Roms : une politique durable reste à construire
Les Roms, c’est d’abord une histoire. L’histoire d’un peuple faite de déplacements et de persécutions depuis un siècle. L’histoire d’un peuple qui porte l’obligation de migrer, l’impossibilité de trouver un chez soi. Depuis 2008 et l’accession de la Roumanie et la Bulgarie à l’Union européenne, un espoir de les voir retrouver le droit commun et de pouvoir enfin s’établir était né. Pourtant, les «mesures transitoires» mises en place par les gouvernements européens n’ont pas permis d’en faire des citoyens comme les autres.
Contrairement aux autres Européens, les Roms ne peuvent pas aspirer à une vie meilleure que celle que leur offre leur pays d’origine, où ils sont victimes de discriminations profondes et sont confrontés à des conditions inacceptables. La vie des Roms, leurs conditions de vie, d’accès à l’emploi, à la santé, au travail : tout cela n’est donc pas seulement la charge d’un pays. Leur histoire est devenue notre histoire : une question européenne.
C’est dans le cadre de l’Union européenne que peut se définir le cadre institutionnel, social et économique pour leur offrir une vie meilleure et renouer ainsi avec la mission historique du rêve européen : celui de la paix pour tous. Mais ce rêve européen n’étant pas encore atteint, la France a le devoir et l’obligation d’y prendre toute sa part. Le gouvernement précédent s’en était détourné : au démantèlement des camps, il ajoutait des reconduites à la frontière sur le territoire même de l’Union européenne.
Contrairement aux décisions prises dans d’autres pays, il avait même choisi de prolonger les mesures transitoires jusqu’à fin 2013. Ces mesures ont créé pour les pouvoirs publics des situations inextricables, obligeant des familles à vivre dans des campements de fortune, dont les conditions sanitaires sont indignes de la France, sans ressources et sans possibilité d’accès au marché du travail, rendant difficiles la scolarisation des enfants et l’accès aux soins, et ne permettant pas un relogement pleinement efficace.
Il est inconcevable qu’en France, quelques milliers d’êtres humains venant de Roumanie et de Bulgarie vivent dans des conditions insalubres. Stigmatiser sur une base ethnique une population déjà discriminée et expulser, dans une absurde et coûteuse logique d’objectifs chiffrés – comme l’a fait le précédent gouvernement -, est non seulement honteux, c’est aussi inefficace. On ne résout pas le problème, on le déplace. On crée des errants, on jette des familles dans les rues, sur les routes, on interrompt le travail social, le suivi sanitaire, la scolarisation des enfants, etc. Laisser perdurer les bidonvilles et les campements insalubres condamnés par la justice n’est évidemment une solution pour personne.
Pourtant, une politique durable, humaine, efficace et exemplaire reste à construire. C’était le sens de l’engagement du candidat François Hollande : «Pas de démantèlement sans solutions alternatives.» Telle est donc la feuille de route validée par les électeurs. C’est sur le terrain qu’il faut agir.
Suite aux décisions de justice, dès maintenant, nous recensons les terrains et locaux disponibles immédiatement dans les départements qui sont en premier lieu concernés : Seine-Saint-Denis, Paris, Nord, Rhône et Bouches-du-Rhône. Un peu partout sur notre territoire sont menées des initiatives prometteuses alliant hébergement et accompagnement des populations roms vers les dispositifs de droit commun en matière de travail, de santé, d’emploi et de logement.
Espaces aménagés pour un accueil individuel ou collectif, structures d’habitat temporaires, places d’accueil d’urgence spécifiques, expérimentation de l’accompagnement dans le logement diffus : il faut recenser et évaluer ces projets, afin de pouvoir généraliser ceux qui fonctionnent. Les structures d’insertion soutenues par les associations et largement améliorées depuis les premières expériences doivent être valorisées lorsqu’elles permettent de rendre efficace l’accès au droit. Dans ces dispositifs, la concertation locale est centrale ; les initiatives les plus pertinentes sont le fruit d’un travail commun entre familles, associations, collectivités locales, représentants de l’Etat, voire bailleurs sociaux. Les moyens nécessaires peuvent être mobilisés, et ces dispositifs ne sont pas nécessairement coûteux. D’ailleurs, le Fonds européen de développement régional prévoit des crédits spécifiques pour le logement de populations marginalisées : plusieurs projets d’aide aux Roms sont déjà soutenus dans ce cadre.
En y consacrant les moyens nécessaires, en mobilisant les pouvoirs locaux et en étendant les premières expériences mises en place et qui produisent des résultats, nous avons la possibilité, dans les semaines et mois à venir, de mettre en place une politique d’avenir pour les Roms en France, qui sera exemplaire en Europe, au lieu d’être pointée du doigt comme le fut celle du précédent gouvernement.