Pour un Grand Paris solidaire et durable, une (R)évolution à La Défense est primordiale !
Trois élus de gauche des Hauts-de-Seine prennent position sur le devenir du quartier d’affaires.
Par Vincent Gazeilles (conseiller général EELV), Patrick Jarry (maire de Nanterre et conseiller général) et Jean-André Lasserre (conseiller général PS de Courbevoie – La Défense)
Les récents rapports de la Cour des Comptes et de l’Inspection Générale des Finances mettent enfin en lumière l’impasse que représente le modèle, tant urbain qu’économique, de La Défense, modèle que nous dénonçons depuis des années.
Un projet urbain passé, un modèle économique à bout de souffle
Né dans les années 50, le quartier d’affaires de La Défense s’implante sur les communes de Puteaux, Courbevoie et Nanterre, à l’aube d’un monde globalisé, où les grandes puissances financières réclament au monde politique l’implantation de nouveaux quartiers d’affaires, les Central Business District.
Sans concertation avec les élus locaux, l’Etat délimite un périmètre d’Opération d’Intérêt National (OIN), divisé en deux zones : la zone A, sur Puteaux et Courbevoie, pour accueillir un quartier d’affaires sur dalle, et la zone B, sur Nanterre, zone de servitude du quartier d’affaires, pour les tours de logements et les infrastructures ferroviaires et routières.
Créé pour aménager ce secteur, l’Etablissement Public d’Aménagement de la Défense (EPAD) n’a d’autres ressources que celles des produits de la vente des charges foncières. Ceux-ci financent le fonctionnement de l’établissement, mais aussi, comble pour un établissement public d’aménagement, les coûts d’entretien des équipements publics, pourtant compétence des villes. Pour renforcer l’attractivité du nouveau quartier, les taux de taxe professionnelle sont particulièrement bas.
La Défense ‘’prospère’’ : tertiarisation massive de l’économie, qui conduit à la disparition progressive des activités industrielles du secteur, construction de tours de bureaux et arrivée de dizaines de milliers de salariés qui dégradent peu à peu l’équilibre entre les habitants et les salariés.
Le Plan de Renouveau : une solution inadaptée
Crises immobilières à répétition, dématérialisation de l’économie, évolutions sociétales, conscience de la crise énergétique, absence d’entretien des espaces publics et des tunnels sous la dalle, obsolescence de certaines tours, saturation des réseaux de transport existants … Un demi-siècle plus tard, la conjoncture économique, sociale et écologique met en lumière l’absence de projet urbain et la déliquescence du modèle économique de la Défense.
En 2006, Nicolas Sarkozy lance maladroitement un vaste programme de rénovation et de construction de nouvelles tours, espérant ainsi engranger de nouvelles recettes. Mais les Trente Glorieuses sont loin: les coûts de remise en état des espaces publics et des tunnels, délaissés depuis leur construction, se sont accumulés et s’élèvent à 260 M d’euros et les charges foncières doivent être cédées à bas prix pour attirer des investisseurs méfiants dans un marché immobilier apathique.
Seul échappatoire pour l’établissement public: la fuite en avant, construire toujours plus de tours pour régénérer les tours existantes et espérer financer les travaux d’entretien.
Résultat : l’EPADESA (ex EPAD) répond au coup par coup aux demandes les plus folles des promoteurs, acceptant par exemple de démolir 350 logements dont certains sociaux pour laisser construire par un promoteur russe deux tours de très haut standing. Dans le même temps, les objectifs du Plan de Renouveau, moins rentables (100.000 m2 de logement, participation au financement d’EOLE à hauteur de 100 millions d’euros), sont laissés de côté.
Pour sortir de cette impasse, trois chantiers à engager
Régler la question financière.
Pour s’engager enfin vers l’avenir, il est nécessaire de régler le passif du quartier d’affaires. Exonérés jusqu’à présent de charges, les communes et les propriétaires des 72 tours doivent participer à l’entretien des structures existantes. Les premiers ont largement profité des retombées financières et économiques de la Défense (laissant à l’Epadesa l’entretien des espaces publics de leur territoire), les seconds, d’une taxe professionnelle particulièrement basse.
Dessiner un projet d’aménagement au service de toute la métropole
Aujourd’hui, l’attractivité d’un quartier d’affaires ne se mesure plus à la hauteur et au nombre de ses tours. Les quartiers émergents de notre planète s’appuient sur leurs liens avec les centres-villes, sur leur mixité, sur leurs espaces et leurs qualités de service. Il faut doter ce territoire de qualités urbaines à la hauteur des attentes de ses habitants et de ses salariés : construire des logements accessibles en tendant vers un meilleur équilibre entre bureaux et logements, limiter la tertiarisation et les tours inhumaines et énergivores, développer les services publics nécessaires aux populations, multiplier les espaces verts.
Pour s’inscrire au service d’une métropole solidaire et durable, un tel projet de développement doit être partagé avec les tous les acteurs, ceux de son environnement immédiat (habitants, salariés, organisations syndicales, élus locaux), et ceux d’un périmètre plus lointain (Département, Métropole, et Région).
Cette vision partagée doit se concrétiser par la conclusion d’un seul Contrat de Développement Territorial (CDT) sur les 6 communes qui constituent le bassin de la Défense, associant la Région Île-de-France, la Ville de Paris, Neuilly-sur-Seine.
Aménager la gouvernance
Si, comme le laisse penser l’avant projet de loi de décentralisation, l’EPADESA voit sa mission recentrée sur sa fonction d’aménageur, la permanence d’un établissement public d’aménagement, lourd et coûteux comme l’Epadesa, est-elle nécessaire ?
Ne pourrait-on pas imaginer, à l’image de Saint-Denis et de Plaine Commune, qu’une Société d’Economie Mixte d’Aménagement locale, dotée d’une feuille de route claire et partagée avec les populations, puisse assumer cette mission plus efficacement?
A l’heure où se discutent dans les cabinets ministériels la gouvernance de la métropole et le projet de La Défense, nous demandons la fin du régime d’exception de La Défense, et le retour à l’Etat de droit, dans lequel chacun, collectivités comme Etat, assume ses responsabilités et s’unit pour construire l’avenir durable de La Défense et de l’Ouest parisien.
Vincent Gazeilles, Conseiller général
Patrick Jarry, maire de Nanterre et Conseiller général
Jean-André Lasserre, Conseiller général