Partie de poker menteur sur le dos des voyageurs

Cette semaine a connu quelques coups de tonnerre retentissants, sur le dossier du financement de la ligne à grande vitesse qui devrait être mise en chantier à partir de 2014, et qui à terme pourrait relier Toulouse à Paris. Ce serpent de mer ne cesse de s’agiter depuis quelques mois. Il est probable que les échéances politiques à venir n’y soit pas étrangères.
Le protocole d’accord sur le financement a été signé avec de très grandes difficultés et l’équilibre financier de ce projet reste très précaire. Les collectivités locales sont appelées à financer les études et les travaux à un niveau inédit en France, le tour de table des financeurs s’est même conclu en 2011 par une décision du gouvernement de contraindre une Région à participer au financement du projet à hauteur de 100 millions d’Euros alors que cette infrastructure n’est pas de sa compétence …
Le partenariat public privé mis en oeuvre pour financer l’infrastructure est très favorable au concessionnaire Vinci qui pourtant ne finance que 30 % de l’investissement.

Depuis des mois, l’on sent qu’une partie de poker menteur se joue sur ce dossier entre l’Etat et les collectivités locales et qu’aucun de ces acteurs ne souhaite pouvoir être mis en accusation de mettre en danger le projet. Le coût du projet a augmenté significativement au fil des études, et les montants de financement évoqués semblent hors de portée pour les finances des collectivités locales (Pour le tronçon Tours-Bordeaux uniquement : Région : 102 millions, Conseil Général 69 millions, Communauté Urbaine : 53 millions…).

Depuis quelques mois le jeu de bluff s’étoffe, et chaque fois que l’un des acteurs a évoqué sa crainte de ne pas pouvoir assumer sa mise, les autres se sont dressés sur leurs ergots, en les accusant de mettre en danger le projet… Ainsi le 16 décembre 2011, en clôture des assises du ferroviaire la ministre a fait savoir qu’elle jugeait utile de soumettre le projet à l’examen d’une commission indépendante pour juger de l’opportunité de rénover les voies existantes ou de financer des lignes grande vitesse dédiées au trafic unique des TGV. La riposte fût immédiate et les collectivités locales se sont régalées à demander au gouvernement de confirmer ses engagements dans le financement du projet.

A vrai dire, plus cette partie avance, plus j’ai l’impression que les grands perdants sont les voyageurs et les contribuables. Car pendant ces années passées à promettre l’arrivée de la LGV dans 8 ans à Toulouse, rien n’a été fait pour mettre en oeuvre le projet réellement finançable et qui permettrait des connexions rapides entre Paris – Bordeaux – Toulouse, mais permettrait également d’être prolongé vers Narbonne et l’Espagne. Un seul projet peut répondre à tous ces enjeux, celui de la modernisation des voies existantes… Le seul projet qui aurait des retombées sur les réseaux régionaux de transport et le fret ferroviaire et que les élus écologistes défendent depuis des années.

Les lignes bougent ces jours derniers car certaines collectivités locales signataires du protocole d’accord de financement annoncent leur incapacité à honorer leurs engagements. Lundi 13 février le département du Lot et Garonne annonçait qu’il ne pourrait tenir ses engagements , suivi le lendemain par le Conseil Général du Gers… Martin Malvy dans cette situation décide de faire l’étonné, et fait savoir que si le contrat de financement n’est pas honoré par tous les partenaires il se verrait dans l’obligation de retirer les crédits de la Région Midi-Pyrénées sur le projet.

En réalité cette évolution de stratégie ne doit certainement rien au hasard, et si les collectivités locales ont choisi de prendre le parti du volontarisme financier sur ce dossier, c’est avant-tout pour ne pas apparaître comme les fossoyeurs du projet et dans le but de laisser ce rôle au gouvernement. Seulement, dans quelques mois il se pourrait que le gouvernement change et que l’Assemblée nationale bascule à gauche. Il serait alors prudent de trouver un plan B qui éviterait l’affrontement et permettrait de sortir de cette impasse politique sans réclamer à la nouvelle majorité d’augmenter la participation gouvernementale et de contraindre les collectivités réticentes au « racket » institutionnalisé.

Ces grandes manoeuvres se voient de loin, elles laissent perplexes sur la capacité de répondre aux défis du présent sur nos territoires avec des jeux aussi partisans et court-termistes… Nous avons perdu des années précieuses par ces postures vaines, espérons que l’on reparte rapidement vers un projet réaliste et ambitieux.

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