Manifeste pour une société écologique
Le manifeste est le texte fondateur d’Europe Ecologie les Verts, adopté par les militantes et militants au moment de la fondation du mouvement.
Il est édité aux éditions des Petits Matins.
L’humanité est aujourd’hui devant un choix qui détermine son avenir. Un choix à assumer collectivement et qui requiert, en outre, l’implication de chacune et de chacun. Sous l’impact d’un système aveuglément productiviste et violemment inégalitaire, le train du progrès s’égare. Il faut de toute urgence le remettre sur une autre voie. C’est le sens de l’engagement des écologistes et leur responsabilité, ici et maintenant : ils refusent d’assister passivement au scénario d’une nature qui s’épuise et de sociétés qui se désagrègent ; ils veulent, en association avec les forces vives de la société et les partenaires politiques susceptibles de partager l’essentiel de leur projet, tracer une nouvelle ligne d’horizon sur la base d’une démarche de transition réaliste.
Tel qu’il s’applique, le système de création et de redistribution des richesses ne fonctionne plus. Retournement inédit qui, d’un même mouvement, précipite prédations du vivant et déchirures sociales, déséquilibres et discriminations, pollutions et récessions. Ce bouleversement majeur épuise les ressources aussi bien qu’il creuse les inégalités et déprime les consciences, dressant la biosphère contre les êtres humains et les êtres humains entre eux. Au point que le spectre d’un collapsus historique sans précédent hante l’avenir : celui d’un déclin écologique, économique et social brutal et simultané.
Néanmoins, une aspiration grandissante à refuser la défaite de l’Homme émerge partout dans le monde.
Une multitude d’initiatives entame le modèle dominant et ouvre des voies nouvelles. C’est l’autre visage de la mondialisation et il concerne tous les peuples, toutes les cultures. De nombreux acteurs et actrices de la société et des communautés locales cherchent et trouvent des issues. Ils interviennent dans toutes les couches de la société. Ce sont souvent ceux et celles que la crise fragilise en premier. Ils résistent, s’organisent, innovent, multiplient les initiatives. Chacun et chacune à leur façon, dans leur discipline, leur quartier ou leur village, ils esquissent les contours d’une alternative globale porteuse d’avenir. Des hommes et des femmes luttent et s’engagent, et c’est le seul espoir tangible, le seul point d’appui pour inverser le cours des choses.
Un choc sans précédent
Car les crises n’ont plus de limites. Elles surgissent dans tous les domaines de l’environnement et des activités. Elles se cumulent et s’alimentent pour mettre à nu un système en déroute. Nous sommes parvenus à ce moment clé où la croissance, moteur de l’histoire moderne, a atteint la frontière du possible. L’insoutenable est là, inscrit dans les réalités physiques de la planète et les souffrances des populations : les modes de production et les standards de vie, indexés sur l’imaginaire de la démesure et la boulimie des privilégiés, soumis à la surenchère de la marchandisation et de l’endettement massif, entraînent une consommation de ressources excédant leurs capacités de renouvellement. Elles provoquent un déséquilibre majeur des fondamentaux de la vie et de la culture.
Les conséquences sont sans appel : les modèles économiques et les pactes sociaux d’hier ne résistent pas aux sols qui s’épuisent, aux fleuves et aux mers qui se dépeuplent, aux forêts qui reculent et aux déserts qui avancent, aux séquences brutales d’inondations et de sécheresses, à la disparition des biotopes et à l’érosion de la diversité des espèces, à l’empoisonnement des airs et des eaux.
Déjà, dans les prémisses du chaos énergétique, climatique, alimentaire et sanitaire, dans la mise à sac des biens communs et publics que les logiques financières et marchandes provoquent, un nouveau monde émerge avec ses victimes en proie au manque de tout. Parallèlement à l’émergence d’une nouvelle classe moyenne dans les pays-continents du Sud qui accède aux standards de la consommation occidentale, source à la fois de libération et d’aliénation, une nouvelle question sociale surgit de la raréfaction des ressources vitales et de la déstabilisation des équilibres naturels que le mode de développement des pays industrialisés a produit. Cette injustice environnementale, aggravée par la croissance démographique, vient s’ajouter aux plaies déjà ouvertes par la machine à fabriquer des inégalités. Le cumul produit un choc inouï. Il se traduit, dans les pays du Sud, par la multiplication, à échelle massive, des cas de misère, de famine, d’épidémies, de bidonvilles, de migrations, de pénuries, de chômage, de conflits, de mal vie. Et, dans les pays du Nord, par l’extension de la précarité, la dilution des solidarités, l’explosion des frustrations, des anxiétés et des détresses psychologiques.
Le sentiment d’impuissance
Le cours des choses est injuste et criminel. Voilà pourquoi nous voulons le changer.
Face au déferlement des crises et aux défis colossaux qu’elles impliquent, le capitalisme n’est plus capable d’opposer cette dynamique qui promettait aux peuples l’abondance universelle. Au contraire, il renforce chaque jour une logique construite sur l’endettement, la précarité de l’emploi et l’augmentation de l’empreinte écologique. Les promesses d’un capitalisme enfin raisonnable qui remettrait la finance à sa place et penserait le long terme apparaissent de plus en plus illusoires.
Le socialisme étatique, de son coté, a fait tragiquement long feu, définitivement sorti de l’histoire par l’exercice du réel, incapable de faire le lien entre ses valeurs et la pratique du pouvoir. Si elles affirment désormais clairement leur rejet des totalitarismes, les forces de gauche n’osent pas une pensée du XXIe siècle qui incarnerait enfin, de manière pleinement contemporaine, la solidarité entre les peuples et les générations, la responsabilité envers la planète, le refus des inégalités, la régulation du marché, le respect de chaque être humain.
Les deux grands courants idéologiques engendrés par la révolution industrielle, accompagnant l’un l’essor du capitalisme et l’autre l’espérance socialiste, sont désormais à bout de souffle. Malgré leurs différences, fondées sur un enracinement social historiquement opposé et des valeurs souvent contradictoires, ils se montrent pareillement désorientés sur l’essentiel, saisis d’impuissance face à l’effondrement du credo productiviste qu’ils partagent. Celui-ci ne constitue-t-il pas leur matrice commune ? Forcer la nature pour développer les forces productives, diffuser l’enrichissement, chacun à sa manière, produire plus pour consommer plus et stimuler la croissance. Une logique qui a fait ses preuves dans le grand bond en avant du développement mais qui aujourd’hui, justement, ne marche plus.
Reste un bateau ivre. Plus personne aujourd’hui n’a de prise sur le cap suivi ni ne maîtrise des événements devenus imprévisibles, que ce soit dans les domaines énergétiques, sanitaires, financiers, climatiques, écologiques, alimentaires, sécuritaires, migratoires, économiques ou sociaux. Les forces politiques au pouvoir, les courants de pensée dominants ne paraissent pas en état de proposer des remèdes qui soient autre chose que des béquilles d’accompagnement de la dépression. Ni de dessiner un projet de société dont la crédibilité et l’attrait survivraient aux slogans électoraux. Les pesanteurs du système, la complexité des enjeux, le désarroi des esprits, la fragmentation sociale et la schizophrénie des individus, le poids des fétiches technologiques et des addictions consuméristes, les aliénations quotidiennes, la radicalité des décisions à prendre installent un sentiment de mal-être et d’insécurité généralisé. Alors, face au vertige, les replis identitaires et réactionnaires s’affirment de plus en plus. Peurs, violences, conflits, exclusions, nationalismes, xénophobies, racismes reviennent en force. La tentation d’un retour aux âges obscurs frappe à la porte de la modernité.
La vérité oblige à dire que la tâche est gigantesque, tant il y a de murs qui se dressent et de fossés qui se creusent. Comment échapper à l’irréversibilité des déséquilibres déjà introduits dans la biosphère, comment interrompre la course suicidaire au productivisme sans provoquer une récession encore plus grave, comment réguler un marché mondialisé fait de milliards d’injonctions spontanées et désordonnées, comment maîtriser sans l’étrangler le désir propre à l’humain qui conduit l’individu à vouloir se dépasser et se perfectionner en même temps qu’à s’exonérer dangereusement des limites de la planète et de la raison, comment trier entre ce qui est possible et ce qui ne l’est plus, comment repenser l’habitabilité des espaces urbains soumis de plus en plus aux violences des chocs sociaux, comment sortir d’un monde où les uns souffrent de manquer de l’indispensable tandis que d’autres sont soumis aux délires du consommer trop, comment s’émanciper d’un système dont les aliénations sont plébiscitées ? Comment, au final, faire du mal un bien et transformer la crise en une chance pour la planète, les êtres humains et la démocratie ?
Certains abdiquent pendant que le plus grand nombre désespère. Une lourde chape de plomb pèse sur la société, colonisant les esprits et les lois, imposant une sorte de surmoi culturel paralysant où chacun et chacune a le sentiment d’être engagé dans une impasse mais dont personne ne sait ou ne veut sortir. Pour échapper au malaise et espérer changer d’horizon, il manque une vision du futur, un élan de ressaisissement collectif, un désir commun de révolte, la dynamique d’une espérance. L’intuition collective qu’il faut changer de modèle existe même si elle n’est pas ou peu portée par les élites. Il reste à imaginer comment le faire et le faire vraiment.
Ainsi les écologistes doivent-ils assumer une césure fondatrice. Le monde paraissait infini avec des êtres humains assimilés à des ressources à exploiter, ressources limitées par des « aptitudes innées » ou par des places sociales affectées définitivement à l’arrivée sur terre de chaque individu. Avec les écologistes, chacun reconnaît aujourd’hui que le monde est fini. Mais nous faisons le pari que les richesses de l’être humain sont infinies. Pour gérer la finitude de la planète, de ses ressources matérielles et énergétiques, nous misons sur l’infini des ressources humaines. L’éducation, la culture, la formation, les échanges respectueux et bienveillants entre les êtres constituent la véritable énergie du futur.
Une nouvelle offre politique
Au cœur du désastre qui menace, la métamorphose est possible.
Elle ne viendra pas d’en haut de manière autoritaire – ou alors ce sera probablement que le pire n’aura pas été prévenu – mais, au contraire, du foisonnement des initiatives citoyennes, pour autant qu’elles se renforcent en faisant réseau et qu’elles s’articulent avec des politiques menées sur tous les terrains, y compris institutionnels. La métamorphose a besoin d’une nouvelle force qui soit à la fois sa traduction et son débouché politique afin de dessiner, du local au global, une alternative démocratique au modèle dominant. A ce moment de l’histoire, la responsabilité de cette nouvelle offre politique échoit aux écologistes.
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Son objectif : la mutation écologique de la société.
La nouvelle offre politique de l’écologie propose de transformer progressivement les structures collectives et les comportements individuels. Elle s’applique aussi bien aux activités qu’aux habitudes, aux modes de production qu’aux manières de vivre. Elle modifie les liens sociaux autant que les consommations. Elle remet la science et les technologies au service des besoins humains
Cette mutation n’est inscrite dans aucun catéchisme doctrinaire ni manuel de guérilla. Elle hérite du poids d’un monde qui n’est pas mort, hérissé de résistances agressives, tout en devant s’engager sans attendre vers l’inconnu d’un monde à peine naissant. Elle est confrontée tout à la fois au défi de rompre et de construire : il lui faut se dégager au plus vite du système dominant – le capitalisme, ses mécanismes orientés sur la valorisation du profit et son imaginaire productiviste, sans pour autant se priver des entrepreneurs – pour bâtir une société où le marché et le partage des biens communs seraient régulés par les critères écologiques et sociaux. Il lui faut donc engager des transitions où le primat de la durabilité des écosystèmes, des dispositifs économiques, des systèmes financiers, des contrats sociaux et des territoires s’affirme contre les diktats irrationnels du productivisme et les rapports de production qu’impose le capitalisme. C’est une ardente nécessité de survie pour les hommes et les femmes de ce temps, à commencer par la plèbe des sans terre, des sans toit, des sans eau, des sans travail, des sans revenu, des sans avenir. C’est aussi un choix de vie pour libérer l’être humain de ce qui le tire vers le bas et le désenchante, aliène son libre arbitre et le renvoie sans cesse à sa condition de consommateur et de travailleur contraint.
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Son outil : l'écologie politique.
La nouvelle offre politique des écologistes propose un lieu de rassemblement, de pensée et d’action : l’écologie politique. Elle est destinée aux hommes et aux femmes qui partagent le même souci du monde et des autres, la même indignation face à la logique d’apartheid planétaire dans la répartition des ressources, la même recherche sans tabou d’une alternative crédible à la méga-machine productiviste, marchande, hyper consumériste et aliénante qui conforte l’oppression des plus fragiles et qui épuise la planète.
L’écologie politique ne prétend à aucune conception théologique de la vérité. Elle s’attache à préserver et à enrichir le bien commun et l’intérêt collectif. Pour y parvenir, elle ne s’imagine ni en parti du grand soir, ni en négociatrice des petits matins frileux. Contre l’omnipotence du tout marché ou du tout autoritaire, elle affirme son exigence de transformation, assumant les inévitables conflits dans la construction de majorités d’idées et de rapports de force. Mais, pour y parvenir, elle choisit la longue marche de la réforme tolérante, les compromis de la régulation librement consentie, la convergence démocratique des convictions réunies, le tissage patient des imaginations et des rêves. Passerelle entre les nécessités de la biosphère et les besoins sociaux, l’écologie politique se propose de construire l’espérance d’un nouveau modèle de développement en libérant les énergies, les innovations et les créativités humaines pour rendre désirable une société réconciliée avec elle-même et son environnement.
En ceci, l’écologie politique ne s’autorise que d’elle même. Elle affirme sa propre identité comme une réalité politique irréductible aux représentations du monde qui ne sont pas les siennes et qui, souvent, la contredisent. Son autonomie n’est pas affaire de caprice ou d’orgueil. C’est sa nature.
Les écologistes sont des hérétiques en rupture avec le culte dominant de l’économisme, du scientisme, du consumérisme. Ils s’opposent aux dogmes productivistes hérités de la révolution industrielle et des Trente Glorieuses, aux croyances du sans limite, aux zélateurs du découplage entre l’homme et la nature. Ils critiquent les idéologies néo-libérales ou archéo-socialistes qui s’obstinent à ignorer les raisons de la crise d’un modèle de développement pulvérisé par les faits. Ils refusent tout ce qui, comme l’envahissement publicitaire, contribue à consolider l’aveuglement dans l’imaginaire collectif. Ils s’opposent mais, dans le même temps, ils proposent leur propre cohérence fondée sur une autre vision. L’écologie politique n’a pas vocation à devenir la branche supplémentaire d’un arbre déjà constitué, aussi vénérable fut-il, elle est à elle seule cet arbre, autonome, alternatif, un arbre qui entend faire forêt.
Son patrimoine : les valeurs de l’humanité
La nouvelle offre politique des écologistes s’appuie sur le meilleur de l’aventure humaine. Elle ne part pas de rien. Elle puise ses sources dans les valeurs constitutives du patrimoine de l’humanité telles qu’elles ont été conquises de haute lutte par les mouvements ouvriers, paysans, féministes, pacifistes, régionalistes et progressistes : liberté de conscience, libertés publiques, égalité des droits et des devoirs entre tous les êtres et tous les genres, en particulier entre les hommes et les femmes, refus de l’oppression et des discriminations, solidarité entre les personnes, les peuples et les générations, équité économique et sociale, dignité inaliénable de chaque être humain, responsabilité, autonomie et libre arbitre, respect des minorités quelles qu’elles soient, impératif de justice, primat du droit et de la démocratie, priorité à l’éducation et à la culture, sollicitude aux autres, altruisme, non violence, laïcité, tranquillité publique, liberté totale à la création artistique, respect de la dignité animale.
La nouvelle offre de l’écologie politique assume l’héritage de toutes celles et de tous ceux qui ont lutté pour l’émancipation des hommes et des femmes. Elle s’affiche en bouclier des meilleures traditions de la civilisation – celles qui signifient l’appartenance à une commune humanité, au delà des intérêts de classes ou de castes, celles qu’il faut toujours défendre et approfondir, celles à partir desquelles de nouvelles valeurs pourront s’enraciner et une autre société émerger.
Elle se revendique clairement de la tradition universaliste qui considère que tout être humain, quel que soit le lieu où il est né ou la couleur de sa peau, a les mêmes droits au bonheur, à la solidarité de tous, au partage des richesses de la planète. Elle estime que tout ce qui fragmente et divise cette commune humanité va à l’encontre du projet écologiste, et c’est pour cela qu’elle entend dépasser le cadre des Etats-nations pour construire des solidarités européennes et planétaires dans le respect des diversités culturelles et des singularités historiques. A cette fin, elle promeut des logiques de coopération et de résolution non-violente des conflits, à l’opposé de la militarisation des relations internationales, ce qui permet, par ailleurs, de dégager des moyens considérables bien plus utiles à la prévention des drames futurs qu’au maintien d’un ordre international injuste.
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Sa ligne d’horizon : la société écologiste
Nouveau contrat collectif, l’offre politique des écologistes propose d’intégrer impératif écologique et devoir de justice sociale. L’objectif de ce nouveau paradigme consiste à concilier des politiques de durabilité et de sobriété avec les exigences d’une société équitable. La durabilité y devient la condition de l’équité en même temps que l’équité s’affirme en condition de la durabilité.
Dans un monde contraint en ressources et de plus en plus fragile, il s’agit de s’obliger à des relations les moins agressives possibles avec toutes les formes et les milieux de la vie terrestre, ce qui suppose une révision radicale des modes de production et de vie. En même temps, il s’agit d’évoluer vers une société d’inclusion où chaque individu puisse être accompagné et soutenu dans ses difficultés ou ses projets. Ce principe de sollicitude et de bienveillance se fonde sur la conciliation entre développement individuel et organisation de l’espace public et du temps collectif. Il implique de nouveaux rapports de coopération mutuelle entre l’Etat, les collectivités, mais aussi le mouvement associatif et les initiatives informelles des citoyens.
La société écologiste pose les fondements d’une organisation économique et sociale d’un autre type : à la démesure, les écologistes opposent la conscience des limites ; aux mécanismes marchands, à la course au profit et aux gaspillages, la régulation par les écosystèmes et les besoins sociaux ; à la pulsion dominatrice sur la nature, la sanctuarisation du vivant et des équilibres naturels garantissant la diversité biologique ; au dogme de la croissance infinie, la décroissance des excès ; à la gloutonnerie en énergie et matières premières, la réparation, le recyclage, la réutilisation ; à la gabegie productiviste et avare d’emplois, la reconversion industrielle et agricole ; à la dictature du PIB, les indicateurs de bien être, d’égalité et d’émancipation ; au libre échange planétaire, la proximité et les circuits courts ; au talon de fer de la concurrence, le commerce équitable et la mutualisation ; au travailler toujours plus, la réduction et le partage du temps de travail ; à la sacralisation de la valeur travail, la gratuité des biens fondamentaux, la valorisation du temps libre et de l’autonomie ; au saupoudrage des minima sociaux, un revenu universel inconditionnel et personnalisé ; à la fuite en avant technologique et nucléaire, la réalisation de solutions concrètes, maîtrisables et décentralisées ; à la méthode répressive unique, l’effort de prévention ; aux dérives de l’endettement, la prudence du recours au crédit ; au règne de l’argent et de l’accumulation, la redistribution et le partage.
La société écologiste établit aussi les principes d’une autre manière de vivre ensemble et avec la nature : au cynisme, les écologistes préfèrent le civisme ; à l’exacerbation des intérêts particuliers et à la privatisation systématique, l’intérêt collectif, les biens communs et les services publics ; à l’affrontement, la négociation et la conciliation ; à la violence de la domination masculine, l’égalité des femmes et des hommes dans tous les domaines; à la cure et au tout médicament, la prévention et l’éducation à la santé ; à l’opposition entre les générations, la coopération intergénérationnelle ; à la compétitivité, l’accomplissement personnel ; à la concurrence, la coopération ; à l’appropriation individuelle des biens, leur usage fonctionnel ; à l’extension infinie des consommations, des déplacements et des privilèges, le bien être collectif et individuel ; à l’effervescence scientiste, le principe de précaution ; à l’illusion technologique, l’émancipation ; à l’artificialisation des territoires et des relations, la familiarité, la convivialité et de nouvelles formes de vie partagées ; à la standardisation, la diversité.
La société écologiste mise, enfin, sur l’éducation et la formation tout au long de la vie. En opposition au taylorisme qui isole chacune et chacun dans une tâche reproductible et déresponsabilisante et au post-taylorisme qui, au prétexte d’autonomie et d’individualisation, renforce l’aliénation et la concurrence entre les personnes, elle affirme et privilégie la promotion de collectifs qui assument ensemble et de manière solidaire des projets partagés. Contre toutes les formes de fatalité et d’assignation à résidence, à l’opposé de la conception d’une école toujours plus standardisée qui trie et classe définitivement les individus, elle offre à chaque être humain un accès à la mobilité ouvrant sur des possibilité d’apprendre, de progresser et de s’engager dans de nouveaux projets.
Au final, en choisissant une autre hiérarchie des valeurs sans faire table rase du passé, en imaginant un autre monde qui soit aussi de ce monde, la société écologiste concourt à une métamorphose de la civilisation. Elle privilégie la suprématie de l’être sur la domination de l’avoir, la liberté du sujet sur le conditionnement du consommateur et du travailleur. Elle favorise le mieux par rapport au plus, promouvant ce qui est nécessaire à tous et à toutes, encourageant ce qui élève, ne sacrifiant plus le long terme aux caprices du présent.
En même temps, la ligne d’horizon d’une société écologiste bouscule et déborde les repères favoris des deux grands courants de gauche et de droite qui ont façonné l’opinion. Sur le flanc gauche, elle étend la sphère de la solidarité à l’ensemble du vivant et aux générations futures. Sur le flanc droit, elle élargit le principe de responsabilité individuelle en devoir personnalisé de comportement respectueux des biens collectifs et de l’environnement. Elle interpelle la droite comme la gauche pour libérer le concept de développement des chaînes productivistes qui le dénaturent et des aliénations qui le broient. Conjuguant innovation et tradition, radicalité et précaution, nature et société, le projet écologiste concourt au dépassement des catégories progressistes et conservatrices qui, jusqu’à présent, ont monopolisé l’histoire.
Au cours de décennies de luttes non violentes, les militants et les militantes du quotidien de l’écologie se sont activement opposés à la guerre, au nucléaire, à l’appropriation des terres, à la destruction de la nature, aux injustices. Avec d’autres, ils se sont mobilisés pour l’émancipation et les droits civiques. Ils savent donc l’importance des rapports de force pacifiques, nécessaires à la négociation. Ils ne se trompent pas d’adversaires, ni ne les ignorent.
Le créneau est étroit. Entre progrès soutenable et décroissance sélective, universalisme et diversité, initiative et régulation, liberté et responsabilité, il s’agit de requalifier le progrès en lui donnant le sens de l’humain et du vivant. En l’incarnant d’ores et déjà politiquement dans un projet et des transitions dont élus et associations écologistes posent les prémisses dans l’exercice de leurs responsabilités.
Un projet en ruptures
Les chantiers du projet écologiste sont immenses : établir les conditions d’un bien être équitable et respectueux de l’environnement autour du principe de transformation écologique de l’économie et de la société. Cela implique de revisiter de fond en comble les conceptions de la richesse, du travail, de la fiscalité, de la production industrielle et agricole, du commerce, des services, de la consommation, de la mobilité, des transports, de l’alimentation, de l’habitat, de l’urbanisme, de l’aménagement du territoire… La conséquence est radicale : la logique dominante d’une augmentation aveugle et systématique de l’offre économique cède la place à une régulation de la demande en fonction des contraintes environnementales et des besoins sociaux.
En même temps, face aux discriminations et aux ségrégations socio-économiques, sexistes, ethniques et religieuses, face à la crise institutionnelle et à la remise en cause des libertés publiques, des contre-pouvoirs et des espaces de médiation, il s’agit de développer de nouvelles proximités pour retrouver du lien et du sens collectif, de mettre l’action publique au service de l’intérêt général, de redonner une nouvelle vigueur à la démocratie. Il s’agit aussi d’inverser la courbe du chômage, du sous emploi, des précarités et des inégalités, d’interrompre la course à l’endettement privé et public, de réduire les déficits budgétaires et sociaux en créant les conditions d’un partage du travail, des ressources et des richesses. Enfin, face à l’égoïsme et à l’incapacité des Etats nationaux, il faut donner une dimension plus forte à l’Europe qui, plus que jamais, reste l’échelon pertinent pour la mise en œuvre de tout projet majeur de transformation et repenser les modes de gouvernance mondiale.
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Un projet partagé
Le temps du vase clos des avant-gardes éclairées est fini et c’est heureux. Il appartient donc à l’écologie politique de rester en permanence à l’écoute et d’ouvrir le plus largement possible l’élaboration de son projet à tous les acteurs et actrices sociaux, partis, élus, syndicats de salariés et professionnels, entrepreneurs, enseignants, formateurs, militants associatifs, chercheurs, intellectuels. Elle doit se faire l’écho de pratiques écologiques qui sont déjà et qui vont devenir de plus en plus l’affaire de tous. En effet, étant donné sa complexité et son ampleur, la mutation écologique de la société ne deviendra effective que si elle est partagée et mise en œuvre par le plus grand nombre. La contradiction des intérêts particuliers, exacerbée par l’extrême fragmentation du corps social, n’a de chance d’être dépassée que si l’ensemble des forces vives s’approprie l’objectif commun et parvient à des compromis dynamiques. La co-élaboration du programme de mutation doit devenir constitutive de la démarche de l’écologie politique.
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Un projet singulier
L’originalité du projet écologiste ne tient pas seulement à son processus d’élaboration. L’écologie politique porte, fondamentalement, un projet singulier, autonome, alternatif aux visions traditionnelles qui aujourd’hui se fracassent sur la réalité des crises dans la mesure où elles ne s’interrogent pas sur la compatibilité des activités humaines avec les limites de la planète. Ce projet s’inscrit sur un autre registre que celui qui soumet tout choix politique au curseur du libéralisme ou de l’étatisme, reproduisant ad nauseam un affrontement tribunicien entre capitalisme et socialisme, alors que les questions d’aujourd’hui appellent des réponses dépassant les catégories historiquement figées. L’analyse et les propositions écologistes se situent radicalement hors du ronronnement politique classique, fondé le plus souvent sur des postures qui n’ont pas pris la mesure du basculement de l’époque.
C’est ainsi que, pour créer des emplois durables, réduire les inégalités de revenus sans recourir inconsidérément à l’endettement public et garantir à tous une place dans la société, les écologistes préfèrent agir pour engager des mutations économiques et requalifier la place du travail plutôt que d’attendre le retour illusoire d’une croissance économique infinie. Pour assurer à chacun et chacune les conditions nécessaires à son bien-être, ils favorisent les modalités du vivre-ensemble par le soutien et l’accompagnement des personnes, au lieu de renforcer la course à la consommation et à la productivité. Pour répondre à la hausse des prix de l’énergie et plus généralement à la raréfaction des ressources naturelles, ils privilégient les technologies écologiquement et socialement soutenables par rapport aux méga/nano/bio-technologies d’un futur incertain. Au principe de domination qui veut que les êtres humains se conforment aux exigences de la technique, ils opposent l’adaptation des technologies aux besoins et aux services des personnes.
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Un projet global
Trop souvent les écologistes ne sont ni attendus, ni entendus lorsqu’il s’agit de fiscalité, d’inégalités, de santé, d’éducation, de culture, de sécurité, de cités-ghettos, de justice, de diversité… Nombreux sont encore ceux qui les considèrent peu crédibles au delà du cœur de leurs combats : l’énergie, les transports, la lutte contre les changements climatiques, l’agriculture, la protection de la biodiversité ou la réduction des déchets.
L’heure est venue de convaincre que l’écologie politique n’est pas une niche ou une thématique parmi d’autres. C’est une représentation différente du monde, une autre manière de le penser et d’agir pour le transformer. C’est, plus exactement, une réponse politique ajustée à l’écosystème fragile de la planète. Cette réponse ne peut être que globale. Il n’y a pas d’activités, de disciplines ou de secteurs qui échappent au prisme de l’impératif écologique et social. Les écologistes doivent donc se montrer capables d’impliquer la majorité de la société dans leurs propositions en matière d’emploi, de logement, d’éducation, de santé, de tranquillité publique, d’égalité des hommes et des femmes, de culture… Il leur appartient de privilégier la place donnée au projet et à son contenu par rapport à une culture du pouvoir aujourd’hui marquée par la personnalisation et les affrontements d’appareils.
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Un projet désirable
Original, singulier et global, le projet écologiste l’est par nature. Il doit aussi se montrer désirable afin de conquérir les cœurs et les esprits et emporter des majorités démocratiques. Créateur de lien social et d’emplois (notamment par le partage du travail, la reconversion des activités dans le sens du durable, la création d’emplois « verts » et le développement massif d’une économie sociale et solidaire), soucieux d’équité et de solidarité, partisan d’un rapport apaisé aux autres et avec le reste de la nature, porteur d’un mode de vie harmonieux, décidé à donner un autre visage au développement, il a tout pour le devenir.
Aux écologistes de se montrer à la hauteur de ces enjeux. Il leur appartient de montrer, y compris par leur attitude, qu’ils ne sont ni des pères fouettards ni des donneurs de leçons. Et que la vie, avec l’écologie comme colonne vertébrale, n’est pas un chemin de croix. Choix de raison – la conscience des limites -, le projet écologiste doit devenir aussi un choix de cœur – le mieux être et le vivre mieux -.
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Un projet responsable
Les écologistes sont ni plus ni moins des hommes et des femmes ordinaires. Mais les événements du monde leur confèrent désormais une responsabilité majeure. Il leur faut donc construire un projet responsable, dans la rigueur des faits, la vérité des chiffres et l’ancrage au réel. Il ne s’agit pas de se payer de mots et de consentir aux conduites magiques à coups de « y’a qu’à » mais, au contraire, de se confronter avec les aspérités du terrain et les complexités du travail de conviction. Questionnement permanent des dogmes, examen des présupposés, identification précise des enjeux, détermination d’étapes clefs transitoires, la méthode ne doit souffrir aucune facilité ou raccourci afin de formuler des propositions crédibles, réalistes et opérationnelles. Avec chaque fois un double souci : celui de leur acceptation sociale et celui de leur adéquation au projet global, sans concession aux leurres de la croissance verte ou du développement durable.
Cette crédibilité, l’écologie politique la gagnera notamment sur les questions fiscales et budgétaires. Il faut en finir avec l’image des écologistes dépensiers : la solidarité et l’égalité par le haut pour tous et toutes est une question de choix et de priorités, pas d’une croissance permanente de moyens.
Une stratégie partenariale
La mutation écologique et sociale de la société ne s’imposera ni par le glaive, ni seulement par les élections. Elle se développera par la conviction emportée d’une majorité de citoyens et citoyennes, par une mobilisation du plus grand nombre dans des instances démocratiques renouvelées.
Sans appropriation collective des objectifs de la transformation, l’espérance de changement restera en effet un projet mort-né. L’écologie oblige à des révolutions coperniciennes à tous les niveaux des structures économiques, sociales et institutionnelles. Par leur ampleur, elles nécessitent le soutien de larges majorités partageant les nécessités d’un changement de cap radical. S’il veut réussir, le cours nouveau doit donc inter agir avec l’ensemble du corps social, en épousant ses différenciations et sa diversité. Il doit ainsi s’incarner dans les manières d’être et de vivre de chacun, sans laisser croire que l’effort est réservé aux autres. Autrement dit, si les gestes quotidiens n’accompagnent pas les réformes, si la révolution des comportements individuels ne relaie pas les bouleversements structurels, si les attitudes et les réflexes se crispent au lieu de se modifier, si les imaginaires restent colonisés, la mutation échouera. Le projet de l’écologie politique a besoin de l’implication en actes de chacun et chacune. Sa complicité avec la société et les individus est décisive.
A droite, à gauche ou au centre, beaucoup se disent maintenant convaincus de l’importance de la question écologique. C’est un effet spectaculaire de l’impact de la crise. Les écologistes n’ont pas de raison de douter de la sincérité des conversions individuelles. Ils s’en réjouissent même. Mais force est de constater que, dans les programmes et les décisions des formations de droite, de gauche ou du centre, l’intégration de la question écologique apparaît plus comme une posture d’opportunité, une concession à l’air du temps, que comme un véritable tournant.
Dans les rangs libéraux, chrétiens-démocrates, sociaux-démocrates ou marxisants, la problématique écologique reste majoritairement perçue comme relativement secondaire, une catégorie parmi d’autres, un secteur d’intervention supplémentaire qu’il s’agit d’ajuster dans le corpus programmatique sans faire obstacle à l’orientation prioritaire, à savoir les politiques de stimulation de la croissance à des fins de redistribution en direction de leurs bases sociales. Lorsqu’ils évoquent un nouveau modèle de développement, les partis traditionnels n’envisagent pas le passage à l’acte concret qui articule l’écologie au social, à l’économique et plus généralement aux ancrages terrestres de la vie humaine. Ils ne percutent pas sur le caractère déterminant et prioritaire de l’impératif écologique, sa capacité de transformation économique, sociale et culturelle. Fossilisés par leur histoire, ils se refusent à accomplir une mue qui les montrerait nus, ouvrant ainsi l’espace au développement politique de l’écologie.
L’écologie politique a donc toute raison de revendiquer son autonomie. Mais autonomie n’est pas isolement. Les écologistes ne sont pas seuls au monde. Leur courant politique, quels que soient ses succès électoraux, ne constituera jamais une majorité homogène. Il leur faut donc construire des majorités d’idées en cherchant en permanence des partenariats avec d’autres forces politiques à travers des pactes ponctuels, sectoriels ou régionaux, démarche pouvant se prolonger jusqu’à conclure des accords de gouvernement.
Partout où ils sont, les écologistes ne se contentent pas de dire qu’il faut changer la société, ils le font concrètement, pas à pas : ils le font depuis longtemps dans leurs différentes familles historiques (la politique, l’associative, la mouvementiste), ils le font par leurs engagements sur le terrain et par leurs élus qui ont démontré et démontrent chaque jour comment la volonté politique peut permettre d’atteindre des résultats concrets qui commencent déjà à changer la vie au quotidien et qui tissent les modèles sur lesquels des politiques plus globales peuvent s’enraciner.
Chaque fois la réalisation d’accords de partenariat avec d’autres forces politiques doit être évaluée en fonction de la place réservée à la transformation écologique et sociale. Les écologistes ne sont pas des fanatiques du tout ou rien. Mais, parce qu’ils croient en ce qu’ils disent, ils ne compromettront pas le pivot de leur orientation et le substrat de leur identité pour devenir une force d’appoint, assignée à la sous-traitance ou au supplément d’âme.
Avec qui engager le mariage de raison ?
A priori tout le monde est convié à la noce. Les écologistes n’exigent de personne des passeports idéologiques si l’accord intervient sur l’essentiel. Mais le poids de l’histoire et la réalité politique obligent à constater que l’attachement viscéral des partis de droite aux formes les plus sauvages du libéralisme, vecteur privilégié de l’approfondissement des crises, système rigoureusement incompatible avec la mutation écologique, rend les rapprochements impossibles, du moins au niveau des alliances électorales. Les écologistes seront toujours disponibles pour appuyer toute mesure qui irait dans le bon sens, quels qu’en soient les protagonistes, mais ils ne se laisseront jamais enfermer dans des opérations de dilution de leur projet dans les méandres du capitalisme vert. Ils dénonceront sans relâche les détournements publicitaires et les agitations médiatiques destinés à faire oublier que rien ne change au pays des puissants. La croissance verte ne sera pas le nouvel opium du peuple.
L’écologie politique est donc conduite à envisager ses alliances avec la social- démocratie et les partis qui se réclament de la gauche. Cela ne va pas de soi. Certes, des sensibilités voisines sur les questions de droits humains et de justice sociale, confortées par des complicités militantes et des proximités historiques, ont conduit les écologistes à collaborer souvent étroitement avec les forces de gauche. Des valeurs se croisent, des objectifs convergent. L’écologie politique n’est pas neutre vis-à-vis du clivage droite-gauche quand il s’agit de choisir entre des politiques qui favorisent les privilégiés ou celles qui se préoccupent des démunis.
Pour autant, écologistes et socialistes ne sont pas des alliés naturels. Ils n’ont pas le même ancrage historique et ne s’inscrivent pas dans le même horizon. Marqués comme la droite au fer rouge du productivisme, fascinés par ses fétiches et ses addictions, la social-démocratie et les courants marxistes ne partagent pas l’essentiel du paradigme écologiste. Ils peuvent y parvenir mais ils n’y sont pas. Les écologistes souhaitent les y entraîner. Mais ils n’ont pas vocation à régénérer une doctrine qui n’est pas la leur en y introduisant un peu de vitamine verte.
Le champ de la discussion et des convergences est donc ouvert ainsi que l’indiquent de nombreux signaux venus des rangs de la gauche. Mais les frémissements ne font pas une politique et, de la parole aux actes, le changement de cap reste à démontrer. En l’état actuel des projets respectifs, l’écologie politique n’est pas candidate à une union de la gauche où son identité se dissoudrait. Elle est prête à des contrats de partenariats avec la gauche qui aillent aussi loin que possible vers la transformation écologique et sociale de la société.
Dans cet esprit, conscients de leurs responsabilités face aux enjeux du 21ème siècle et de l’urgence à agir, les écologistes, réunis en Convention à Lyon le 14 novembre 2010, ont décidé de s’unir dans un nouveau mouvement politique. Forts des parcours de chacun, de leurs histoires singulières et des différences de sensibilité qu’ils souhaitent additionner, ils veulent mettre cet outil collectif au service du projet de transformation écologique et sociale de la société afin de réunir les conditions d’une métamorphose porteuse d’une nouvelle politique de civilisation.