Nous devons engager une véritable transition écologique de l’économie
Cyril Kretzschmar, conseiller délégué à la nouvelle économie, initie une politique globale pour engager Rhône-Alpes dans la transition écologique de l’économie. Dans ce cadre, il donne pour objectif la création de 20 000 emplois verts d’ici 2020 et l’évolution de 50 000 emplois vers la réduction de notre empreinte écologique.
Comment arriverez-vous à cet objectif de 70 000 emplois ?
Jusqu’à maintenant, la politique environnementale n’avait pas de vocation économique ni de création d’emplois. Inversement, la politique économique et les politiques emploi-formation, elles, n’avaient pas vocation à préserver l’environnement. Mon but est d’articuler ces trois registres de façon cohérente.
Pour cela, il faut toucher à tous les secteurs de l’économie. Pour cette délibération Emplois Verts / Nouveaux Emplois, j’ai travaillé avec neuf de mes collègues vice-présidents dans chacun de leurs domaines afin d’infléchir les dispositifs existants : formation, économie, énergie, tourisme, aménagement du territoire, environnement, agriculture…
Sur le terrain, nous nous adresserons aux entreprises, salariés et associations ; aux professionnels de la formation et de l’emploi ; et enfin à chaque secteur en particulier : énergie, chimie verte, transport, filière bois…
Qu’est-ce que les emplois verts ?Architecte, chauffagiste, garde forestier, agronome… Les emplois verts correspondent souvent à des métiers traditionnels. Pourtant, depuis plusieurs années, ils sont considérés comme des filières d’avenir. Ils ont en commun de contribuer à répondre à un besoin économique, social et environnemental de premier plan : la réduction de notre empreinte environnementale. La nomenclature européenne officielle distingue les emplois « verts » des emplois « verdissants ». Les premiers ont la réduction de l’empreinte écologique dans leur cœur de métier. Ce sont les employés des parcs naturels, les agriculteurs bio, les ingénieurs en efficacité énergétique… Les seconds sont des professionnels dont la pratique évolue vers des pratiques plus écologiques. Autrefois, les techniciens qui géraient les chaufferies collectives se contentaient de les mettre en chauffe à l’automne, puis de s’occuper des opérations d’hivernage, de dépannage. Aujourd’hui, les contrats de maintenance sont indexés à des missions de régulation des consommations. Les techniciens sont devenus de véritables économistes du chauffage. Ils font des diagnostics sur l’isolation des bâtiments, sur les défauts de la ventilation, et font des propositions au syndic. Les gardiens d’immeuble, eux, sont aujourd’hui bien loin de la figure de la concierge d’autrefois. Ils peuvent avoir un rôle dans la réduction des déchets des ménages, le compostage des végétaux, les économies d’énergie… |
Nous devons composer avec les dispositifs existants et avec les orientations des autres forces politiques qui composent la majorité. Nous devons encore les convaincre d’aborder une véritable transition écologique de l’économie.
Plus personne, sauf quelques ayatollahs de la croissance, ne nie la nécessité de s’adapter au changement climatique et à la raréfaction des ressources. Pourtant, le seul terme de transition écologique en fait encore sauter plus d’un au plafond, alors que nous touchons à la nature même de l’action politique : prendre des décisions pour anticiper les évolutions à venir.
Si vous arriviez à vaincre les réticences, quelles seraient les perspectives de cette transition ?
Nous devons encourager la mise en place d’une véritable économie écologique au service des besoins humains et compatible avec les limites de la planète. Cela passe  d’abord par l’éco-conception des biens et services. Il s’agit de prendre en compte tout leur cycle de vie, depuis l’extraction ou la culture des matières premières jusqu’à la destruction finale, en passant par le transport.
Pour cela, les industriels doivent coopérer entre eux pour mutualiser leurs besoins, certaines ressources et certains marchés. Avec l’écologie industrielle, les déchets des uns peuvent devenir les ressources des autres. Nous avons à promouvoir une économie circulaire plutôt que linéaire, coopérative et de proximité plutôt que hiérarchisée et mondialisée.
Ensuite, pour faire face au caractère fini des ressources, il faut aller encore plus loin et se défaire de nos réflexes productivistes : de même que la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas, le meilleur produit est aussi, parfois, celui que l’on ne produit pas.
En disant cela, n’êtes-vous pas en train de rejoindre les apôtres de la théorie de la décroissance ?
La grave crise que nous traversons combine intimement des dimensions sociales, environnementales et économiques. Nos ressources sont de plus en plus comptées.
A-t-on besoin de toujours plus d’acier pour vendre toujours plus de voitures, ou a-t-on besoin de se déplacer plus aisément en polluant moins ? Plutôt que d’acheter une voiture qui n’est pas utilisée 95% du temps, vous achetez un certain nombre de kilomètres de parcours en autopartage.
Ce n’est pas de la décroissance, mais de l’économie qui répond à nos besoins. Nous devons juger un bien et un service selon sa finalité globale, selon le besoin et l’usage qu’en fait la société tout entière. On produit moins, mais on intensifie la valeur d’usage en privilégiant la qualité de vie.
Ne craignez-vous pas d’accentuer encore la tertiarisation de l’économie, au risque de sacrifier l’industrie ?
Quelle est la finalité de notre action ? Est-ce de conserver en l’état l’industrie et plus largement l’économie comme elles étaient dans les années soixante-dix ? Dans ce cas, à moyen terme, elles seront menacées par la raréfaction des ressources, et les emplois seront à nouveau en péril.
Nous devons au contraire améliorer ce que l’industrie et l’économie nous apportent en termes d’emplois et de service rendu. Il faut remettre l’humain au cœur de l’économie pour lui redonner son utilité sociale et écologique. C’est la seule façon durable de créer des emplois, y compris dans l’industrie.