Une escale des femmes du monde, pour les femmes victimes de violence

Le 8 mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, un nouvel accueil de jour pour les femmes victimes de violence a été inauguré dans les locaux du Planning familial de Montauban.

Astérie Dusabyinema est l’animatrice, l’inspiratrice de ce nouveau refuge pour les femmes violentées. Collectivement, avec les salarié-es du Planning familial et les bénévoles, elle ouvre chaque jour la porte de 9h à 17h30 aux femmes qui ont besoin de respirer. « Nous avons souhaité qu’à l’escale des femmes du monde, chaque femme se sente à sa place, en famille, en pause. Nous accueillons avec le plus d’humanité possible des femmes qui ont été victimes de violences sexistes, sexuelles, physiques, mais aussi psychologiques et économiques. Bien souvent, les violences se cumulent », rappelle Astérie.

Un lieu de vie et d’échange

Ces femmes qui viennent n’ont pas forcément quitté leur compagnon maltraitant. Elles sont là pour un peu de réconfort, pour parler, dormir aussi, parfois pour préparer leur départ du foyer conjugal et mettre en place les démarches nécessaires, en toute confidentialité et discrétion. Il y a aussi des femmes qui ont un logement, mais qui ne peuvent supporter de se retrouver seules. Ici, parole, écoute et bienveillance sont toujours de mise. D’autres dorment dans des hébergements d’urgence, où elles doivent quitter la chambre de 8h45 à 17h45. Auparavant, elles n’avaient d’autres choix que de déambuler dans les rues de la ville, parfois avec leurs enfants, jusqu’à l’ouverture de la halte de jour à 11h. Aujourd’hui, il y a l’escale des femmes du monde.
Ce lieu d’accueil de jour est un lieu de vie. Il y a une cuisine pour que les femmes en « escale » se fassent le repas. Il y a aussi une chambre permettant à une femme et ses deux enfants de se reposer quelque temps. Un grand salon convivial permet de prendre un thé, de discuter et de laisser les enfants jouer. Une pièce est aussi réservée pour dialoguer en toute intimité avec une des salarié-es. Jeanne, bénévole dynamique, s’occupe de la bagagerie et insiste sur la nécessité d’offrir aux femmes un espace de rangement pour leur linge, un peu comme à la maison. Marie (le prénom a été changé) s’est séparée de son mari car elle subissait régulièrement des violences physiques, se faisait insulter et était constamment humiliée. À l’escale des femmes du monde, elle retrouve progressivement la force pour se reconstruire. « Je viens ici tous les jours, dès l’ouverture, avec mon fils de 18 mois. Nous prenons notre petit-déjeuner et vers midi, c’est souvent moi qui fait le repas. J’adore cuisiner, préparer le couscous, le tajine, confectionner des gâteaux. Ici, je suis comme en famille, je me sens chez moi. D’ailleurs, depuis que je viens, je me sens mieux, j’ai du courage pour avancer et m’en sortir ».

« Le combat de l’une, c’est le combat de toutes »

Pour Astérie Dusabyinema, le lieu doit accueillir toutes les femmes, quelles que soient leur origine, leur religion, leur histoire. Et ce n’est pas vraiment un hasard si ce lieu porte un tel nom. Astérie, d’origine rwandaise est aussi responsable de « l’union des femmes africaines de Montauban », une association sœur du Planning familial. « L’homme le plus pauvre au monde est une femme qui vit en Afrique », lance Astérie. Mue par une conviction universaliste, Astérie a toujours défendu l’idée selon laquelle « le combat de l’une, c’est le combat de toutes. Et quand j’entends qu’au Mozambique, une femme en mini-jupe a été violée et considérée comme coupable d’avoir provoquer son violeur, je ne peux m’empêcher de penser qu’ici, en France, on entend parfois ces mêmes propos. C’est pour cette raison que je crois que le fait d’appartenir à cette famille des femmes engage tout le monde dans la lutte ».

N’oublions pas que le Planning familial est un mouvement d’éducation populaire féministe et que la cause des femmes est un combat qui s’inscrit plus largement dans une lutte pour les droits de toutes les femmes dans la société. Sandy Beauvais, qui intervient au sein du Planning, et assure les fonctions de conseillère conjugale et familiale et aussi d’animatrice d’art, précise fermement que « les femmes ne sont pas coupables de la violence qui leur est faite. C’est la société qui construit cette violence ». L’animatrice d’art, spécialiste en sémiologie de l’expression, confirme que « les enfants qui sont exposés à cette violence vont devenir pour 30% d’entre eux soit auteur de violence, soit victime, une fois adulte ». Et de préciser que « majoritairement, ce sont les garçons qui vont être violents. Il y a bien un système d’assignation de genre ».

L’atelier pigment pour lutter contre la barbarie

Sandy Beauvais est une militante engagée qui œuvre à travers son atelier pigment pour que chaque femme, chaque enfant trouve un chemin vers le mieux-être. « Dans cet atelier d’expression artistique, nous ne faisons pas de l’Art Thérapie, mais nous accueillons les enfants qui arrivent en situation de crise. Nous les recevons quand ils sont au plus près du traumatisme ». Sandy préfère « prendre soin » de ces enfants plutôt que de soigner. Elle est un témoin bienveillant de leur souffrance. Elle les fait dessiner, peindre à partir d’une table palette de 14 couleurs. « Pour les enfants, il s’agit de faire émerger leur créativité. Ça les renforce, ça leur donne de l’énergie, ça permet de valoriser leur estime de soi, de lutter contre la barbarie ». La table palette accueille 14 pots de couleurs différentes, disposées selon un ordre bien spécifique que Sandy modifie au gré de son analyse et de son observation. Même si tout le monde possède un potentiel de créativité et même si Sandy s’interdit toute interprétation, offrant aux enfants un espace de liberté, elle mesure aussi, à l’instar d’Arno Stern que quand un enfant dessine, il se passe quelque chose. En effet, son observation conduit à constater que les enfants mettent leur empreinte et leur trace sur la feuille, qu’ils s’approprient enfin, sur ce bout de papier, leur propre territoire et peu à peu s’apaisent. « Avec cet atelier, les enfants dorment mieux et sont moins agités à l’école. Ils se sont réappropriés leur territoire dans le collectif. Ils se sentent reconnus comme sujets et inscris parmi les autres ».

  • Planning familial 82 et accueil de jour : 505 avenue des Mourets. Montauban.
    Tel : 05 63 66 01 32
    planning.familial.82@wanadoo.fr

Par Christophe Abramovsky, publié sur Friture Mag le 24/03/2013

Remonter