Menaces sur le site PSA d’Aulnay-Sous-Bois, les écologistes interrogent Jean-Paul Huchon

Groupe Europe Ecologie Les Verts
Question d’actualité
15/02/12 

La menace qui pèse sur la pérennité du site PSA d’Aulnay-Sous-Bois est symptomatique des défis posés à l’industrie automobile francilienne. La baisse des effectifs constatée pourrait s’accélérer : en 2004, le site comptait près de 5000 contrats à durée indéterminée (CDI) et environ 1700 contrats précaires, postes pour la plupart occupés par des habitants du département, alors qu’il n’en reste plus que 3000 CDI et 330 intérimaires aujourd’hui. Maintenant, c’est la fermeture du site qui est évoquée, si l’on en croit une note interne de juin 2011. La manifestation, organisée samedi 18 février à Aulnay, viendra rappeler cette inquiétude.

A Aulnay-Sous-Bois ou Poissy aujourd’hui, à Rambouillet ou à Asnières hier, les destructions d’emplois dans l’automobile se succèdent, alors que le secteur représente plus de 120 000 emplois directs et indirects en Ile-de-France. En parallèle, la qualité des emplois, comprimée par la réduction des coûts, diminue. Ces destructions participent à la désindustrialisation de la région, qui a perdu 300 000 emplois industriels depuis 1993. Chaque année, entre 1990 et 2005, l’emploi salarié du secteur a ainsi diminué de 2,4% en moyenne. C’est l’ensemble de la filière qui est affecté, depuis les constructeurs jusqu’aux différents sous-traitants, en passant par les équipementiers. Au total, sont concernés en Ile-de-France environ 1000 établissements, 50 000 emplois directs, 78 000 emplois indirects.

La Région, en tant que chef de file du développement économique, a une triple responsabilité sur cette question. Responsabilité économique, tout d’abord, au vu de l’objectif de maintenir une économie diversifiée créatrice d’emplois durables. Responsabilité sociale également, au vu des catégories sociales et des territoires frappés de plein fouet par la désindustrialisation. Responsabilité écologique enfin, au vu du poids prépondérant du secteur des transports dans le bilan carbone régional, et de la hausse de 15% depuis 1990 des émissions de CO2 liées à l’automobile.

Cependant, le soutien à la filière ne doit pas s’effectuer de manière aveugle : il ne peut pas viser uniquement le maintien des activités et des emplois. Le modèle économique de la voiture individuelle est fragile, face à une saturation du marché occidental (600 véhicules pour 1000 habitants en France) et à une compétition mondiale croissante ; dans ce contexte, les variables « compétitivité-coût » prennent une place déterminante et servent de justification aux délocalisations. Au passage, elles alimentent le dumping et contribuent à dresser les peuples les uns contre les autres. Dans ce contexte, les solutions d’avant – prime à la casse, crédit impôt recherche, prêts à taux réduit – ne font que repousser le problème. Elles légitiment, de surcroît, une sorte de chantage à l’emploi, sur des sites qui ont parfois des résultats satisfaisants (cf. les 1,13 milliard de bénéfices de PSA en 2010) et qui ont bénéficié d’importantes aides publiques.

Pour sortir par le haut de ce défi industriel, c’est un changement de logiciel qui est nécessaire. L’avenir de l’industrie automobile francilienne mérite une stratégie prospective à long terme, envisageant concrètement sa reconversion. D’abord, la production automobile doit évoluer, en phase avec les enjeux environnementaux et avec les nouvelles attentes des usagers. La transformation du produit en tant que tel (voitures électriques, hybrides…) ne peut suffire : elle doit s’accompagner d’une prise en compte de l’ensemble des nouvelles mobilités (transports collectifs, auto-partage…). Sur ce point, l’économie de la fonctionnalité constitue une réponse innovante, dans la mesure où les gisements d’emplois liés à l’usage (réparation, distribution, recyclage, entretien…) sont nombreux. Ce nouveau logiciel permet de tourner le dos à l’obsolescence programmée, symbolisée par la baisse de la durée de vie constatée des véhicules, tout en créant des emplois non délocalisables.

Dans cette évolution, l’accompagnement et la formation continue des travailleurs doit être une priorité. Il est nécessaire d’établir des « CV de site » pour adapter les compétences. Certains exemples sont positifs : l’équipementier automobile Bosch s’est, en 2011, réorienté vers le montage de panneaux solaires, ce qui a permis de pérenniser 200 emplois.

La pérennisation de l’industrie francilienne doit enfin aborder la question des sites industriels. Alors que d’un côté fleurissent des projets s’établissant sur des terres agricoles et que de l’autre les friches industrielles s’accumulent, il est urgent de lier l’avenir industriel aux enjeux d’aménagement du territoire.

A plusieurs reprises, la Région s’est mobilisée en faveur de l’industrie automobile francilienne, à l’occasion de délibérations ou de vœux divers. La délibération « Industrie automobile : les choix stratégiques pour l’Ile-de-France » a dressé des pistes qui doivent être approfondies et réactualisées à l’aune du caractère structurel de la crise. Divers leviers doivent être utilisés conjointement et en cohérence : le soutien aux PME et aux TPE dans le cadre de la SRDEI, la réorientation effective du Plan filière automobile, la mobilisation de la recherche et des synergies via Mov’eo, la mobilisation de la formation professionnelle et de l’apprentissage, etc. En l’espèce, les travaux issus des Etats Généraux de la conversion écologique et sociale, en particulier ceux du groupe « Mobilités » et ceux du futur groupe relatif à l’industrie, pourront définir de nouvelles pistes d’intervention.

Forte d’une approche cohérente et consciente de son devoir vis-à-vis de son tissu industriel, la Région Ile-de-France pourra ensuite mener des actions volontaristes en direction de la filière. Il sera indispensable, dans ce cadre, de mettre en place une concertation avec les entreprises, les partenaires sociaux, les collectivités territoriales et l’Etat.

Au vu à la fois de l’urgence de la situation (les destructions imminentes d’emplois) et de la nécessité d’entreprendre une démarche à long terme et globale, nous vous demandons, M. le Président, quelles actions vous comptez mener dans les mois à venir en direction de la filière automobile francilienne.
Cécile DUFLOT
Présidente du groupe Europe Ecologie Les Verts

Remonter