Zone Euro : « Se focaliser sur l’austérité, c’est enfoncer l’Europe dans la récession »

Les Etats-membres se réunissent le 8 décembre pour débattre, une nouvelle fois, de l’intégration économique de la Zone Euro… Au cœur des préoccupations : le changement des traités européens nécessaires à la création d’une véritable Union économique. En aparté à Paris, le couple franco-allemand a déjà présenté ses propositions toujours axées sur la discipline budgétaire. Pour les écologistes, des solutions plus démocratiques et solidaires existent afin de sortir durablement de la crise, la tête haute pour l’Europe.

Règle d’or et discipline budgétaire : la fausse piste

Nicolas Sarkozy et Angela Merkel souhaitent que les Etats-membres inscrivent dans leur loi fondamentale l’exigence de l’équilibre budgétaire. C’est l’application concrète de cette discipline qui va être débattue au Conseil européen cette semaine. En rebattant la carte de l’austérité, le couple franco-allemand tente de rassurer les marchés et montre sa volonté d’assainir les finances publiques en Europe. Cette stratégie est à courte vue. Elle a l’apparence du bon sens – qui n’est pas pour des budgets en équilibre ? – mais est totalement insuffisante et déséquilibrée pour faire face à la crise.

Se focaliser sur les dépenses publiques et l’austérité, c’est risquer un peu plus d’enfoncer l’Europe dans la récession. Pour les écologistes, l’UE doit au contraire jouer le jeu de la solidarité et investir dans l’avenir. Il s’agit d’abord de relancer la croissance, une relance « verte » de l’économie, créatrice d’emplois largement non délocalisables. Il est également possible d’instaurer plus de justice sociale pour ne pas exacerber la pauvreté. Le levier fiscal doit être actionné : en harmonisant la fiscalité européenne, nous contiendrons une concurrence qui ne bénéficie qu’aux riches et fait les beaux jours des multinationales.

Changer les traités : oui, mais pour faire un saut fédéral et démocratique

Pour renforcer la discipline budgétaire, le couple Merkel-Sarkozy prône la dés-union européenne. Les deux chefs d’Etat veulent éviter la course de fond démocratique que représente une modification en bonne et due forme des traités européens. Il propose aux 17 Etats-membres de la Zone Euro – à défaut des 27 – d’agir plus vite et plus fort… en passant outre le Parlement européen et les ratifications parlementaires nationales. Leur idée : modifier uniquement le protocole du Traité sur le fonctionnement de l’UE qui définit la procédure concernant les déficits excessifs, ce qui peut être fait par un simple accord entre chefs d’Etats. Passer par une « coopération renforcée » entre les Etats-membres de la Zone Euro est une solution inacceptable car elle dessine une architecture européenne purement intergouvernementale et gomme les contrôles démocratiques existants, comme celui du Parlement européen incluant des membres des 27 Etats-membres.

La création d’une vraie Union économique doit se faire à 27, ou à défaut à 25 Etats-membres (c’est-à-dire sans l’Angleterre et le Danemark qui ne se sont pas engagés dans la voie de l’Euro). Pour effectuer les bonnes réformes – celles qui garantiront une solidarité commune entre pays européens comme les « euro-obligations » ou la création d’un Trésor européen – il faut suivre la longue route de la démocratie. Un itinéraire plus complexe : en vue de la modification des traités, une « Convention » devrait être convoquée et associer la société civile européenne qui doit s’emparer de ces sujets, mais surtout le Parlement européen, les parlements nationaux, les représentants des Etats et de la Commission… qui tenteraient de trouver un compromis. Ensuite, les Etats ratifieraient chacun leur tour et démocratiquement ces modifications extraordinaires des textes fondamentaux qui permettent de gouverner l’Europe.

En attendant, et avec les traités actuels, il est possible d’agir rapidement afin de trouver une sortie à la crise de la dette dans laquelle sont plongés les Etats. « Nous pouvons, par exemple, activer les clauses passerelles pour faire passer les questions fiscales de l’unanimité actuelle à la majorité qualifiée, ou de faire en sorte que l’évaluation des projets de loi de finances nationaux par la Commission fasse l’objet d’une validation par le Parlement européen… », expose Pascal Canfin, eurodéputé EELV. Mais encore faut-il en avoir la volonté politique !

L’Union économique fait la force

Une plus grande intégration économique… Face à ce saut fédéral, les Etats-membres reculent, reculent. Pourtant, grâce à cette union économique, nous pourrons régler les problèmes structurels de la Zone Euro. Elle repose sur quatre piliers indissociables que soutiennent les écologistes :

  • d’abord, une mutualisation d’une partie des dettes publiques et l’émission d’euro-obligations par un Trésor-ministère des finances de la Zone Euro
  • ensuite, une gestion concertée des déséquilibres macroéconomiques
  • la création d’un budget européen de 5 % du PIB : il doit être adossé à des ressources propres
  • et enfin, le passage de certaines questions fiscales (taxe sur les transactions financières, fiscalité des multinationales, fiscalité de l’épargne, lutte contre les paradis fiscaux…) à la majorité qualifiée qui permet d’éviter certains blocages systématiques liés à l’unanimité.

 

Ces évolutions iraient de pair avec un renforcement de la capacité d’action de la Banque centrale européenne, et la création d’un Pacte de « soutenabilité » qui se substituerait au Pacte existant dit de « stabilité » conclu entre les pays de la Zone Euro. Il intégrerait des objectifs communs financiers mais aussi sociaux et environnementaux… Cette ligne de conduite n’est pas une nouveauté puisque les institutions ont déjà inscrits ces intentions, noir sur blanc, dans leur stratégie décennale pour l’Union européenne à l’horizon 2020.

Lire aussi la tribune de Daniel Cohn-Bendit et Eva Joly : « Le traité Merkozy ou l’impasse européenne » sur Europeecologie.eu

 

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