Sénat : intervention de Jean-Vincent Placé sur la biodiversité

Monsieur le Président,

Madame la Ministre,

Chers collègues,

I. la biodiversité : un sujet majeur et une nouvelle approche

·            Comme l’a excellemment exposé Ronan Dantec, que je salue, le déclin de la biodiversité est alarmant, il était déjà urgent d’agir hier, ça l’est plus jamais aujourd’hui.

En tant que fondateur et ancien Président de Natureparif, l’agence régionale pour la nature et la biodiversité en Île-de-France, j’ai pu observer l’ampleur de la tâche qui est la nôtre, en tant qu’acteurs publics.

Mais la biodiversité, c’est quoi au juste ?

La biodiversité, ce n’est pas une lubie d’écolo.

La biodiversité, ce n’est pas limité à quelques espèces emblématiques de faune ou de flore.

Lorsque nous disons «  biodiversité », nous parlons de cette diversité biologique  grâce à laquelle nous pouvons nous nourrir, nous vêtir, fertiliser naturellement les sols, résister aux phénomènes naturels, absorber le CO2, diversifier les paysages…

Elle est omniprésente et impacte directement toute la société, bien au-delà de nos frontières.

La Nature, riche et belle de cette richesse, je voudrais qu’on la préserve parce qu’on l’aime. Mais je suis un pragmatique,

alors je voudrais insister sur les raisons pour lesquelles protéger la biodiversité n’est ni un choix, ni même une option, c’est une nécessité.

·               Les travaux réalisés dans le cadre de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire ont permis de définir le concept de « services écologiques » ou « services éco systémiques » qui mettent en lumière à quel point la biodiversité est présente dans nos vies.

Derrière ces mots, il faut entendre les bénéfices que les humains tirent de la nature, de manière directe ou indirecte.

Il ne s’agit pas seulement de défendre la nature pour ce qu’elle est mais aussi pour ce qu’elle nous apporte.

 

III. Les impacts de la biodiversité

·               La biodiversité est inestimable. Pour autant cette richesse est exploitée par les entreprises sans qu’elles n’en subissent les coûts…

Le rapport coordonné par Bernard Chevassus-au-Louis sur « l’Approche économique de la biodiversité et des services liés aux écosystèmes » détaille les enjeux socioéconomiques majeurs que représentent, pour la France, la biodiversité ainsi que la valeur des services écosystémiques. Pour aujourd’hui et encore plus pour demain.

Pour Monsieur Sarkozy, « l’environnement, ça commence à bien faire », pourtant, pour ce Président tant attaché au pouvoir d’achat et aux finances publiques, la biodiversité devrait être une priorité puisque :

– D’une part, les pertes irremplaçables des services éco-systémiques vont conduire naturellement à une augmentation des prix pour les consommateurs. Est-il encore nécessaire de rappeler les conséquences des bois et forêts dévastées ?

– D’autre part, les dégâts résultant de la perte de la biodiversité doivent être supportés ou compensés par la société et donc… par les contribuables.

·               Au-delà de ces considérations, la biodiversité a également des impacts sociaux, que ce soit en ville ou à la campagne, chacun sent intuitivement qu’un environnement est sain quand il côtoie insectes, oiseaux, poissons ou toutes sortes de fleurs. Les ménages sont à la recherche d’un cadre de vie naturel, de meilleure qualité et apaisé, comme en Essonne près du parc naturel régional du Gâtinais Français que je connais bien.

Mais ce cadre de vie a surtout des impacts sur la santé : La dimension environnementale des maladies cardiovasculaires est largement méconnue. Pourtant, près de 500 études scientifiques récentes mettent en évidence les multiples liens entre environnement, biodiversité et maladie cardiovasculaire.

Le fait de vivre en milieu vert réduit de moitié la différence de mortalité cardiaque entre pauvres et riches !

 

Enjeux économiques, finances publiques, équité sociale : On voit bien que la biodiversité n’est pas seulement le sujet des amoureux de la nature. Il concerne en priorité l’État, les acteurs publics et les acteurs privés.

 

II. critique du bilan du Gouvernement

Pourtant le Gouvernement ne semble pas avoir pris la mesure de l’enjeu.

Que fait le Gouvernement pour protéger la biodiversité dont nous dépendons ?

Que fait-il pour changer la perception et les pratiques des industriels ?

·               Comment pouvez-vous, Madame la Ministre, nous promettre d’améliorer la situation tout en diminuant drastiquement les moyens? C’est moins 50% de crédits en 2012 pour la DRIEE Ile-de-France ! L’affichage ne suffit pas.

 

·            Les leviers d’actions existent pourtant : dans la filière du BTP, de la fiscalité, de la production agricole, de l’industrie verte, ou encore en matière de responsabilité juridique environnementale.

La France est toujours à la traine en matière de fiscalité verte. Elle ne représente que 1.5 % du PIB en 2009, tandis que c’est le double en Slovénie. La France se classe 24ème sur 27 !

·               Le Gouvernement s’avoue-t-il impuissant ? Qu’il laisse sa place…

Je n’exagère pas en disant que protéger la biodiversité, c’est refuser d’hypothéquer notre avenir.

J’encourage, en premier lieu, votre Gouvernement, Madame la Ministre, à appliquer au plus vite les recommandations du rapport réalisé par le centre d’analyse économique sous la présidence de Guillaume Sainteny qui identifie les aides publiques dommageables à la biodiversité.

Enfin pourquoi ne pas ouvrir des négociations par filière pour repenser les cycles de production afin de :

–            Produire mieux en tirant le meilleur parti de nos ressources pour les gérer durablement

–            Produire « recyclable »

–            et créer de nouveaux emplois d’avenir ?

—–

Pour conclure, Madame la Ministre, c’est avec tristesse que je constate que la préservation de la biodiversité n’est toujours pas une priorité dans les politiques publiques et les pratiques privées.

Madame, vous allez prendre la parole dans un instant pour nous répondre,

tous les acteurs de la biodiversité sont présents, à l’écoute,

et j’espère sincèrement, pour le bien collectif, que vous saurez nous convaincre que l’action du Gouvernement dépasse les simples effets d’annonce,

car quand on se s’occupe pas de la biodiversité, on est tous perdant.

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