Le Parlement adopte pour la première fois de son histoire un texte écologiste
(AFP) Pour la première fois de son histoire, le Parlement a adopté mercredi une proposition de loi écologiste, un texte qui vise à protéger « les lanceurs d’alerte » sur les risques sanitaires ou environnementaux et à renforcer l’indépendance des expertises scientifiques.
Les sénateurs ont voté conforme, c’est-à-dire sans modification, en deuxième lecture, la proposition de loi présentée par le groupe écologiste du Sénat, rendant son vote définitif.
Le PS, les communistes et une grande partie du groupe RDSE (à majorité PRG) ont soutenu le texte de leurs collègues écologistes ainsi que quatre centristes, l’UMP s’y opposant. Les autres centristes se sont abstenus.
Le rapporteur du texte, Ronan Dantec (Ecolo), a exprimé « son émotion » suite à cette première.
Lors du passage devant l’Assemblée nationale, les députés ont ajouté au texte sénatorial une définition de l’alerte: « toute personne physique ou morale a le droit de rendre publique ou de diffuser de bonne foi une information concernant un fait, une donnée ou une action, dès lors que la méconnaissance de ce fait, de cette donnée ou de cette action lui paraît dangereuse pour la santé ou pour l’environnement ». Les « lanceurs d’alerte » ont déjà averti l’opinion publique dans des cas comme l’exposition de longue durée à l’amiante, la disparition des abeilles ou récemment les dangers du Mediator.
Dans les entreprises, un droit d’alerte est accordé au représentant du personnel dans le CHSCT (instance de dialogue social sur les questions d’hygiène et de sécurité dans l’entreprise, ndlr), et celui-ci doit être informé spécifiquement des alertes lancées et des suites données. Les députés ont ajouté qu’en cas de litige sur le bien-fondé ou la suite donnée à l’alerte par l’employeur, le représentant du personnel au CHSCT pourra saisir le préfet. « Une culture de l’alerte est bien créée dans l’entreprise mais l’alerte n’est pas gérée en son sein », s’est félicité M. Dantec.
Le texte crée aussi une Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé et d’environnement, alors qu’initialement ses auteurs ambitionnaient la création d’une Haute autorité de l’expertise scientifique et de l’alerte en matière de santé et d’environnement dotée de la personnalité morale et de pouvoirs étendus.
Mais pour obtenir son adoption en première lecture, ils ont dû se rabattre sur la Commission nationale de la déontologie et des alertes, avec des compétences et des moyens plus restreints, à la demande des socialistes et du gouvernement.
Pour Delphine Batho (Ecologie), cette commission nouvelle « constitue un maillon manquant pour rétablir la confiance de nos citoyens dans nos instituts de contrôle ».
« Il n’y aura pas création d’une institution nouvelle », s’est-elle en outre félicitée. La commission sera créée par une refonte de l’actuelle Commission de prévention et de sécurité.
« Ce travail, d’initiative purement parlementaire, est d’une actualité brûlante », a jugé M. Dantec, rappelant que les juges en charge de l’instruction de l’affaire du Mediator ont mis en examen l’agence du médicament pour homicides et blessures involontaires.
« Nous sommes, bien évidemment favorables à une redéfinition des protocoles d’expertise face aux risques émergents car ceux en place ne sont plus adaptés et à une harmonisation des pratiques en matière d’expertise », a affirmé de son côté Jean Bizet (UMP). « Mais ce texte n’apporte que des réponses fragmentaires à des questions de grande ampleur et tend à faire de l’entreprise le coeur du problème », a-t-il ajouté pour expliquer le vote négatif de son groupe.