, et un homme qui a des valeurs.
Pour clore ce chapitre, quelle forme pourrait prendre cette alliance dont vous nous parlez ?
Autour d’une majorité présidentielle, pour conduire tous les changements du pays, nous avons besoin de l’ensemble des forces. Si François Bayrou est d’accord avec nos valeurs, il est le bienvenu.
Nous allons passer à Durban que vous venez d’évoquer, et qui occupe une toute petite place dans l’actualité.
Oui, alors que c’est un problème majeur.
Les trois principales puissances émettrices de gaz à effet de serre n’ont en fait pas décidé grand chose : ils ont décidé d’un accord pour négocier en 2015. Est-ce que ça veut dire que l’écologie n’est plus un sujet ? Que ce n’est plus très grave ce qui s’est passé à Durban ?
C’est très grave. On peut dire que c’est mieux d’avoir un petit accord que pas d’accord du tout, mais compte tenu de l’enjeu, des perturbations climatiques, de ce que cela veut dire pour des milliards de personnes, et surtout du fait que les émissions sont concentrées par 13% de la population, au détriment du plus grand nombre, les conséquences sont terribles. Nous allons avoir des centaines de millions de réfugiés climatiques, nous devons agir. Ce que cette absence d’accord veut dire, c’est que nous devons prendre notre propre responsabilité comme pays.
Est-ce que vous regrettez qu’on ne parle pas assez de ces sujets dans la campagne ? Est-ce que ce n’est pas l’échec de votre candidature et de ce parti qui porte principalement les sujets écologistes ?
Moi j’en parle énormément, mais les médias fonctionnent d’une telle façon que l’intérêt est beaucoup plus autour de la petite phrase, qu’autour des vrais enjeux. Durban et le changement climatique sont de véritables enjeux, et nous devons en attendant 2015, travailler à respecter l’augmentation de 2 degrés maximum. Je voudrais que tous les candidats à la présidentielle prennent l’engagement de réduire de 30% les émissions de CO2 d’ici 2020. C’est mon pacte écolo à moi.
Maintenant, le j’aime/j’aime pas. Aimez-vous l’accent belge ?
J’aime, bien sûr.
Vous aimez tous les accents, c’est à voir sur le site d’EELV.
Le silence de François Hollande sur les malversations financières au Pas-de-Calais ?
Je n’aime pas.
C’est son affaire au candidate socialiste ?
Je n’aime pas les affaires d’une façon générale. Ici aussi, il est important que les enquêtes soient faites, que les partis politiques soient vigilants. Il faut être conscients que les affaires salissent la France, donc la vigilance est de mise.
François Hollande doit-il s’exprimer sur cette histoire ?
Il doit, avec Martine Aubry, être vigilant sur cette question, et faire en sorte que la justice puisse enquêter.
François Fillon qui est incognito sur Twitter, vous aimez ?
Non, je n’aime pas.
Vous êtes allée voir s’il vous suivait ? Et pourquoi vous n’aimez pas ?
Être anonyme n’a pas de sens, c’est une grande communauté et chacun participe. C’est un voyeur, donc.
Oui, il s’est clairement présenté comme ça, d’ailleurs.
Jack Lang sans circonscription à 72 ans, vous aimez ?
J’aime.
Il faut qu’il tourne la page ?
Vous savez, dans une république exemplaire, il y a aussi une limite dans le temps au nombre de mandats, et beaucoup de nos problèmes, notamment dans le Pas-de-Calais, viennent du fait qu’on puisse être député ou député-maire pendant trente ans. Ça n’est pas normal, et dans une république exemplaire, le nombre de mandats dans le temps sera aussi limité.
Merci beaucoup Eva Joly d’avoir été avec nous. Je vous renvoie vers ce petit clip très amusant sur votre site, à propos de cette affaire des accents.