SANS-CULOTTES – Les Parisiennes peuvent porter le pantalon en toute légalité

C’est officiel. Depuis jeudi 31 janvier, les Parisiennes peuvent choisir de porter ou non un pantalon, sans risquer de peine d’emprisonnement. Beaucoup l’ignoraient, mais une « ordonnance concernant le travestissement des femmes » datant de 1800 était encore en vigueur dans la capitale française. A la demande du ministère du droit des femmes, elle a enfin été abrogée par une publication au Journal officiel.

Signée le 16 brumaire de l’an IX (7 novembre 1800) par le préfet de police de Paris, l’ordonnance D/B 58 prévoyait que les femmes ne puissent « quitter les habits de [leur] sexe que pour cause de santé ». « Toute femme qui, après la publication de la présente ordonnance, s’habillerait en homme, sans avoir rempli les formalités prescrites, donnerait lieu de croire qu’elle aurait l’intention coupable d’abuser de son travestissement » et serait transférée aux services de la préfecture de police, énonçait le texte. Dans la foulée du mouvement des sans-culottes, le port du du pantalon était une revendication révolutionnaire, en opposition à la bourgeoisie qui, elle, portait des « culottes ». En 1792, les femmes révolutionnaires chantaient Nous portons la culotte :

« En garçons habillées marchons ;
Pour vaincre les despotes, 
Adieu nos chers parents 
C’est les femmes d’à présent. »

L’historienne Christine Bard (auteure d’Une histoire politique du pantalon, Seuil, 2010) rappelle dans la revue Clio que de nombreuses femmes ont tenté de détourner cette ordonnance au cours du XIXe siècle, parvenant parfois à obtenir des dérogations pour raisons professionnelles (être journaliste par exemple, pouvait permettre le port du pantalon). Mais les demandes d’abrogation, notamment celle déposée devant le Parlement en 1887 par la féministe Marie-Rose Astié de Valsayre, étaient toujours classées sans suite.

Après la Belle Epoque et l’arrivée de nouvelles mÅ“urs vestimentaires, l’ordonnance D/B 58 tombe en désuétude mais n’est pas abrogée pour autant. Les demandes écrites adressées à la préfecture au sujet de la « modernisation » de cette réglementation restent lettre morte. Ce n’est pourtant pas faute de remettre le sujet à l’ordre du jour. Dans un article de juin 2011, à l’occasion d’une demande de la sénatrice socialiste Maryvonne Blandin, Le Figaro soulignait qu’en 2004 « le député UMP Jean-Yves Hugon avait demandé à la ministre déléguée à la parité, Nicole Ameline, sa suppression. Elle lui avait répondu que la ‘portée serait purement symbolique' ». Le même argument avait été avancé par la préfecture en 2010, quand le conseil de Paris lui avait demandé de supprimer le texte : le texte relevait de l’« archéologie juridique » et n’était pas une priorité.

Il aura donc fallu attendre le rétablissement, en mai, d’un ministère du droit des femmes, saisi par le sénateur UMP Alain Houpert, pour que ce texte obsolète soit bel et bien supprimé. Pour autant, les femmes ont-elles gagné le droit de choisir leurs tenues comme elles l’entendent ? A entendre les sifflets de l’Assemblée nationale quand la ministre du logement, Cécile Duflot, s’y était présentée en robe fleurie, ou à voir des associations féministes lancer des journées « Toutes en jupe », on se dit qu’elles sont encore loin de la tranquillité vestimentaire. Et au travail, les codes vestimentaires dans certaines entreprises sont toujours obsolètes. Comme le rappelle Le Parisien, « l’article L. 120-2 du code du travail permet toujours à l’employeur d’imposer la jupe s’il en justifie clairement les raisons ».

Publié le 4 février 2013 sur bigbrowser.blog.lemonde.fr

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