Sommet européen: du bricolage et de l’austérité
- Par Pascal Canfin
Le sommet européen n’a pas débouché sur la fameuse « réponse globale » à la crise un temps promis par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Faute d’accord et de volonté politique, les Etats en sont réduits à bricoler des solutions et à continuer à plonger l’Europe dans l’austérité généralisée.
Pour faire face à la crise de la dette publique, l’Europe dispose de deux solutions. La première est de créer un Trésor européen qui émet une dette européenne qui vient se substituer, totalement ou partiellement, aux nouvelles émissions de dettes nationales. C’est ce saut fédéral que les Etats-Unis ont fait il y a plus de deux siècles et que les responsables politiques européens ne sont toujours pas capables de réaliser. La deuxième solution est de faire financer une partie plus importante des dettes publiques par la Banque centrale européenne comme le fait la Fed aux Etats-Unis ou la Banque d’Angleterre. Là aussi les chefs ne se sont pas mis d’accord notamment en raison du dogme allemand en la matière. Résultat, il a fallu bricoler. Les Etats vont donc garantir les titres émis par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) qui va ensuite acheter directement la dette des Etats les plus en difficulté. On compte donc sur les marchés financiers mais aussi sur la Chine pour acheter ces obligations du Fonds européen. Il est quand même dommage, et sans doute dommageable, d’avoir à se tourner vers la Chine et ses excédents collossaux faute d’accord interne pour réaliser le nécessaire saut fédéral…
La deuxième critique que l’on peut faire des décisions d’hier est l’approfondissement de l’austérité. En contrepartie de l’aide européenne assurée par le FESF, les Etats concernés vont devoir s’engager dans une cure d’austérité encore plus forte. C’est le cas notamment de l’Italie. Or, l’exemple grec et le retour de la récession en Europe montrent bien que tout miser sur la réduction massive des déficits publics est une abération économique, une catastrophe sociale et est largement synonyme de renoncement écologique. L’accord d’hier va donc amplifier la crise et continuer à faire monter le chômage. Il y aurait pourtant un chemin alternatif. Réduire les déficits nationaux grâce à une harmonistation fiscale progressive et à la lutte contre l’évasion fiscale. Parce que l’Europe est un marché unique sans harmonistation fiscale, nous sommes la zone au monde où règne la plus grande concurrence fiscale. Cela prive les Etats de ressources financières collossales et fait les beaux jours des multinationales européennes et des ultra riches. Rappelons qu’en France le taux réel d’imposition sur leurs bénéfices des sociétés du CAC 40 n’est que de 8 % et que la Cour des comptes estime à 30 à 40 milliards chaque année le manque à gagner pour l’Etat à cause de l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux. Mettre fin à ces scandales, voilà une vrai valeur ajoutée pour l’Europe. Mais là-dessus, pas un mot dans la déclaration du sommet d’hier…Et rien non plus sur la nécessité d’organiser une relance verte de l’économie créatrice d’emplois largement non délocalisables, alors que c’est à l’évidence une nécessité absolue pour nous protéger des impacts négatifs de la crise écologique et pour sortir intelligemment de la récession.
Pour ne pas finir sur une note trop pessimiste, actons quand même le fait que la décision d’une décote supplémentaire sur la dette grecque est bienvenue (même si elle aurait du être prise il y a plus d’un an) et que le fait d’obliger les banques européennes à se recapitaliser sur fonds privés est aussi un pas dans la bonne direction.