Tchnernobyl : un déni de justice
Tchernobyl, 25 ans.
Sinistre anniversaire que celui de Tchernobyl.
Eva Joly a dénoncé, mercredi 7 septembre, un Etat « au-dessus des lois« après le non-lieu accordé par la cour d’appel de Paris au Pr Pierre Pellerin, dans l’enquête sur l’impact du nuage de Tchernobyl en France.
Michèle RIVASI, députée européenne EELV, conteste l’aboutissement de cette longue enquête et s’indigne de la décision prise par la Cour d’Appel de Paris.
Fondatrice de la Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité (CRRIIRAD, créée en 1986 au lendemain de Tchernobyl), elle avait déjà gagné différents procès contre le professeur Pellerin qui l’accusait de diffamation. La CRIIRAD avait effectué de nombreux relevés d’échantillons révélant une contamination radioactive avérée des aliments consommés par la population française, et ce afin de dénoncer le mensonge d’Etat entourant le nuage radioactif de Tchernobyl.
« Ce non-lieu est un non-sens: la justice a eu les moyens – preuves à l’appui – de démontrer la tromperie aggravée du professeur Pellerin, qui a mené à la consommation d’aliments dont les niveaux de contamination dépassaient les normes fixées par l’UE. J’invite l’Association des Victimes de la Thyroïde à se pourvoir en cassation afin de poursuivre leur quête de justice et de vérité. Nous irons jusqu’à la Cour Européenne des Droits de l’Homme s’il le faut.
Un rapport d’experts, commandé par la juge Bertella-Geoffroy et cosigné par les professeurs Pierre-Marie Bras et Gilbert Mouthon, est parvenu à démontrer le lien de cause à effet entre le nuage radioactif et l’augmentation des troubles thyroïdiens. Cette étude a pu s’effectuer grâce au travail réalisé par le premier endocrinologue installé en Corse et a permis de comparer les troubles avant et après le 24 avril 1986: elle a démontré une hausse de 44 à 100% des troubles thyroïdiens après le passage du nuage radioactif.
Si l’Etat avait informé la population des conséquences du nuage radioactif, ces troubles auraient pu être évités par la non-consommation d’aliments contaminés. C’est donc une véritable double-peine pour les victimes et un déni de démocratie résultant d’une volonté politique inhumaine: jusqu’à quand le nucléaire civil bénéficiera d’une telle impunité? C’est exactement la même situation qu’au Japon actuellement: la population vit dans la désinformation et continue à consommer des aliments contaminés. L’Histoire se répète mais aucune leçon n’est tirée: l’Homme doit rester au centre de l’action politique, il serait temps que nos élites s’en préoccupent à nouveau. »
A l’époque, en 1986, nos autorités de veille avaient menti sur la contamination transfrontalière. Le procès demandé par les victimes françaises de cancers de la thyroïde est toujours attendu…tandis que des membres de l’académie des sciences volent au secours du Professeur Pellerin, dissimulateur.
A l’époque, nos tenants du nucléaire s’étaient drapés dans la « qualité » de nos installations pour mieux pointer « l’incompétence » des russes… Depuis, Fukushima a prouvé que l’improbable est d’actualité, et que la mise en échec d’une technologie, fût-elle moderne comme au Japon, engendre des dommages étendus dans l’espace et dans le temps. Les dégâts du tsunami trouveront remédiation. Ceux de Fukushima compromettent pour des décennies de vastes territoires.
L’Ukraine et le Bélarus ont ainsi des régions condamnées, contaminées, dont les populations ont été plusieurs fois évacuées, toujours plus loin. Champignons, fruits forestiers, gibiers, continuent de contaminer les nouvelles générations. Les organismes révèlent les effets des faibles doses par des pertes d’immunité acquises, des pathologies et même encore des malformations.
Ces deux catastrophes, Tchernobyl et Fukushima, ainsi que le chapelet d’incidents français (Tricastin, Cadarache, etc.) remettent en cause l’approche probabiliste, qui nous annonçait l’éventualité limitée d’un accident à 1 pour 1 000 000 de cas.
Les drames induits démontrent le danger, et non plus seulement le risque, de la filière nucléaire. Danger pour les bassins de population, danger diffus pour la planète (comme les radionucléïdes dans la chaine alimentaire océanique), danger pour la paix.
Le détournement de l’argent de la recherche en énergie au seul profit du nucléaire (95%) est d’autant plus coupable, car ce mécanisme a retardé les innovations solaires, éoliennes, hydroliques, et surtout les économies d’énergie. La France prend à la fois une responsabilité grave de diffusion d’une technologie couteuse et mortifère, et un retard industriel considérable sur les renouvelables et l’efficience.
Oui, il faut sortir du nucléaire. Résolument.